Déféré devant l’Inspection judiciaire, sur décision du ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, le Club des juges a été soumis, mercredi, à son premier interrogatoire. Depuis sa création en 2018, cette association de magistrats libanais ne fait pas l’unanimité dans les milieux judiciaires. En cause, notamment, ses publications sur les réseaux sociaux et les apparitions télévisées de son président, le juge Fayçal Makki. Mais ce qui aurait été à l’origine de cette dernière convocation c’est le fait d’avoir dénoncé récemment, sur les réseaux en ligne, une nomination jugée contraire à la coutume.
Le 9 novembre, le premier juge d’instruction, Charbel Abou Samra, devrait passer à la retraite. Étant donné l’impossibilité de procéder, à l’heure actuelle, à des nominations judiciaires, en raison du refus du ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, de signer le décret qui y est relatif, le premier président de la cour d’appel de Beyrouth, Habib Rizkallah, a décidé de nommer, par intérim, le juge d’instruction Waël Sadiq. Or, d’après une source judiciaire proche du dossier, la priorité ne devait pas être accordée, selon le Club des juges, à M. Sadiq et le choix aurait dû se faire entre trois autres magistrats. Pourquoi? En temps normal, lorsqu’un poste devient vacant au sein de la magistrature et que les nominations judiciaires n’ont pas lieu d’être, l’on procède à la désignation, par intérim, du juge le plus haut gradé, indépendamment du critère confessionnel. Élément auquel ne semble pas adhérer le ministre sortant de la Justice, qui aurait estimé que l’équilibre confessionnel est une nécessité. Ici Beyrouth a essayé, en vain, d’entrer en contact avec M. Khoury, pour clarifier les motifs de sa décision.
«À l’heure où le corps de la magistrature est ébranlé tant par la crise financière que les ingérences politiques, le ministre a choisi de s’en prendre au club, au lieu de déployer des efforts en faveur des nominations judiciaires», martèle-t-on dans ces mêmes milieux.
Le droit de réserve
Depuis sa prise de fonction à la tête du ministère de la Justice, M. Khoury a déféré le président du Club des juges devant l’Inspection judiciaire à deux reprises, pour des apparitions télévisées effectuées sans autorisation préalable. Cette fois-ci, il reproche au Club des juges de publier des communiqués sur les réseaux sociaux et dans les médias, qui traitent de dossiers relatifs au corps judiciaire et de transgresser le droit de réserve.
De fait, les juges sont tenus d’une obligation, celle de faire preuve de retenue et de modération dans leurs actions et dans l’expression de leurs opinions de toute sorte, spécialement celles de nature politique ou religieuse et de ne pas porter atteinte à la dignité de leur fonction ni à la confiance que le public devrait normalement leur accorder. Or, vu «l’absence d’une définition claire à ce sujet, le droit de réserve est un sujet qui suscite la controverse», indique un des membres du Club des juges interrogé par Ici Beyrouth. «Il y a des limites à cette obligation, surtout lorsque l’on témoigne de débordements qui portent atteinte à la magistrature», continue-t-il. Et de préciser: «Le droit de réserve n’est pas une épée de Damoclès à brandir contre les juges à des fins à caractère politique.»
S’indignant du silence du Conseil supérieur de la magistrature et du ministre sortant de la Justice face à «une magistrature qui périclite», le juge précité considère que la seule voie libre dans le cadre de la magistrature est «celle de ce cercle de juges qui dénoncent le dysfonctionnement du corps judiciaire et prônent la transparence dans le secteur public».
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