Tout le monde peut devenir un livre
Imaginons une bibliothèque où les livres seraient remplacés par des êtres humains que l’on pourrait «emprunter» pour apprendre, s’ouvrir à des aventures humaines, se mettre à l’écoute pendant quelques minutes ou quelques heures. Ce concept existe et porte le nom de The Human Library, une idée lancée au Danemark dans les années 2000 et qui s’est répandue dans soixante-dix pays depuis sa création. En France, c’est à Toulouse que la Bibliothèque humaine s’est implantée.

L’objectif est de créer une approche innovante pour ouvrir le dialogue, combattre les préjugés et partager des expériences diverses. Le format des «emprunts» repose sur le principe de miniconférences en petits groupes ou de discussions en face à face entre des personnes qui ne se seraient sans doute jamais rencontrées dans leur vie de tous les jours.

Les livres humains, tous bénévoles et engagés dans une démarche de lutte contre les stéréotypes, la stigmatisation et la discrimination, viennent donc raconter leur histoire et partager leur expérience avec des lecteurs attentifs. Parmi les livres existants et référencés par The Human Library, il existe des profils  très variés: une petite-fille de nazis, un  ancien alcoolique, une autiste, un SDF, une personne bipolaire, une autre sourde et aveugle, un porteur du VIH, un réfugié, une lesbienne, et bien plus… Le lecteur pourra, après avoir écouté ces human books, poser des questions sans tabou: en somme, lire ces témoins comme dans un livre ouvert.


Tout le monde peut devenir un livre. La seule condition est d’être prêt à faire profiter ses «lecteurs» d’une histoire ou d’une expérience précieuse qui contribuera à recréer du lien social, à faire progresser la tolérance et l’ouverture à l’autre. «Ne pas juger un livre à sa couverture» est ainsi le slogan de la bibliothèque humaine danoise. Version littéraire du proverbe trop oublié où il est question d’habit et de moine…

On pense à Tzvetan Todorov qui dans son merveilleux livre Poétique de la prose écrivait à propos des Mille et une nuits: «Le personnage, c'est une histoire virtuelle qui est l'histoire de sa vie. Tout nouveau personnage signifie une nouvelle intrigue. Nous sommes dans le royaume des hommes-récits.» Bien entendu, Todorov s’intéressait dans ce texte à la structure du récit et non à son usage social. N’empêche: il prophétisait l’importance du récit, il entrevoyait déjà à quel point raconter permet de rester en vie. La bibliothèque humaine complète la réflexion en y ajoutant le point de vue du lecteur: écouter les récits permet un supplément de connaissance, d’ouverture, de compréhension, de vie en somme.

On n’ose imaginer la multiplicité des personnes qui, au Liban, pourraient rejoindre une bibliothèque humaine et ajouter leur histoire au catalogue des références. Et combien il serait salutaire d’écouter ces livres humains ne serait-ce que le temps d’une  simple conversation.
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