Le monde du cinéma perd un acteur séduisant et éclectique, disparu prématurément à l'âge de 37 ans.
Décédé brutalement mercredi à l'âge de 37 ans après un accident de ski, Gaspard Ulliel pouvait aussi bien, avec sa gueule d'ange, jouer les jolis garçons que les "bad boys", n'hésitant pas à jouer de son ambiguïté pour incarner à l'écran Yves Saint Laurent ou l'écrivain faisant ses adieux dans "Juste la fin du monde".
Sa dernière apparition sur les écrans remonte à l'automne dernier où il partageait l'affiche de la comédie "La vengeance au triple galop" d'Alex Lutz avec Leïla Bekhti et Audrey Lamy.
Deux ans auparavant, il était à l'affiche du film "Sibyl" de Justine Triet avec Virginie Efira et Adèle Exarchopoulos. Le film avait été présenté en compétition au Festival de Cannes de 2019.
Devenu en quelques années un acteur phare du cinéma français, Gaspard Ulliel est au casting de "Moon Knight", série Marvel, prochainement diffusée sur Disney+.
Révélé en 2003, à 19 ans à peine, dans "Les Égarés" d'André Téchiné aux côtés d'Emmanuelle Béart, Gaspard Ulliel avait impressionné en 2014 pour son interprétation du couturier Yves Saint Laurent dans "Saint Laurent" de Bertrand Bonello.
Il avait été nommé pour le César du meilleur acteur pour ce film, mais s'était vu damer le pion par son concurrent Pierre Niney dans "Yves Saint Laurent".
Deux César
Né le 25 novembre 1984 de parents stylistes, Gaspard Ulliel a passé son enfance entre l'école et l'appartement familial, dans le centre de Paris, où il dessinait pendant des heures.
C'est une amie de sa mère qui lui propose d'intégrer l'agence de comédiens qu'elle vient de créer. Il n'a que 11 ans mais il obtient très vite un petit rôle dans un téléfilm.
Après quelques stages d'été au cours Florent, il s'inscrit après son bac à l'université de Saint-Denis pour des études de cinéma qu'il abandonnera d'autant plus vite que sa carrière va vite décoller.
Il est remarqué par Michel Blanc qui lui offre en 2002 un rôle dans une comédie à succès, "Embrassez qui vous voudrez".
Mais le révélateur, ce sera André Téchiné avec "Les Égarés" où il incarne Yvan, un garçon plutôt sauvage qui, pendant l'exode, traverse les routes de France avec deux enfants et leur mère. Pour ces deux films, Gaspard Ulliel est nommé au César du Meilleur espoir masculin en 2003 et en 2004.
C'est la troisième fois qui sera la bonne: il décrochera la statuette en 2005 grâce à "Un long dimanche de fiançailles" de Jean-Pierre Jeunet, dans lequel il incarne Manech, le fiancé de Mathilde (Audrey Tautou), disparu en 1917 dans les tranchées.
Égérie
Son éclectisme ne se dément pas: en 2009, on le retrouve en fils d'Isabelle Huppert dans "Un barrage contre le Pacifique" de Rithy Panh, mais aussi en rejeton de Jean Reno dans un thriller, "Le Premier cercle". En 2010, il joue Henri de Guise dans "La Princesse de Montpensier" de Bertrand Tavernier.
Devenu un acteur de premier plan, il enchaîne les tournages, y compris aux États-Unis dans "Hannibal Rising", qui conte les jeunes années du serial killer cannibale. Son premier rôle en anglais.
En 2017, il rafle le César du meilleur acteur pour son rôle bouleversant dans "Juste la fin du monde" du prodige québécois Xavier Dolan, sur un écrivain qui, après douze ans d'absence, vient annoncer à sa famille qu'il va mourir.
Son visage et sa silhouette de jeune premier, il les affiche aussi dans les défilés de mode et les films publicitaires.
Un contrat signé avec Chanel pour laquelle il devient l'égérie d'un parfum lui a fait dire: "Tout à coup, j'ai eu un confort financier qui m'a permis de choisir, d'attendre, de ne pas inonder les écrans".
Un de ses metteurs en scène, Rodolphe Marconi, qui l'a fait tourner dans "Le Dernier jour", dit de lui: "Gaspard est un ciel bleu traversé de nuages qui n'éclatent jamais. Un garçon étrange, difficile à percer. Il a sûrement une fêlure, le jour où ça va s'ouvrir, ça va faire mal...".
L'acteur était père d'un petit garçon.
(Sophie LAUBIE et Alexandra DEL PERAL/AFP)
Gaspard Ulliel en cinq films
Gaspard Ulliel laisse derrière lui une galerie de personnages gracieux ayant acquis, au fil des années, une belle maturité. Voici cinq de ses films.
Les Égarés
L'acteur n'a que 19 ans lorsqu'il tourne "Les Égarés" sous la direction d'André Téchiné en 2003. Il incarne un délinquant en cavale qui, pendant l'Exode de juin 40, prend sous son aile deux enfants et leur mère, une jeune veuve troublante. Avec ce rôle, concentré de forces et de blessures, il remporte sa deuxième nomination au César du meilleur espoir masculin. L'année d'avant, il figurait dans la même catégorie avec la comédie "Embrassez qui vous voudrez" de Michel Blanc.
Un long dimanche de fiançailles
La troisième nomination au César du meilleur espoir masculin sera la bonne pour Gaspard Ulliel. Le jeune comédien décroche la statuette en 2005 pour "Un long dimanche de fiançailles" de Jean-Pierre Jeunet dans lequel il incarne Manech, le fiancé de Mathilde (Audrey Tautou) disparu en 1917 dans les tranchées et que la jeune fille refuse de croire mort. Dans cette superproduction qui fit plus de 4 millions d'entrées, Gaspard Ulliel incarne un jeune homme suspendu entre enfance et folie. Sa grâce dans ce rôle n'a d'égale que sa fraîcheur.
La princesse de Montpensier
En 2010, il joue Henri de Guise dans "La Princesse de Montpensier", un ambitieux film d'époque de Bertrand Tavernier, avec Mélanie Thierry et Lambert Wilson. Dans cette histoire d'amour sur fond de guerres de religion du XVIe siècle tournée en cinémascope, il incarne avec toute la fougue de sa jeunesse, le jeune cousin de la princesse de Montpensier.
Saint Laurent
C'est avec le "Saint Laurent" de Bertrand Bonello en 2014 que Gaspard Ulliel incarne son premier rôle d'homme, complexe et puissant. Après une année de travail où il cherche à trouver la voix si singulière du couturier, il livre un personnage sombre et fragile qui le fait connaître à l'international.
Nommé comme meilleur acteur aux César, c'est finalement Pierre Niney qui l'emporte pour le même rôle dans un autre "Yves Saint Laurent" de Jalil Lespert. Mais dans ce rôle - celui de sa vie, confessait-il - Gaspard Ulliel atteint une maturité splendide.
Juste la fin du monde
Louis, homosexuel, auteur à succès, retrouve sa famille après 12 ans d'absence pour leur annoncer "sa mort prochaine et irrémédiable". L'ombre de son Saint Laurent a nourri la composition de ce nouveau rôle grave et troublant, cette fois dirigé par Xavier Dolan en 2016. Le jeune réalisateur canadien filme ce fils prodigue comme un alter ego, étranger parmi les siens, aveuglés par l'hystérie familiale. Il gagnera son second César, cette fois, du meilleur acteur.
Commentaires