Un film inspiré d’un fait réel en Corse provoque une controverse sur l’île. Le dernier film de Stéphane Demoustier, Borgo, s’est aventuré dans une zone délicate, celle de mélanger fiction et réalité. Basé sur l’histoire troublante de Cathy Sénéchal, une surveillante pénitentiaire accusée de complicité dans le double assassinat de deux figures du banditisme insulaire, le film a perturbé de nombreux Corses qui connaissent bien l’affaire.
L’anticipation autour de la projection du film a été palpable, avec une fausse alerte à la bombe retardant sa première projection en Corse d’une heure. Ceci a eu lieu lors du festival Arte Mare.
La trame principale suit le parcours de Mélissa, une surveillante pénitentiaire, qui, cherchant à refaire sa vie, s’installe en Corse. Le film entrelace cette histoire avec celle de Sénéchal, accusée d’avoir été complice de l’assassinat de Tony Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, en leur donnant ce qui est tristement devenu célèbre comme le «baiser de la mort »». Cette séquence, selon l’accusation, a permis au tireur de les identifier avant de commettre son acte fatal.
Ce qui a particulièrement attisé le débat autour du film est son timing. L’affaire réelle devant laquelle Cathy Sénéchal sera jugée est prévue pour les mois de mai à juillet. Cependant, Borgo sortira trois semaines avant le procès, le 17 avril. Me Julien Pinelli, l’avocat de l’un des accusés, exprime ses préoccupations en déclarant que le film pourrait potentiellement influencer le jugement des magistrats et des jurés.
Malgré les similitudes avec le réel, Stéphane Demoustier insiste sur le fait que Borgo est une œuvre de fiction. Le film, tourné à Ajaccio et dans une prison désaffectée de Compiègne, modifie plusieurs éléments clés de l’histoire. Le personnage principal est présenté comme une jeune femme maghrébine avec un conjoint noir, une décision qui apporte une autre couche de complexité en abordant le sujet du racisme en Corse.
Louis Memmi, interprétant Saveriu dans le film, a anticipé que la réaction du public corse serait plus intense que celle du continent. En effet, lors d’un débat postprojection, un spectateur a interrogé M. Demoustier sur une éventuelle «caricature» de la vie carcérale à Borgo. En réponse, le réalisateur a affirmé avoir cherché à rester fidèle à l’esprit de cette prison, réputée pour ses particularités.
Le film Borgo soulève de nombreuses questions sur la frontière entre réalité et fiction, et sur la responsabilité des créateurs lorsqu’ils traitent d’événements réels. Avec une affaire encore en cours et un public sensibilisé, Borgo continue de faire parler de lui bien au-delà de l’île de beauté.
Avec AFP
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