En Ukraine, les opérations ne faiblissent pas malgré l'hiver
©(Genya SAVILOV, AFP)
Tandis que le monde a désormais les yeux rivés sur le conflit opposant Israël au Hamas et ses alliés de l'axe iranien, un autre continue de faire des ravages. Bien que l'attention médiatique en ait dévié, la Russie et l'Ukraine continuent de tout mettre en œuvre pour atteindre leurs objectifs, et ce, sur tous les fronts.

Sur le front de l'Ukraine, l'hiver s'est désormais installé. Les combattants des deux côtés doivent faire face à des conditions climatiques particulièrement rudes, entre des températures glaciales et une couche de neige de plus en plus épaisse. La guerre provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022 entrera bientôt dans sa troisième année, tandis que la situation générale semble bloquée.

Cela ne signifie pas pour autant un reflux des combats ou des efforts diplomatiques. Dans ce contexte, voici les principaux développements liés à l'invasion russe de l'Ukraine:
Avdiivka, la nouvelle Bakhmut?

Après l’échec de la contre-offensive menée par Kiev dans la région de Zaporijjia, l’armée russe a repris l’initiative sur certains fronts durant l’automne. C’est notamment le cas à Avdiivka, cité industrielle du Donbass ukrainien, que Moscou et ses alliés séparatistes tentent de conquérir depuis 2014.

Cette petite ville, construite autour d'une vaste usine de charbon, constitue le nouveau point chaud du conflit. Et pour cause: sa proximité avec Donetsk, capitale de la région éponyme sous contrôle russe, située à 13 km, fait peser une menace permanente sur cette dernière.

Un membre de l'équipage d'un char ukrainien près de la ligne de front dans la région de Donetsk, le 21 novembre 2023. (Anatolii Stepanov, AFP)

C’est pourquoi les forces ukrainiennes y sont retranchées derrière de solides fortifications depuis 2014. C’est aussi la raison pour laquelle l'armée russe y engage des moyens conséquents, envoyant désormais ses hommes «par vagues humaines» pour tenter d'encercler la ville, selon le «think tank» américain Institute for the Study of War (ISW).

Cela permet au Kremlin de réaliser des gains locaux modestes. La chaîne Telegram Rybar, étroitement associée à l'armée russe et largement suivie, fait état de "combats intenses" au nord de la ville, près de l'usine de charbon transformée par Kiev en véritable forteresse.

Cela permet au Kremlin d’enregistrer de maigres progrès localement. Avec toutefois des conséquence dévastatrices, matérialisées par des pertes massives, comme à Bakhmout, selon les défenseurs ukrainiens. Ce qui n'empêche pas le Kremlin d'augmenter toujours plus la taille de ses forces armées: le président russe Vladimir Poutine a annoncé une hausse de 15% de ses effectifs, lundi 1er décembre.
Tête de pont ukrainienne au sud du Dniepr

Tandis que la Russie s’acharne sur Avdiivka, l'Ukraine tente de consolider une tête de pont sur la rive gauche du Dniepr occupée par l'armée russe, en face de Kherson. Il sera néanmoins difficile de la convertir en réelle percée, selon des experts militaires interrogés par l'AFP.

Moscou a notamment remplacé fin octobre le commandant du groupe militaire russe «Dniepr» opérant dans la zone en raison de la difficulté de la situation, selon les analystes.

D'après l'expert militaire français Michel Goya, l'opération ukrainienne est «assez limitée, assez symbolique», mais elle «permet de proclamer de petites victoires après l’échec de l’offensive principale».

Un soldat ukrainien surveille une zone de la rivière Dnipro, dans un endroit non divulgué de la région de Kherson, le 6 novembre 2023. (Roman PILIPEY, AFP)

Pour convertir sa réussite en percée majeure, l'armée ukrainienne doit parvenir à déployer son armée de l'autre côté du fleuve.

La prise de positions en profondeur pourrait aussi permettre à Kiev de lancer un assaut plus important vers la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014. Mais, pour y parvenir, les experts estiment qu'il faudrait des milliers d'hommes et des véhicules lourds.

Pour cela, «des ponts au-dessus du Dniepr sont nécessaires; or tout ponton serait vulnérable à la puissance de feu aérien et terrestre de la Russie, qui n'a pas été totalement supprimé», et notamment aux drones, estime Mykola Bielieskov, analyste militaire ukrainien.
Guerre des drones

Tandis que les combats continuent sur le front, les deux camps continuent de mener des campagnes de frappe en profondeur, notamment par le biais de drones kamikazes. Ainsi, dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 novembre, Kiev a été visée par la plus vaste attaque de drones russes depuis le début de l'invasion du pays en février 2022.

Utilisant 75 engins «Shahed» de fabrication iranienne, Moscou a notamment réussi à endommager une partie du réseau électrique de la capitale. Loin de rester inactive, la défense aérienne ukrainienne aurait abattu 71 appareils de ce type. L’Ukraine a répliqué en lançant 24 drones, ciblant des objectifs dans quatre régions russes. Ce type d'opérations continue d'être régulièrement répété par Moscou depuis cette date, mais à une échelle plus modeste.


Un militaire ukrainien se tient derrière une mitrailleuse alors qu'un drone vole lors d'un exercice anti-drone dans la région de Chernihiv, le 11 novembre 2023. (Sergei SUPINSKY, AFP)

Comparés à d'autres moyens de livrer des charges explosives, les drones suicides peuvent être relativement moins coûteux à produire et à déployer. Cela les rend donc attractifs aux yeux des deux camps. Surtout, certains modèles pouvant atteindre des objectifs situés loin derrière les lignes adverses, les drones sont devenus le nouveau cheval de bataille des deux camps.

Lents et volant généralement à basse altitude, ils peuvent devenir particulièrement difficiles à détecter lorsque l'adversaire doit défendre une zone étendue, comme c'est le cas pour l'Ukraine et, surtout, la Russie. Par conséquent, celui-ci doit dépenser davantage pour assurer la protection de ses territoires. Inévitablement, le défenseur investit donc des ressources beaucoup plus importantes que celles investies par l'attaquant à travers la fabrication du drone.


Le ravitaillement en munitions pose question

Depuis le mois d'octobre, l'Ukraine voit, à cause de la guerre entre Israël et le Hamas, ses approvisionnements en obus baisser dangereusement. Dans le monde entier, «les entrepôts sont à présent vides, ou alors contiennent un minimum légal que tel ou tel État particulier ne peut pas vous donner», a déploré le président ukrainien Volodymyr Zelensky le jeudi 23 novembre.

Face à ce danger, les pays occidentaux, qui soutiennent l'effort militaire ukrainien depuis les premiers jours de l'invasion russe, multiplient les déclarations rassurantes. Mais, dans les faits, la livraison d’obus américains à l’Ukraine a baissé de 30% depuis le début de la guerre à Gaza, a indiqué un responsable ukrainien à ABC News.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le colonel général Oleksandr Syrskyi visitant le poste de commandement de l'armée ukrainienne à Kupiansk, dans la région de Kharkiv, le 30 novembre 2023. (AFP)

Aux difficultés logistiques s'ajoutent les obstacles politiques. Sans vote de nouveaux financements par le Congrès, "d'ici la fin de l'année" les Etats-Unis seront "à court de ressources" pour continuer de soutenir militairement l'Ukraine, a ainsi averti lundi la directrice du Budget de la Maison Blanche.

Ces problèmes sont d'autant plus graves qu'en face, les forces russes stockent des missiles en prévision d'attaques massives contre des infrastructures ukrainiennes cet hiver, a ajouté le président ukrainien. Sans compter la pléthore de munitions livrées par les Nord-Coréens, dont le renforcement du partenariat avec Moscou inquiète Washington au plus haut point. Avec toutefois une maigre compensation: les munitions transférées par Pyongyang constituent un stock de piètre qualité, avec un taux de défaillance important.
Impasse dans les négociations

S'exprimant lors d'une réunion virtuelle du G20, M. Poutine a déclaré que Moscou est «prêt à discuter» pour mettre fin à la «tragédie» de la guerre, tout en accusant Kiev d'éviter la question. Un appel auquel le chancelier allemand, Olaf Scholz, a répondu en exhortant le dirigeant russe à retirer ses troupes d'Ukraine.

Le timing choisi par le dirigeant n'a rien de surprenant. En effet, celui-ci cherche à capitaliser l'essoufflement de l'aide américaine partagée entre Israël et Kiev, tout en tentant de diviser davantage les opinions en Occident. Le temps joue d'ailleurs pour Poutine: la montée de l'extrême droite en Occident, conjuguée aux nombreuses échéances électorales prévues pour 2024 – notamment américaine – pourrait tourner à l'avantage de Moscou.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba (G) et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg (D) au siège de l'OTAN à Bruxelles, le 29 novembre 2023. ( Simon WOHLFAHRT, AFP)

En ouvrant des négociations à ce stade, Poutine pourrait ainsi sécuriser ses gains territoriaux. Cela lui permettrait notamment de sauver la face, après l'échec de son opération initiale. Surtout, et c'est ce que les observateurs ukrainiens et occidentaux craignent, cela lui procurerait un répit bienvenu pour reconstituer ses forces. Avec le risque de lancer une nouvelle offensive dans les années à venir.

Interrogé sur le risque que Kiev se retrouve contraint de négocier avec Moscou en cas de réduction du soutien militaire des Occidentaux, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a néanmoins réaffirmé qu'il appartenait à l'Ukraine «de décider ce qui est acceptable pour mettre fin à la guerre», en marge d'un conseil de l'Alliance, le mardi 28 novembre.

Une déclaration qui contraste toutefois avec une autre, plus récente: dans un interview accordé à la chaîne de télévision ARD, M. Stoltenberg a précisé qu'il fallait se préparer à recevoir des "mauvaises nouvelles" concernant l'Ukraine. Par ailleurs, le soutien à l'Ukraine suscite également des mécontentements au sein de l'Union européenne, à l'image du premier ministre hongrois Viktor Orban et de son homologue slovaque Robert Fico.

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