Le «mur intelligent» US contre la migration illégale (4/4)
Les différentes administrations des Etats-Unis ont mis en place des stratégies, de connivence avec certains gouvernements d'Amérique centrale, pour juguler le flux de migrants illégaux. 

Ce dernier article clôt la chronique de la “frontière verticale”, qui se définit par les stratégies employées par les États-Unis, en connivence avec les gouvernements du Mexique et d’Amérique Centrale, pour dissuader, sinon contenir, les milliers de centreaméricains qui fuient la violence généralisée de leur pays d’origine. Les migrants qui atteignent la frontière nord du Mexique et qui espèrent demander l’asile aux États-Unis se heurtent au mur, symbole que les médias ont baptisé le “Mur de Trump” de façon erronée d’ailleurs puisqu’il a été mis en place par les administrations US précédentes. Mais du côté étasunien, la barrière de cylindres cache un arsenal technologique qui fait de ce mur une “frontière intelligente” dernier cri.

Du côté mexicain de la frontière avec les Etats-Unis, deux hommes s'affairent à installer une échelle contre le mur d’une dizaine de mètres de hauteur. L’un d’entre eux lance au téléphone : “Elle s’appelle Estefany, elle arrive dans un moment.” La jeune femme est en pleine escalade. À cheval au sommet d’un des cylindres d’acier construits à la frontière pour juguler l’émigration clandestine, elle attrape une corde jaune lancée par les deux coyotes, les passeurs.

Tant bien que mal, elle l’utilise pour descendre entre les barbelés jusqu’à la terre ferme. Elle est arrivée aux États-Unis. Bien qu’il soit le début de l’après-midi, des projecteurs se sont allumés automatiquement vers sa position. Elle se met à courir vers les arbustes qui la sépare d’une centaine de mètres de la ville de Nogales, en Arizona. Un véhicule de la Patrouille frontalière ne tarde pas à surgir et à intercepter la jeune migrante.



Nogales: le mur “intelligent”

Le mur, n’est que la manifestation la plus visible d’une frontière beaucoup plus complexe. Le journaliste étasunien Todd Miller rappelle dans son livre Build Bridges Not Walls [non traduit en français] que le représentant du Texas au Congrès Henry Cuellar déclarait en 2019 que Donald Trump se concentrait sur un mur qui était “une solution du 14e siècle pour un problème du 21e siècle.”


En réalité, cette frontière est bien ancrée dans son époque. Il s’agit d’une frontière intelligente, digitale, et dotée des dernières technologies sécuritaires existantes. Drones, reconnaissance faciale, détecteurs sensoriels souterrains, caméras de surveillance à vision nocturne : l’équipement et la maintenance du mur fait actuellement l’objet de plus de 8400 contrats depuis l’arrivée de l’administration Biden-Harris, en janvier dernier.

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Un business de la sécurité hérité du 9/11

L’hyper-sécurisation de la frontière sud des États-Unis est un héritage de la politique sécuritaire apparue après les attentats du 11 septembre 2001. Depuis l’ouverture du Département de la Sécurité Intérieure fin 2002, plus de 332.7 milliards de dollars de budget ont été alloués à la Patrouille frontalière [Border Patrol] et aux Services des douanes et de la protection des frontières [C.B.P dans son acronyme anglo-saxon]. Plus de 1,7 millions de personnes ont été appréhendées à la frontière pour la seule année fiscale 2021.

En septembre 2021, près de 15.000 haïtiens se sont retrouvés bloqués sous le pont international entre Ciudad Acuña, au Mexique, et El Paso, au Texas. Les images des membres de la Patrouille Frontalière à cheval ont fait le tour du monde. La politique migratoire étasunienne, les politiques bilatérales, les accords avec les gouvernements mexicains, les formations de l’Immigration : le financement de la frontière verticale coûte cher, mais ne semble pas rompre le flux issu de la violence généralisée en Amérique Latine.
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