La station de ski
©Illustration: www.whynatt.com, Natasha V Simonian
Et voilà, le temps d’abattre le garde-corps et les vingt minutes d’ascension en télésiège les plus longues de l’histoire du ski vont débuter…


Le paysage époustouflant de Faraya ne suffit plus à détourner mon attention, je connais la chanson. Nous allons commencer l’ascension, le vieux Farès pointera du doigt le sommet du Mzaar que l’on aperçoit, il me montrera les pistes que nous descendrons en traçant un slalom invisible de sa main, il désignera le «meilleur restaurant de la station – tu peux me croire» en levant son pouce, il me gratifiera de son: «Reste bien assise, tu imagines le trou en forme d’Inès que tu ferais dans la neige si tu tombais de si haut!» et enfin, il gigotera nerveusement en apercevant le sapin penché.

Alors il me racontera l’éternelle même anecdote…

«Tu sais, Inès, cette forêt de sapins là-bas, près de la piste des chamois, elle est dangereuse! Un jour, gamin, je me suis perdu et j’ai atterri en plein dedans. On ne dirait pas à cette distance, mais ils sont très très hauts ces sapins. La nuit tombait, le sol était plein de bosses que je distinguais mal, et avec la pente, j’ai glissé sur l’une d’elles comme une fusée, allant si vite que j’ai heurté le sapin penché avec une violence incroyable! Je me suis cassé les deux bras et les deux jambes. J’ai bien cru que je ne skierais plus jamais de ma vie!»

Cette histoire était bouleversante la première fois (pauvre Farès!). Mais ça c’était il y a huit ans quand il me l’a racontée lors de notre première remontée. Aujourd’hui je n’en peux plus de l’entendre!

Et pauvre de moi parce qu’on me contraint encore à suivre les leçons de Farès qui radote, alors que mama, baba et mon frère skient en toute autonomie. Sans avoir à écouter sans cesse les mêmes vieilles anecdotes… Sans avoir à se cantonner aux éternelles pistes vertes et bleues… Quatre-vingts kilomètres de descentes et Farès m’entraîne toujours sur celles que je maîtrise super bien! Il m’oblige à glisser en plusieurs étapes et me photographie pour décortiquer ensuite mes techniques… je suis à bout.

Tous les plaisirs et libertés formidables de la montagne me sont interdits… Je suis coincée avec le dinosaure!


J’entends le cliquetis, on se rapproche du sommet... Farès est presque prêt à descendre. Je ne vais pas y arriver… Il se prépare au petit saut de sortie, réajuste son casque, lance un: «Go Inès!» et sort.

C’est maintenant ou jamais!

Sur un coup de folie, je rabats le garde-corps et reste bien assise au fond du siège pour redescendre, au nez et à la barbe de Farès. Je ne peux m’empêcher de sourire et de le narguer de grands saluts de mes moufles!

Oh, il me rattrapera rapidement… mais je vais déguster mes précieuses minutes de liberté!

 

 

 
Commentaires
  • Aucun commentaire