L’insuline, une molécule qui garde son sang-froid
Les directives de stockage de l’insuline imposent des contraintes de respect de la chaîne de froid. Une récente étude suggère, toutefois, que l’insuline humaine pourrait être conservée sans réfrigération pendant des périodes plus longues que prévu. À l’occasion de la journée mondiale du diabète, fixée au 14 novembre, Ici Beyrouth fait le point.
En dépit du progrès scientifique et médical, le diabète demeure un problème de santé publique à l’échelle mondiale. Selon les dernières données statistiques, publiées en 2022 par la Fédération internationale du diabète, le nombre de personnes atteintes de cette maladie a plus que triplé en deux décennies, passant de 151 millions de patients, en 2000, à 537 millions, en 2022. Dans le contexte actuel et en l’absence d’une politique de santé susceptible d’enrayer cette augmentation exponentielle, les projections indiquent que le nombre de patients diabétiques pourrait atteindre le niveau alarmant de 783 millions d’ici à 2045.
À ce jour, l’insuline demeure la pierre angulaire du traitement du diabète sucré de type 1, dit insulinodépendant, et des urgences diabétiques en général. En outre, comme le diabète sucré de type 2 est une maladie progressive, une thérapie à l’insuline est finalement nécessaire dans sa prise en charge chronique. On estime que 150 à 200 millions de personnes dans le monde dépendent de l’insulinothérapie, selon des statistiques publiées par Garg et al. en 2018, une estimation susceptible d’être en deçà de la réalité.

Médicaments essentiels 


L’insuline a été découverte en 1921, administrée pour la première fois à un patient en 1922 et inscrite sur la Liste modèle des médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la santé, publiée pour la première fois en 1977. Cependant, l’accès à ce médicament reste problématique dans de nombreux contextes à l’échelle mondiale, d’autant plus que son coût représente un lourd fardeau financier aussi bien pour les individus que pour les systèmes de santé.
En effet, les prix de l’insuline ont explosé au cours des deux dernières décennies, augmentant de 1.200% dans certains cas, même si le coût de production d’un flacon est d’environ 3 à 6 dollars, peut-on lire dans un article publié dans JAMA Network, l’un des journaux de l’Association médicale américaine. Selon le Peterson Center on Healthcare, une personne sur six qui utilise de l’insuline se rationne en raison de son coût. Jusqu’à présent, la plupart des efforts visant à améliorer la disponibilité de cette thérapie ont été axés sur la réduction des prix des insulines et leurs analogues, et l’augmentation de leur disponibilité locale. Des efforts qui restent toutefois insuffisants.

Chaîne du froid


Les instructions des fabricants stipulent que les flacons d’insuline ainsi que les cartouches pour stylos à insuline non ouverts doivent être stockés à une température basse comprise entre 2°C et 8°C. Cela constitue un obstacle pour les patients diabétiques dans des contextes où la réfrigération n’est pas toujours disponible, abordable ou fiable en raison de l’approvisionnement en courant irrégulier. Une fois qu’un flacon a été ouvert, l’insuline et ses analogues peuvent être conservés à température ambiante pendant la période d’utilisation habituelle de quatre à six semaines. Pour certaines formulations, il est recommandé d’éviter la réfrigération durant la période d’utilisation, d’où la nécessité de bien lire le prospectus ou de demander conseil à son pharmacien. Toutefois, les recommandations diffèrent selon le type d’insuline, la marque, les concentrations d’insuline et le contenant (flacon, cartouche/stylo, pompe à insuline). Selon les spécifications des fabricants, la température ambiante maximale de conservation ne doit pas dépasser 25 à 30°C pendant la période d’utilisation.

Insuline non réfrigérée


Néanmoins, une proportion croissante de la population mondiale touchée par le diabète réside dans des environnements contraignants, confrontée à une exposition prolongée à des températures extrêmes, tout en faisant face à des difficultés d’accès à la réfrigération. Les conclusions d’une nouvelle étude, publiée le 6 novembre par Richter et al., suggèrent que l’insuline humaine peut être laissée non réfrigérée plus longtemps que précédemment estimé. Cette publication est basée sur 17 études réparties sur 22 articles publiés dans des revues scientifiques, ainsi que sur des informations complémentaires non publiées provenant des principaux fabricants d’insuline.
Selon ces données, il est possible de conserver des flacons d’insuline humaine à action rapide et intermédiaire non ouverts, des stylos/cartouches ou des seringues préremplies en plastique à des températures pouvant atteindre 25°C pendant une durée maximale de six mois et jusqu’à 37°C pendant une durée maximale de deux mois sans perte cliniquement significative de l’activité de l’insuline.

Gare à l’improvisation


Dans deux des seize études, de légères diminutions de l’efficacité du médicament à des températures plus élevées et/ou des durées plus longues sans réfrigération ont été trouvées. Par ailleurs, d’après l’article précité, des températures oscillant entre 25°C et 37°C, typiques des fluctuations diurnes et nocturnes dans les pays tropicaux, pendant une durée maximale de trois mois, n’ont pas entraîné de perte cliniquement significative de l’effet des insulines humaines à action rapide, intermédiaire ou mixte.
Cependant, les recommandations varient, et il n’y a pas de consensus clair sur la manière dont l’insuline humaine devrait être stockée dans des environnements où une réfrigération fiable ne peut pas être garantie, tels que les pays à faible revenu, ceux touchés par une chaleur extrême, ou les zones de conflit ou de catastrophes naturelles.
Ces conclusions, issues de travaux de recherche, ne doivent en aucun cas conduire les personnes diabétiques à négliger l’importance du respect de la chaîne du froid et des directives de conservation pour les insulines. Seules les instructions explicitement stipulées dans la notice peuvent indiquer la méthode appropriée pour la conservation de ces médicaments.
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