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- L'éditorial - Guerre de Gaza: Un double enjeu
De retour d’un voyage impromptu en Israël, le président Joe Biden a tenu peu après son arrivée à Washington une conférence de presse au cours de laquelle il a lancé une petite phrase qui en dit long sur la portée des bouleversements en cours dans la région: «Le Hamas ne représente pas le peuple palestinien». Une réflexion superflue, car exprimant une lapalissade, diront certains. Rien n’est moins sûr… Car cette allusion du chef de la Maison-Blanche confirme de manière, on ne peut plus claire, le principal enjeu de la guerre déclenchée à Gaza par l’organisation fondamentaliste, le 7 octobre dernier: la volonté de l’Iran de contrôler la décision palestinienne afin de se repositionner en force sur l’échiquier proche-oriental.
Cette tentative du régime des mollahs d’instrumentaliser à son propre et seul profit la carte palestinienne s’était déjà manifestée lors des récents affrontements à Aïn Heloué, en septembre dernier. Le même Hamas – nouveau pilier, avec le Hezbollah, de la stratégie régionale de Téhéran – avait alors tenté, mais en vain, d’évincer le Fateh de sa principale place forte au Liban.
Se sentant visiblement tenue à l’écart de la dynamique de paix et de la normalisation avec Israël qui allaient bon train dans le sillage des accords d’Abraham (et dans l’esprit du processus d’Oslo), la République islamique iranienne s’emploie aujourd’hui à reprendre à son compte la politique pratiquée jadis par Hafez el-Assad dans les années 1970. L’ancien président syrien s’était fixé comme objectif, entre autres, de contrôler la carte palestinienne pour l’exploiter comme instrument de marchandage dans ses efforts visant à renforcer la position de la Syrie dans ce que certains appellent le «jeu des nations». Sauf qu’à l’époque, le régime syrien s’était heurté à une ferme détermination de préserver l’autonomie de la décision palestinienne, défendue par Yasser Arafat, chef historique de l’OLP, laquelle est considérée jusqu’à aujourd’hui comme le seul représentant légitime des Palestiniens.
Cette volonté de sauvegarder l’indépendance de l’OLP, à laquelle était jalousement attaché Yasser Arafat (dès la fin des années 1960, d’ailleurs, au lendemain de la défaite arabe de 1967) explique le conflit armé qui avait opposé le régime Assad, d’une part, à l’OLP et son allié libanais, le Mouvement national, d’autre part, au début de la guerre du Liban, en 1976.
Dans le contexte présent, c’est une nouvelle fois la représentativité des Palestiniens, dans la perspective d’une possible relance de la dynamique de paix, qui est aujourd’hui en jeu. L’Iran s’emploie visiblement à imposer par la force des baïonnettes son poulain, le Hamas, comme seul interlocuteur palestinien – sous la tutelle iranienne – en lieu et place de l’Autorité palestinienne (et donc de l’OLP), présidée par Mahmoud Abbas. D’où l’importance de la petite phrase lancée par le président américain qui a tenu à couper court à cette velléité iranienne en rappelant, à qui veut bien l’entendre à Téhéran, que le Hamas «ne représente pas le peuple palestinien».
Au cours de sa conférence de presse, le chef de la Maison-Blanche a insisté par la même occasion sur une autre position de principe, non moins fondamentale: l’attachement des États-Unis à la solution politique des deux États. De fait, l’autre enjeu de taille auquel est confronté l’ensemble du Proche-Orient est le bras de fer militaro-politique qui oppose l’axe de la paix (incluant, précisément, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, en sus des pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, l’Égypte et la Jordanie) au camp conduit par l’Iran qui s’en tient à la stratégie de l’irrationnel et de la démesure.
Dans cette meurtrière foire d’empoigne, les Libanais n’ont d’autre choix que de choisir le camp de la paix afin d’éviter de payer, encore et encore, le lourd tribut de conflits qui opposent, à leurs dépens, certains acteurs régionaux. Pris en otage pendant plus d’un demi-siècle par des puissances moyen-orientales aux visées hégémoniques qui ne connaissent pas de limites, les Libanais ont sans doute le droit aujourd’hui de vivre une vie (simplement) normale, dans un climat de paix civile, afin de se reconstruire sereinement un avenir qui se fait un peu trop attendre.
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