«Nulle autre voix»: les douleurs des Algériennes sur scène
©Crédit Photo: Youcef Oufigou

Dans la salle intimiste du théâtre de l’Épée de Bois, au cœur de l’histoire française, résonne une pièce puissante et émouvante: Nulle autre voix. Inspirée de l’œuvre de Maïssa Bey, cette production franco-algérienne se dresse comme un témoignage percutant de la condition féminine en Algérie.
C’est sur un plancher de bois, dans une petite salle du théâtre de l’Épée de Bois, près du Château de Vincennes, qu’a été jouée, pour la première fois en France, la pièce de théâtre Nulle autre voix, directement inspirée de l’ouvrage de l’autrice Maïssa Bey.
Incarnée par Linda Chaib et chantée par Salah Gaoua, la pièce de théâtre est d’apparence sobre, mais sa densité est percutante tant au niveau de la performance des deux comédiens que du message porté par le roman de Maïssa Bey.
Au programme, la mise en scène de la femme algérienne lambda, étouffée par un patriarcat insupportable, qui décide de passer à l’acte, son couteau à la main.
À travers des tirades en prose, Linda Chaib décline les traits de personnalité de la protagoniste, la femme «hors-norme», abusée par un mari dont elle n’a jamais voulu.

Lorsque l’arme du crime fait couler le sang dans le salon, le soulagement est au rendez-vous. Dans un monologue dynamique, elle revient sur la peur ressentie et la paix d’avoir mis fin aux jours de son bourreau. Ici, la voix de Salah Gaoua vient ancrer les émotions dans le décor algérien de Tlemcen, Constantine, Oran… et toutes les villes où la condition féminine est mise à l’index par la société patriarcale.
Lorsque la condamnation est prononcée par le juge, la femme hors norme est encore plus soulagée. Les 15 ans de réclusion criminelle n’indignent pas la protagoniste qui juge ce verdict «clément» et qui ne souhaite pas faire appel.
Dans son monologue introspectif post-carcéral, la comédienne revient sur la réaction de sa mère qui désavoue sa fille qu’elle estime «sans aucune valeur» et à qui elle ne rend pas visite en prison, icône d’une femme qui fait prévaloir le rôle du mari en acceptant la soumission de la femme. Car toute sa vie, la femme a obéi à trois commandements, «tu ne toucheras pas à ton corps, tu ne toucheras pas au corps des autres, tu ne laisseras personne toucher à ton corps», souffle-t-elle, avant de poursuivre que son mariage, forcé par sa mère, a brisé le plafond de ces commandements.
D’autres femmes sont également incarnées par Linda Chaib durant la pièce de théâtre, notamment l’écrivaine Farida, souffrant de difficultés de langage et qui viennent souvent rendre visite au personnage principal après sa libération.
Les années de détention marquent la personnalité de la protagoniste: ses camarades de bagne lui montrent un nouvel aspect de la vie, chacune venant d’un milieu différent et se retrouvant en prison pour diverses raisons.
La pièce est une coproduction de l’Institut français de Tlemcen en Algérie, du Palais de la Culture et de la compagnie de théâtre El Ajouad. Une pièce d’une puissance rare jouée jusqu’au 23 décembre au théâtre de l’Épée de Bois, du jeudi au samedi à 21h et les samedis et dimanches à 16h30 pour les plus de 16 ans.
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