Gaza: quels sont les scénarios post-invasion?
L’escalade des combats entre Israël et le Hamas menace sérieusement de dégénérer en une invasion terrestre de grande envergure de la bande de Gaza par l’armée israélienne. L’objectif affiché: l’éradication du Hamas. Cependant, une question cruciale se pose: quelle est la stratégie pour l’après-Hamas?
Une chose est claire: l’ampleur des attaques menées par le Hamas depuis le 7 octobre dernier exige une réponse solide. La nécessité d’une vaste invasion terrestre de la bande de Gaza, où le Hamas a consolidé son pouvoir de manière significative, semble de plus en plus difficile à éviter. Le 26 octobre, des troupes ont timidement franchi les frontières de Gaza et se sont positionnées en attente d’une éventuelle invasion à grande échelle. Tout indique que cette grande invasion terrestre généralisée pourrait très probablement avoir lieu et qu’elle pourrait se concrétiser dans un avenir proche.
La préoccupation majeure réside dans l’absence d’une stratégie claire de la part du gouvernement israélien pour l’après-invasion. Si l’opération atteint ses objectifs, que deviendra Gaza par la suite? Qui assumera la gestion du territoire et de sa population? Qu’implique précisément «éliminer le Hamas»? Comment empêcher la résurrection de ce mouvement, solidement enraciné dans la population palestinienne depuis près de quarante ans? Il semble que le gouvernement israélien ne dispose pas de réponses à ces questions, pourtant primordiales.
Si l’expérience américaine au Moyen-Orient, en particulier en Irak, doit nous enseigner une leçon fondamentale, c’est assurément la nécessité de tout prévoir!
De ce fait, quelles sont les possibles conséquences politiques d’une opération de si grande échelle?
Le premier facteur d’importance à prendre en considération réside incontestablement dans l’implication régionale. L’ingérence directe de l’Iran dans ce conflit, combinée à la notion de convergence des théâtres d’opérations iraniens, engendre la possibilité d’activer la carte du Hezbollah au nord. Cette éventualité, si elle se réalise, pourrait déclencher un embrasement régional d’une ampleur significative.
Parallèlement, en créant un vide institutionnel à Gaza, Israël s’expose au risque de créer une situation instable aux répercussions potentiellement graves. Les Palestiniens radicalisés pourraient initier une guerre de guérilla contre les troupes de l’Armée de défense d’Israël à Gaza et les civils en Israël. Des groupes militants extérieurs pourraient exploiter le chaos post-guerre à Gaza pour recruter et se renforcer. Des puissances régionales, telles que l’Égypte et l’Arabie saoudite pourraient isoler politiquement Israël (et le processus de paix), tandis que des ennemis comme la Syrie et l’Iran pourraient être encouragés à déclencher de nouvelles attaques par procuration.

En outre, Israël pourrait parvenir à un accord avec l’Autorité palestinienne dirigée par le Fateh, afin de prendre le contrôle de la bande de Gaza en coopération avec l’armée israélienne, dans le but d’empêcher le Hamas de reconstituer une branche militaire. Cependant, cette perspective semble peu probable. L’Autorité palestinienne est de plus en plus impopulaire en Cisjordanie, où la corruption et l’inertie ont alimenté le mécontentement et la colère. Elle a également un bilan peu reluisant à Gaza, où elle a brièvement gouverné de 2005 à 2007 avant d’être évincée par le Hamas lors des élections.
Il existe également la possibilité que le Hamas puisse revenir à Gaza dès que les chars israéliens se retireront. Quel que soit le résultat de l’invasion israélienne, il n’est nullement évident que la population de Gaza serait disposée à se détacher du Hamas, qui est bien plus qu’un simple parti politique ou une aile militaire. Israël est sans doute capable de détruire toutes les infrastructures militaires, mais peut-il en faire de même pour l’idéologie?
Pire encore, d’un point de vue sécuritaire: Gaza pourrait devenir si volatile qu’il serait impossible pour une seule entité dirigeante de s’imposer. Cela pourrait créer un vide qui favoriserait l’établissement de zones sous le contrôle de forces extrémistes. Que ce soit l’État islamique ou l’une de ses filiales dans la ville de Rafah ou au sud de Gaza, un autre mouvement islamiste ou jihadiste salafiste, ou encore une nouvelle version du Hamas, pourrait voir le jour.
Enfin, Israël pourrait ressentir la nécessité d’occuper la bande de Gaza pendant de longues années. Israël a exercé son autorité sur cette enclave côtière de 1967 à 2005 et un retour à une occupation prolongée impliquerait la présence continue des troupes de l’Armée de défense d’Israël à Gaza, exposées aux embuscades. Cela susciterait davantage de ressentiment palestinien envers Israël, engendrant ainsi une nouvelle génération de combattants. De plus, cela plongerait Israël dans une crise morale et militaire profonde. Toute perspective de résurrection de l’accord de normalisation israélo-saoudien négocié par les États-Unis serait très probablement anéantie. L’accord passerait alors de l’oubli à l’oubli absolu.
Il est alors de plus en plus clair qu’Israël n’a pas pensé à une stratégie claire post-invasion. Chose préoccupante notamment pour ceux qui ont ne serait-ce qu’une connaissance élémentaire de l’histoire récente du Moyen-Orient. Il suffit de réfléchir aux invasions américaines en Irak et en Afghanistan pour s’en convaincre.
C’est pourquoi il semble que la puissance militaire seule est peu susceptible de résoudre les défis d’Israël à Gaza; cela nécessitera une approche réfléchie de la diplomatie. L’usage de la force ne peut être une fin en soi, il doit s’accompagner d’une vision claire des objectifs politiques à atteindre. Ainsi, peu d’observateurs anticipent un dénouement positif à une victoire militaire d’Israël contre le Hamas.
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