©Le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré reçu par Emmanuel Macron lors d'une visite à l'Elysée en novembre dernier. (AFP)
Et un, et deux et trois coups d’Etat en Afrique de l’Ouest en 18 mois… C’est un tremblement de terre pour le Sahel, un nouveau coup dur pour la CEDEAO et pour la France.
Dimanche 23 janvier aux aurores, des tirs nourris ont retenti pendant des heures en provenance des casernes de Ouagadougou, de Kaya et de Ouahigouya. Durant presque 24 heures, ces événements ont été interprétés comme un mouvement d’humeur de soldats mécontents, en réalité, c’était un coup de force pour chasser du pouvoir le président Roch Marc Christian Kaboré, déjà très affaibli après seulement 14 mois de son deuxième mandat.
Le chaudron burkinabè
Pour comprendre ces heures qui ont changé le visage du Burkina Faso, il faut les replacer dans leur contexte. Depuis le début du premier mandat de Roch Marc Christian Kaboré, en novembre 2015, la sécuritaire ne cesse de se dégrader. Pendant longtemps, les dirigeants ont occulté le phénomène djihadiste en étant sincèrement convaincus que c’était une déstabilisation perpétrée par les dignitaires de l’ancien président Blaise Compaoré. Ils se sont donc organisés très tardivement et tant bien que mal pour mener la lutte antiterroriste. Résultat, plus de six ans plus tard, l’Etat ne maitrise plus qu’un tiers de son territoire et compte plus d’un million et demi de déplacés internes, selon les chiffres de l’ONU.
Ces années ont été également jonchées de drames Yirgou, Kain, Banh, Solhan, qui ont traumatisé les populations. Le dernier massacre d’Inata, le 14 novembre dernier où officiellement 53 gendarmes et 4 civils ont trouvé la mort a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Roch Kaboré ainsi que toute la hiérarchie militaire sont accusés d’avoir laissé l’armée livrée à elle-même sans vivres et sans munition. Depuis le massacre d’Inata, les manifestations se poursuivent et les remaniements au sein de l’armée et du gouvernement n’y changent rien, le président apparaît comme laxiste et impuissant à renforcer l’armée et à rétablir la sécurité sur le territoire.
Scénario malien
A cette atmosphère déjà pesante, s’est ajoutée la décision du chef de l’Etat burkinabè de s’associer, en tant que président en exercice de l’Union monétaire des pays d’Afrique de l’Ouest (UMEOA), aux sanctions imposées au Mali par la CEDEAO. Une décision contestée par ses concitoyens qui ont manifesté bruyamment leur solidarité avec le peuple malien. Ils étaient une nouvelle fois dans la rue, le samedi 22 janvier pour protester. Pour essayer de juguler le mécontentement, le pouvoir à couper internet à plusieurs reprises depuis le massacre d’Inata. Une mesure qui loin de calmer les ardeurs a encore aggravé les mécontentements, depuis la révolution de 2014, les Burkinabè sont très sensibles à la préservation de leur liberté. Et comme si cela ne suffisait pas la gendarmerie et la police ont violemment réprimé une manifestation étudiante le 15 janvier dernier à l’université de Bobo-Dioulasso. Enfin la semaine dernière, le parquet militaire a annoncé l’arrestation de huit soldats, dont le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, soupçonnés de « déstabilisation des institutions de la République ». L’histoire ne dit pas si ces hommes s’apprêtaient à réellement perpétrer un coup d’Etat ou si le pouvoir affaiblit voit des putschistes partout.
La situation actuelle n’est pas sans rappeler celle qui prévalait à la fin du règne d’Ibrahima Boubacar Keïta où toutes les décisions prises pour espérer calmer la grogne populaire ne faisaient en réalité que l’augmenter. Et c’est ainsi que la junte malienne n’a eu qu’à se baisser pour ramasser le pouvoir le 18 août 2020.
Marc Christian Kaboré, fin de partie
La mutinerie du 23 janvier est partie de la la plus grande caserne de Ouagadougou, une forteresse dans la capitale, nommée Lamizana, dans laquelle, Gilbert Diendéré, l’ancien chef d’Etat-major de Blaise Compaoré et Emmanuel Zoungrana sont détenus. Il est probable que détention de ce dernier ait contribué à pousser les militaires à passer à l’acte. Dans un premier temps, les militaires ont fait parvenir leurs revendications : départ des dignitaires de l’Armée, moyens adaptés à la lutte contre les groupes armés djihadistes, effectifs conséquents, meilleure prise en charge des blessés de guerre et des familles des morts au combat. Autant de revendications qui n’apparaissaient pas déraisonnables.
D’après les rumeurs qui couraient sur les messageries des négociations étaient en cours entre le ministre de la Défense et les mutins. Puis pendant quelques heures, le calme est revenu laissant à penser que des accords avaient été trouvés. Il n’en était rien. Cette pause dans les hostilités n’était due qu’au match de foot de la CAN entre les Etalons burkinabè et les Panthères gabonaises. Quelques minutes seulement après le dernier pénalty qui a donné la victoire à l’équipe de Ouagadougou, des tirs étaient entendus près de la base aérienne de la capitale.
Puis un couvre-feu a été décrété de 20h à 5 heures du matin. Peu après, l’ambassade de France publiait un communiqué demandant à ses ressortissants de rester chez eux et prévenant que les écoles seraient fermées. Au milieu de la nuit, des explosions sont entendues près de la résidence du chef de l’Etat, avant que son arrestation soit confirmée par le journal Afrique sur 7 à 2h 30 du matin.
Le nouvel homme fort serait le lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, un nouveau cataclysme pour le Sahel dont on ne connaît pas encore les implications.
Le tombeur de Kaboré, Paul-Henri Sandaogo DAMIBA
Le nouvel homme fort du Burkina est un lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo DAMIBA, auteur d’un livre intitulé : « Armées ouest-africaines et terrorisme : réponses incertaines ? » publié aux éditions des Trois colonnes. Un ouvrage prémonitoire ? En tout état de cause, l’armée burkinabè vient d’avoir une réponse ferme en évinçant le président du Faso en moins de 24 heures.
L’élève d’Alain Bauer
Selon la dernière de couverture de cet ouvrage, Paul-Henri Sandaogo DAMIBA est officier supérieur d’infanterie dans les Forces armées burkinabè. Diplômé de l’école militaire de Paris, il est titulaire d’un master 2 en sciences criminelles du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris, donc élève du criminologue Alain Bauer, un brillant analyste et écrivain prolixe qui avait rêvé d’une carrière ministérielle sous Nicolas Sarkozy. Ces titres lui permettront-ils de redresser le Burkina Faso et de recouvrer l’intégrité territoriale de ce pays ?
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