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- L’après-guerre de Gaza: trop tôt pour une fin de partie
Plus de trente jours après que le Hamas a lancé, le 7 octobre dernier, l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» contre Israël, qui a été suivie d’une offensive sans merci à Gaza, l’avenir de l’enclave la plus peuplée du monde, qui compte 2,4 millions d’habitants, reste incertain et flou.
Les États-Unis, Israël et l’Union européenne ont proposé des idées et des plans concernant la gestion et la sécurité de Gaza après la défaite du Hamas. Cependant, jusqu'à présent, aucune de ces propositions n'a abouti à une solution claire et réaliste pour trouver une issue à cette guerre.
Israël a exigé comme seule condition pour mettre fin à la guerre que le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, soit éliminé. Mais la question de qui le remplacera demeure en suspens.
Washington et d’autres pays envisagent «plusieurs mesures possibles» pour l’avenir de Gaza, au nombre desquelles la revitalisation du rôle de l’Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas, dont le mouvement Fateh a été chassé de l’enclave à la suite d’affrontements sanglants avec le Hamas. Mahmoud Abbas n’aurait pas rejeté une telle mesure, à condition de parvenir à une solution qui inclurait non seulement Gaza, mais aussi la Cisjordanie et Jérusalem-Est, occupées par Israël. Ce scénario se heurte toutefois à plusieurs obstacles, dont le moindre n’est autre que la baisse de la popularité de Mahmoud Abbas.
«Je pense qu’il s’agit avant tout d’une proposition visant à remonter le moral des Israéliens, en donnant l’impression que le Hamas est sur le point d’être éliminé et que la guerre pourrait bientôt finir», déclare à This is Beirut Anis Mohsen, analyste palestinien et auteur à l’Institut des études palestiniennes. Excluant un éventuel retour de l’Autorité palestinienne à Gaza, il a souligné que celle-ci sera «lynchée au cas où elle chercherait à reprendre le contrôle de l’enclave au prix du sang de la population».
Pour M. Mohsen, la création de deux États, une condition posée par Mahmoud Abbas et une solution que certains pays occidentaux ont évoquée, n’est pas envisageable. «Supposons qu’Israël sorte victorieux et qu’il reprenne le contrôle de toute l’enclave, pensez-vous qu’il accepterait la création de deux États, alors qu’il avait rejeté cette solution à l’époque où elle était encore plausible?», se demande M. Mohsen. Et d’affirmer: «C’est la raison pour laquelle cela est impossible.»
L’attaque du Hamas, qui a fait plus de 1.400 morts, a porté le coup le plus dur à Israël en 75 ans d’histoire. Elle a également renforcé la popularité du Hamas au détriment de celle de Mahmoud Abbas. Plus de 10.000 personnes, principalement des enfants et des femmes, ont été tuées dans les représailles israéliennes.
Selon M. Mohsen, il est «trop tôt» pour prévoir un éventuel compromis. «Le Hamas résiste toujours, se heurte aux Israéliens et leur inflige des pertes, malgré les bombardements intensifs, fait-il remarquer. La guerre pourrait durer des mois et personne ne peut prédire la manière dont elle évoluera. Le nord de Gaza ne représente que 25% de la superficie de l’enclave. Qu’en est-il des 75% restants où le Hamas est tout aussi profondément implanté?» Et d’ajouter: «À ce stade, il est tout simplement illogique de réfléchir ou de proposer des scénarios pour l’après-guerre de Gaza.»
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a clairement déclaré qu’une fois que le Hamas aura été «anéanti», Israël prendra le contrôle de la sécurité sur Gaza pour une durée indéterminée. Dans un tel scénario, les forces israéliennes imposeraient le même contrôle militaire que celui en vigueur en Cisjordanie, établissant ainsi des bases militaires et des points de contrôle.
Des scénarios régionaux ont également été évoqués, comme celui qui consisterait à confier l’administration de Gaza à une sorte de pouvoir intérimaire composé des pays arabes qui entretiennent des relations avec Israël, à savoir l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis et le Maroc. Selon un autre scénario, Gaza serait placée sous le contrôle d’une «administration internationale avec la participation de l’ONU».
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a laissé entendre lundi qu’après la guerre, Gaza pourrait être placée sous un protectorat international, soulignant que ni le Hamas ni Israël ne devraient plus jamais y régner. «Plusieurs idées sont en discussion pour garantir cela, y compris celle préconisant l’envoi d’une force de paix internationale sous le mandat de l’ONU» a-t-elle souligné, notant qu’à «long terme, il ne peut y avoir de présence sécuritaire israélienne dans la bande de Gaza». Mme Von der Leyen a en outre écarté la possibilité d’un déplacement forcé des Palestiniens de Gaza. «Cela ne ferait qu’accroître l’instabilité régionale», a-t-elle constaté.
L'ampleur des dommages infligés à Gaza par Israël suscite des inquiétudes quant à la possibilité d'un nouvel exode massif de Palestiniens, similaire à ceux observés lors de la guerre de 1948 avec la création d'Israël, et lors de la guerre israélo-arabe de 1967.
Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a, lui aussi, mis en garde contre le déplacement forcé de Palestiniens vers la péninsule du Sinaï, qui borde la bande de Gaza. Il a souligné qu’une telle démarche transformerait la région en une base pour des attaques contre Israël.
Pour Anis Mohsen, «toutes ces idées et propositions ne sont pas réalistes», mais il s’agit «de simples fantasmes américains». «Si Gaza est anéantie, la région restera-t-elle en l’état?» se demande-t-il. «Je pense que la face de toute la région changera alors», conclut M. Mohsen.
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