Marguerite Gallimard, figure emblématique de la nouvelle génération de la célèbre maison d’édition française, insuffle un vent de modernité et d’engagement au sein de la prestigieuse collection L’Imaginaire, qu’elle dirige depuis 2021. Elle se distingue en republiant l’œuvre de Violette Leduc, «Ravages», sans les censures qui l’avaient émasculée lors de sa première parution en 1955.
À l’époque, les segments édulcorés de ce texte, pourtant emblématique de la littérature lesbienne, témoignaient des contraintes morales et sociales d’une France d’après-guerre encore empreinte de conservatismes. Aujourd’hui, un demi-siècle après la disparition de l’auteure, l’édition augmentée de Ravages vient réparer une injustice historique.
La démarche de Marguerite Gallimard, 35 ans, trahit un désir de continuité, mais aussi de rénovation. La descendante d’Antoine, de Claude et de Gaston Gallimard ne perçoit pas son action comme une rupture, mais plutôt comme une progression logique dans le récit familial. Son père, ayant inauguré la collection dans les années 1970, avait déjà amorcé ce penchant pour les œuvres marginales. Aujourd’hui, elle poursuit sur cette voie, y apportant une perspective inclusive, queer et féministe.
Le chemin vers cette réédition ne fut pas aisé. Il a fallu deux années de négociations soutenues avec les ayants droit, d’alignements des perspectives de trois spécialistes aux expertises variées et un travail de recherche approfondie pour parvenir à cette version qui, espère-t-on, se rapproche fidèlement de l’originale amenée par Simone de Beauvoir chez Gallimard en 1954.
La restitution du texte original se matérialise par l’utilisation de l’encre violette pour marquer les passages censurés, une idée de la maison d’édition pour mettre en évidence les éléments autrefois jugés indécents. Alexandre Antolin, doctorant ayant étudié ce phénomène de censure, explique que les coupures ne dissimulaient pas tant des scènes explicites, mais plutôt des représentations de la vie quotidienne d’un couple lesbien et des critiques des violences médicales dans un contexte de prohibition de l’avortement.
Cette initiative éditoriale ne se contente pas de réhabiliter une œuvre littéraire: elle participe à une révision de l’histoire culturelle, reconnaissant la valeur intrinsèque d’un récit de vie homosexuelle qui, pour la première fois, ne se conclut pas par une tragédie.
Alors que la question de la succession d’Antoine Gallimard, âgé de 76 ans, reste ouverte, l’entreprise familiale semble préparée à toute éventualité. Les héritières de la famille, chacune investie dans un segment différent de l’édition, témoignent de la vitalité et de la diversité des intérêts qui caractérisent ce groupe éditorial.
La réédition de Ravages par Marguerite Gallimard n’est donc pas qu’un simple acte de publication; c’est le symbole d’une volonté de réconciliation avec le passé et d’affirmation d’une vision résolument tournée vers l’avenir, où la littérature reflète toutes les facettes de la société.
Avec AFP
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