Gaza, le tombeau politique de Netanyahou?
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Après le choc de l’attaque surprise du Hamas, le 7 octobre, la population israélienne a mis en cause la responsabilité du gouvernement. Une situation délicate pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui n’en est cependant pas à son coup d’essai.

Presque deux mois après le début du conflit militaire entre le Hamas et Israël, la société israélienne est de plus en plus fragmentée. Si la majeure partie des Israéliens estiment nécessaire l’offensive contre le Hamas, nombreux sont ceux qui pointent la responsabilité et les manquements du gouvernement de Benjamin Netanyahou, après l'attaque d'envergure menée par le groupe islamiste palestinien contre les Kibboutz limitrophes de l'enclave.

L'insuffisance des effectifs militaires près de la frontière avec Gaza et l’échec des renseignements israéliens à anticiper l’offensive du Hamas interrogent la population.
Une popularité en chute libre

Selon un sondage publié par le journal Yedioth Ahronoth, 75 % des Israéliens tiennent Netanyahou pour principal responsable des conséquences de l’attaque du 7 octobre et 66 % ont répondu que le chef du gouvernement devrait démissionner de son poste après la guerre.

«En tant que Premier ministre, Netanyahou est responsable de l’attitude de l’ensemble de ses services de sécurité», confirme à Ici Beyrouth Barah Mikaïl, directeur du programme des Sciences politiques et Relations internationales au sein de l’Université Saint-Louis de Madrid. «Le fait que cette attaque soit intervenue dans les circonstances que l’on sait le mettent naturellement en première ligne et explique sa fuite en avant à travers une réaction bien plus forte et brutale que ce à quoi l’on pouvait s’attendre», analyse-t-il.

Dans les sondages, la popularité du Premier ministre est en chute libre. En cas de nouvelles élections, il est annoncé largement perdant, selon un sondage réalisé le 15 novembre par l'institut israélien Midgam. Une perte de popularité qui profite largement à l’opposition et à l’ancien ministre de la Défense, Benny Gantz. Parallèlement, seuls 19% des Israéliens estiment que le gouvernement actuel devrait rester au pouvoir, et 58 % se déclarent en faveur de nouvelles élections après la guerre, selon un sondage publié le 25 novembre par la chaîne 12.

La popularité de Netanyahou avait déjà souffert sous son nouveau mandat. Depuis le début de l'année, à la tête de l'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire d'Israël, il s'est heurté à une contestation massive contre sa réforme judiciaire. Une réforme devenue son cheval de bataille afin de le protéger de procès dans trois affaires de corruption. La réforme de la justice, qui constitue selon ses opposants une menace pour la démocratie, a donné lieu pendant des mois à l'un des plus importants mouvements de contestation de l'histoire du pays.
Un soutien au Hamas ?

L’une des critiques adressées à Benjamin Netanyahou est son soutien au Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne. En effet, pour éviter l’émergence d’un État palestinien, le Premier ministre a permis lors de ses précédents mandats le renforcement du mouvement islamiste à Gaza. «Selon plusieurs témoignages de haut placés israéliens, on sait maintenant que Netanyahou avait alors autorisé l'octroi de permis de travail à des Palestiniens originaires de Gaza, tout comme il avait "permis" la remise d'argent en liquide en provenance du Qatar aux membres du Hamas», souligne Barah Mikaïl. Un soutien confirmé en 2015 par le député d’extrême-droite Bezalel Smotrich, aujourd’hui ministre des Finances du gouvernement israélien.


Cette tactique s’est montrée particulièrement efficace pour maintenir la division des Palestiniens, mais a également permis au Hamas de développer sensiblement son arsenal militaire. Des armes qui serviront à commettre l’attaque du 7 octobre et plus largement à envoyer régulièrement des roquettes sur l’État hébreu.

Face aux critiques, Benjamin Netanyahou avait accusé fin octobre sur X (anciennement Twitter) l'appareil sécuritaire israélien d'avoir sous-estimé les risques d'une attaque d'envergure. Un message qu’il a ensuite supprimé avant de présenter ses excuses. Il a par la suite admis qu’il devrait lui «aussi rendre des comptes» pour les défaillances sécuritaires. Des déclarations qui montrent le désarroi du Premier ministre face aux critiques d’une partie de sa population.
Une guerre pour assurer sa survie

Se sentant menacé, Benjamin Netanyahou n’a d’autre choix que de sortir victorieux de sa guerre avec le Hamas. Une position qui explique son refus de tout cessez-le-feu ou toutes négociations avec les Palestiniens. Avec pour objectif «d’éradiquer le Hamas», le Premier ministre prend le pari que les Israéliens oublieront sa responsabilité dans l’attaque du 7 octobre grâce aux victoires potentielles de l’armée israélienne.

Historiquement, des hommes politiques israéliens se sont fait emporter par l’enlisement dans des conflits, comme Menahem Begin après la guerre du Liban et Golda Meir après la guerre du Kippour. Benjamin Netanyahou souhaite donc éviter le même sort en prolongeant au maximum l’offensive sur Gaza, voire en ouvrant un second front au nord avec le Hezbollah.

Des ambitions qui se heurtent cependant aux réticences de la communauté internationale, alors que les manifestations contre les bombardements israéliens dans l’enclave sont de plus en plus importantes, même aux États-Unis. Largement favorable à une trêve, voire à un cessez-le-feu, la communauté internationale s’oppose également aux violences des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie, accusés de vouloir mettre le feu aux poudres. Même son de cloche pour le front nord, le président américain Joe Biden ayant affirmé son opposition à une extension régionale du conflit.

Pris entre deux feux, Benjamin Netanyahou semble privilégier sa survie politique aux bonnes grâces de la communauté internationale. D’autant qu’il bénéficie d’une large marge de manœuvre par les Américains.
Quelles alternatives ?

Si les jours du gouvernement israélien paraissent comptés, la fin de la carrière politique du Premier ministre n’est pas encore signée. Certes, il est au plus bas dans les sondages et l’attaque du 7 octobre a profondément choqué la population. «Mais Netanyahou a démontré son sens de la survie politique», rappelle à Ici Beyrouth Barah Mikaïl. «S’il venait à payer le prix de ces évènements, je pense que ce serait suite à des aléas en relation avec le fonctionnement politique d’Israël, caractérisé par une grande fragmentation et une instabilité de la scène politique, plutôt que sous la pression populaire», ajoute-t-il.

En effet, le clivage politique israélien rend obligatoire la formation d'une coalition. Une situation qui bénéficie à Netanyahou et ses alliés qui s’accordent sur une ligne politique, face à une opposition hétérogène, surtout marquée par son hostilité au «Bibistan». En attendant, Benjamin Netanyahou poursuit à Gaza sa fuite en avant.
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