Tintin confronte l’Histoire: héritage, controverse et perception
Dans l’univers de la bande dessinée, peu d’œuvres ont suscité autant de débats et de controverses que Les Aventures de Tintin, reporter du Petit Vingtième au Congo. Ce récit, ancré dans le contexte colonial et paternaliste des années 1930, continue d’alimenter des discussions passionnées à travers le monde, reflétant l’évolution des mentalités et des sensibilités culturelles. L’empreinte culturelle et les répercussions internationales de cette œuvre de Hergé est flagrante, des rivages de la Belgique, berceau de Tintin, aux échos lointains aux États-Unis et en Scandinavie. Tintin au Congo s’inscrit dans un dialogue mondial sur l’héritage de la colonisation et les représentations raciales dans l’art.
L’ouvrage Les Aventures de Tintin, reporter du Petit Vingtième au Congo (1931) reflète l’ère coloniale et paternaliste de son époque. Cette narration, encore improvisée par Hergé, suit Tintin en Afrique, où il devient sorcier au royaume de Babaoro’m et contrecarre les plans de gangsters cherchant à contrôler la production de diamants. La représentation naïve de l’Afrique évoque l’esprit colonial de la Belgique des années 1930.
En Belgique, terre natale de Tintin, toutes ses aventures jouissent d’une large diffusion et sont fréquemment rééditées. Toutefois, en 2009, la justice belge a dû se pencher sur une plainte de Bienvenu Mbutu Mondondo, un Congolais réclamant l’interdiction de la vente de Tintin au Congo, ou, à défaut, l’ajout d’un avertissement ou d’une préface mettant en lumière les préjugés raciaux de l’ouvrage. En 2012, un tribunal de Bruxelles a statué, jugeant que Hergé n’avait pas d’«intention discriminatoire». Ainsi, l’album peut être vendu sans restriction ni avertissement.
Au Congo, l’album est un élément de la culture populaire, transmis de génération en génération. En 2021, Elie Kabishi Luabeya-Masengo, chercheuse congolaise au Danemark, souligne dans un mémoire de master que malgré les «images caricaturales des personnages noirs», l’œuvre reste lue et recherchée par les jeunes et adultes congolais. Elle a même inspiré des auteurs de bandes dessinées locaux. Cependant, Tintin au Congo demeure un produit d’importation, n’ayant jamais été édité en RDC, comme le souligne Munkulu di Deni, professeur de littérature à Kinshasa.

Aux États-Unis, la traduction de Tintin in the Congo en 1991 a été suivie d’une réédition en 2007 par Little, Brown and Co, qui a exclu ce titre en raison de craintes que son contenu éclipse les autres œuvres. L’édition britannique de 2016 par Casterman est accessible en ligne, avec une préface des traducteurs Leslie Lonsdale-Cooper et Michael Turner, qui mettent en garde contre les interprétations potentiellement offensantes. L’album est absent des bibliothèques publiques et des librairies, bien que Barnes and Noble le commercialise en langue française.
En Suède, Tintin i Kongo, traduit dès 1948, a fait l’objet de plusieurs débats nationaux. Malgré une plainte pour racisme classée sans suite en 2007, la controverse a persisté. En 2012, la découverte que l’album n’était pas en possession d’une bibliothèque pour enfants de Stockholm a suscité un débat médiatisé. L’édition de 2004 contient une préface de Björn Wahlberg, qui met en garde contre les caricatures grossières des Africains et propose de lire l’album comme un document historique.
Au Danemark, l’éditeur a exigé la modification de Tintin i Congo pour supprimer une scène jugée inacceptable où Tintin fait exploser un rhinocéros à la dynamite. Hergé a consenti à cette suppression pour la parution en feuilleton en 1948-49. La version album parue en 1975 montre un rhinocéros s’enfuyant.
Avec AFP (les bureaux de l’AFP dans le monde)
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