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- Gaza, le jour d'après: quelles figures politiques potentielles?
L’opération militaire menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza a pour but, entre autres, d’en finir une fois pour toute avec le Hamas et notamment son plus haut responsable local, Yahya Sinwar. Dans l’hypothèse incertaine où cet objectif serait atteint, l’inévitable question de la succession se poserait dans les milieux politiques palestiniens. Au moins deux noms émergent régulièrement: Marwan Barghouti et Mohammad Dahlan.
Le 7 octobre 2023, le Hamas lançait une attaque d’une envergure inédite contre Israël, depuis la bande de Gaza. Derrière ce coup de massue asséné à l’État hébreu, un cerveau présumé: Yahya Sinwar, l'un des principaux cadres du Hamas après Ismaïl Haniyeh et le plus haut responsable établi au sein de l’enclave.
Celui qui allait devenir la bête noire des services de renseignement israéliens est né en 1962 dans la bande de Gaza, au sein du camp de réfugiés de Khan Younès. Il fait rapidement ses premières armes dans des mouvements de résistance en Israël, ce qui lui vaut deux premiers séjours en prison en 1982, puis en 1985.
Après sa libération, il fonde en 1987 les «unités du jihad et de la prédication», organisme précurseur des Forces de sécurité intérieures du Hamas. À leur tête, il fait régner la terreur à Gaza, ce qui l’amène une troisième fois dans les geôles israéliennes en 1989. Il est condamné à 30 ans de réclusion, après avoir été accusé du meurtre de deux soldats israéliens et de quatre Palestiniens soupçonnés de collaboration.
Le chef de l’aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinwar, lors d’une réunion dans la ville de Gaza, le 30 avril 2022. (Mahmud Hams, AFP)
Sauf que… en 2011, le Hamas va négocier sa libération et celle de 1.026 autres détenus palestiniens contre Gilad Shalit, un soldat israélien capturé en 2006. Il revient en héros à Gaza, avant d’être élu chef du bureau politique du Hamas pour un mandat de quatre ans en 2017, puis réélu en 2021.
Pour le gouvernement de Benjamin Netanyahou, Sinwar est l’homme à abattre. En effet, il est non seulement responsable de l’attaque du 7 octobre, mais aussi de tous les attentats commis par le Hamas contre des civils israéliens depuis 2011. Dans sa volonté d’éradiquer le mouvement islamiste palestinien, Israël traque Yahya Sinwar, considéré comme le chef de la bande de Gaza et la cible numéro 1.
Dans l’hypothèse où l’État hébreu atteindrait son objectif et mettrait le Hamas hors jeu, la question de la direction politique persisterait. Une prise de contrôle d’Israël semble être une option difficilement envisageable, comme l’a rappelé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lundi 6 novembre.
Il ne faut pas non plus compter sur l’influence de Mahmoud Abbas, actuel président de l’Autorité palestinienne et de plus en plus impopulaire, pour unifier les Palestiniens autour d’une figure politique. En septembre 2023, 78% des Palestiniens souhaitaient la démission de ce dernier, selon un sondage publié par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages (PCPSR)
Dans ce contexte, qui peut donc assurer la relève politique dans la bande de Gaza? Le défi principal consisterait à trouver une personnalité consensuelle, non seulement pour les Palestiniens eux-mêmes, mais aussi pour Tel-Aviv et une partie de la communauté internationale, notamment les pays occidentaux. Dans cette optique, au moins deux noms ont fait leur retour sur le devant de la scène ces derniers jours.
L’un d’entre eux est Marwan Barghouti, emprisonné depuis plus de vingt ans dans les geôles israéliennes. Né en 1959 à Kobar, en Cisjordanie, cet homme est l’ancien chef du Tanzim, la branche armée du Fatah, à l’époque où Yasser Arafat en était le leader. Il a notamment été condamné à cinq peines à perpétuité pour son rôle au cours de la seconde Intifada.
Des hommes passent devant une section de la barrière de séparation israélienne peinte d’un portrait de Marwan Barghouti, détenu dans une prison israélienne, le 6 novembre 2023 à Bethléem, en Cisjordanie. (Hazem BADER, AFP)
Bien qu’enfermé derrière les barreaux, Barghouti n’est pas resté inactif. Il a notamment œuvré pour l’unité des différentes factions politiques palestiniennes, en publiant en 2006 un texte signé conjointement par des responsables emprisonnés du Fateh, du Hamas, du Jihad islamique et du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).
Ce "document des prisonniers" intégrait notamment le principe de négociations avec Israël, dans le cadre d'un processus de paix. Il avait alors quitté le Fateh un an plus tôt, désormais dirigé par Mahmoud Abbas, et créé sa propre formation, Al-Mustaqbal.
En outre, la longévité de cette situation lui confère une aura particulière, l’opinion publique palestinienne le considérant comme un héros de la «résistance», d’autant que, contrairement au Hamas et au Jihad islamique, il est considéré comme un acteur laïc.
Selon le sondage du PCPSR, Barghouti émergerait comme le candidat préféré des Palestiniens pour succéder à Mahmoud Abbas, recueillant 34% des suffrages, tandis qu'Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas en exil au Qatar, se positionnerait en seconde place avec 17%.
Une telle aura, Mohammad Dahlan ne peut s’en targuer. Originaire du camp de Khan Younès où il est né en 1962, il fut une figure de proue de la première Intifada, avant de s’impliquer dans les négociations préliminaires aux accords d’Oslo.
En exil aux Émirats arabes unis depuis 2011, Mohammad Dahlan, ancien chef de la sécurité de la bande de Gaza et figure emblématique de la première Intifada, conserve une importante stature, malgré son expulsion du Fatah et les accusations de corruption dont il fait l'objet.
Grâce à un réseau d'influence international impressionnant qu'il a développé au cours de la dernière décennie dans les hautes sphères politiques émiraties, il a pu offrir, à lui seul, plus de vaccins contre le Covid-19 à Gaza que l’Autorité palestinienne. Cela lui permet aussi d’avoir des amis dans tous les camps, ce qui pourrait s'avérer crucial lors de négociations futures.
Mohammad Dahlan (à droite) se tient aux côtés du président palestinien, Mahmoud Abbas (à gauche), homme fort du parti Fatah, dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 25 mars 2007. (Jamal ARURI, AFP)
Pourtant, Dahlan est perçu par une partie des Palestiniens comme un traître, notamment en raison de la signature en 2020 d'un traité de paix entre les Émirats arabes unis et Israël. En effet, Dahlan est l’un des plus proches conseillers du président Mohammed ben Zayed, qui le présente en public comme son «frère».
On lui reproche également sa sympathie pour l’idée d’un seul État unifié, une solution que beaucoup considèrent comme étant plus qu’illusoire aujourd’hui, d'autant plus qu’elle n’est soutenue que par 27% des Palestiniens.
Le 7 octobre 2023, le Hamas lançait une attaque d’une envergure inédite contre Israël, depuis la bande de Gaza. Derrière ce coup de massue asséné à l’État hébreu, un cerveau présumé: Yahya Sinwar, l'un des principaux cadres du Hamas après Ismaïl Haniyeh et le plus haut responsable établi au sein de l’enclave.
Yahya Sinwar: l’homme à abattre
Celui qui allait devenir la bête noire des services de renseignement israéliens est né en 1962 dans la bande de Gaza, au sein du camp de réfugiés de Khan Younès. Il fait rapidement ses premières armes dans des mouvements de résistance en Israël, ce qui lui vaut deux premiers séjours en prison en 1982, puis en 1985.
Après sa libération, il fonde en 1987 les «unités du jihad et de la prédication», organisme précurseur des Forces de sécurité intérieures du Hamas. À leur tête, il fait régner la terreur à Gaza, ce qui l’amène une troisième fois dans les geôles israéliennes en 1989. Il est condamné à 30 ans de réclusion, après avoir été accusé du meurtre de deux soldats israéliens et de quatre Palestiniens soupçonnés de collaboration.
Le chef de l’aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinwar, lors d’une réunion dans la ville de Gaza, le 30 avril 2022. (Mahmud Hams, AFP)
Sauf que… en 2011, le Hamas va négocier sa libération et celle de 1.026 autres détenus palestiniens contre Gilad Shalit, un soldat israélien capturé en 2006. Il revient en héros à Gaza, avant d’être élu chef du bureau politique du Hamas pour un mandat de quatre ans en 2017, puis réélu en 2021.
Pour le gouvernement de Benjamin Netanyahou, Sinwar est l’homme à abattre. En effet, il est non seulement responsable de l’attaque du 7 octobre, mais aussi de tous les attentats commis par le Hamas contre des civils israéliens depuis 2011. Dans sa volonté d’éradiquer le mouvement islamiste palestinien, Israël traque Yahya Sinwar, considéré comme le chef de la bande de Gaza et la cible numéro 1.
Qui pour succéder au Hamas?
Dans l’hypothèse où l’État hébreu atteindrait son objectif et mettrait le Hamas hors jeu, la question de la direction politique persisterait. Une prise de contrôle d’Israël semble être une option difficilement envisageable, comme l’a rappelé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lundi 6 novembre.
Il ne faut pas non plus compter sur l’influence de Mahmoud Abbas, actuel président de l’Autorité palestinienne et de plus en plus impopulaire, pour unifier les Palestiniens autour d’une figure politique. En septembre 2023, 78% des Palestiniens souhaitaient la démission de ce dernier, selon un sondage publié par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages (PCPSR)
Dans ce contexte, qui peut donc assurer la relève politique dans la bande de Gaza? Le défi principal consisterait à trouver une personnalité consensuelle, non seulement pour les Palestiniens eux-mêmes, mais aussi pour Tel-Aviv et une partie de la communauté internationale, notamment les pays occidentaux. Dans cette optique, au moins deux noms ont fait leur retour sur le devant de la scène ces derniers jours.
Marwan Barghouti: le favori du peuple
L’un d’entre eux est Marwan Barghouti, emprisonné depuis plus de vingt ans dans les geôles israéliennes. Né en 1959 à Kobar, en Cisjordanie, cet homme est l’ancien chef du Tanzim, la branche armée du Fatah, à l’époque où Yasser Arafat en était le leader. Il a notamment été condamné à cinq peines à perpétuité pour son rôle au cours de la seconde Intifada.
Des hommes passent devant une section de la barrière de séparation israélienne peinte d’un portrait de Marwan Barghouti, détenu dans une prison israélienne, le 6 novembre 2023 à Bethléem, en Cisjordanie. (Hazem BADER, AFP)
Bien qu’enfermé derrière les barreaux, Barghouti n’est pas resté inactif. Il a notamment œuvré pour l’unité des différentes factions politiques palestiniennes, en publiant en 2006 un texte signé conjointement par des responsables emprisonnés du Fateh, du Hamas, du Jihad islamique et du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).
Ce "document des prisonniers" intégrait notamment le principe de négociations avec Israël, dans le cadre d'un processus de paix. Il avait alors quitté le Fateh un an plus tôt, désormais dirigé par Mahmoud Abbas, et créé sa propre formation, Al-Mustaqbal.
En outre, la longévité de cette situation lui confère une aura particulière, l’opinion publique palestinienne le considérant comme un héros de la «résistance», d’autant que, contrairement au Hamas et au Jihad islamique, il est considéré comme un acteur laïc.
Selon le sondage du PCPSR, Barghouti émergerait comme le candidat préféré des Palestiniens pour succéder à Mahmoud Abbas, recueillant 34% des suffrages, tandis qu'Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas en exil au Qatar, se positionnerait en seconde place avec 17%.
Mohammad Dahlan: le négociateur
Une telle aura, Mohammad Dahlan ne peut s’en targuer. Originaire du camp de Khan Younès où il est né en 1962, il fut une figure de proue de la première Intifada, avant de s’impliquer dans les négociations préliminaires aux accords d’Oslo.
En exil aux Émirats arabes unis depuis 2011, Mohammad Dahlan, ancien chef de la sécurité de la bande de Gaza et figure emblématique de la première Intifada, conserve une importante stature, malgré son expulsion du Fatah et les accusations de corruption dont il fait l'objet.
Grâce à un réseau d'influence international impressionnant qu'il a développé au cours de la dernière décennie dans les hautes sphères politiques émiraties, il a pu offrir, à lui seul, plus de vaccins contre le Covid-19 à Gaza que l’Autorité palestinienne. Cela lui permet aussi d’avoir des amis dans tous les camps, ce qui pourrait s'avérer crucial lors de négociations futures.
Mohammad Dahlan (à droite) se tient aux côtés du président palestinien, Mahmoud Abbas (à gauche), homme fort du parti Fatah, dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 25 mars 2007. (Jamal ARURI, AFP)
Pourtant, Dahlan est perçu par une partie des Palestiniens comme un traître, notamment en raison de la signature en 2020 d'un traité de paix entre les Émirats arabes unis et Israël. En effet, Dahlan est l’un des plus proches conseillers du président Mohammed ben Zayed, qui le présente en public comme son «frère».
On lui reproche également sa sympathie pour l’idée d’un seul État unifié, une solution que beaucoup considèrent comme étant plus qu’illusoire aujourd’hui, d'autant plus qu’elle n’est soutenue que par 27% des Palestiniens.
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