Une rencontre dédicace s’est tenue le 22 novembre 2023, dans les locaux parisiens des éditions l’Harmattan, autour de deux ouvrages: L’argumentation dans le courrier des lecteurs libanais, de Sana Richa Choucair, et Le besoin de croire, de Marguerite el-Asmar Bou Aoun. Retour sur cet évènement.
De la recherche ou de la thèse à l’ouvrage, deux auteures libanaises, Sana Richa Choucair et Marguerite el-Asmar Bou Aoun se retrouvent ensemble à Paris, le 22 novembre 2023, dans les locaux des éditions L’Harmattan, pour la signature de leurs ouvrages respectifs. Deux recherches différentes, l’une en analyse du discours et l’autre en philosophie de la religion, mais qui font toutes deux écho au vécu des Libanais et à leurs manières d’agir ou de réagir face à la situation du pays. Les deux auteures sont intervenues ensemble par solidarité. Résidant au Liban, elles ont voulu joindre leurs réseaux parisiens et créer une occasion commune pour débattre de problématiques touchant la société contemporaine.
La signature des ouvrages a été précédée d’une table ronde, modérée par Antoine Fleyfel, philosophe et directeur de l’Institut chrétiens d’Orient.
«Le courrier des lecteurs libanais francophones»
L’analyse du discours médiatique passionne Sana Richa Choucair. Elle a mené de ce fait une étude de l’argumentation, portant sur 773 courriers parus en 2014 dans la presse libanaise francophone. Docteure en lettres, orthophoniste et enseignante à l’université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), Sana examine l’usage de la langue française comme outil d’expression des opinions dans l’espace public.
Dans son intervention lors de la rencontre débat, la chercheuse relève la date du 22 novembre, jour de la Fête nationale du Liban: «Je considère cette coïncidence non fortuite comme symbolique pour cette publication, que je vois comme un cri de vie, un cri de résistance face à la culture de la mort qui hante mon pays, une riposte ferme et engagée.»
Par ailleurs, elle souligne l’importance de la démarche de publication d’une thèse qui contribue à «combler le fossé existant entre la recherche scientifique et son véritable destinataire, le grand public ou la société». «Rendre le discours scientifique accessible par le biais d’une écriture claire et précise est un exercice très formateur pour un chercheur», explique-t-elle.
Pour sa part, Alban Bogeat, président du cercle Richelieu Senghor de Paris, a rappelé la place du Liban au sein de la francophonie, lors de son intervention autour de l’ouvrage. Il a ensuite mis l’accent sur la rigueur de la méthode, en termes d’échantillonnage des textes et d’analyse de leur structure argumentative. M. Bogeat a en outre apprécié la qualité de la «matière première», en référence aux textes du courrier des lecteurs libanais francophones. Selon lui, l’utilisation de la langue française reflète l’appartenance à une «élite» qui tente, par le recours à une langue étrangère, d’informer les personnes qui ne connaissent pas la réalité du pays.
Il rebondit enfin sur «une certaine frustration» qui transparaît dans le livre, d’autant que les problèmes soulevés par les lecteurs en 2014 sont toujours d’actualité. M. Bogeat se pose alors une question: «Les lecteurs libanais francophones écrivent, mais cela fait-il bouger les choses? Pas vraiment…»
«Le besoin de croire»
S’il y avait une clé qui permette de changer les choses, ce serait la capacité illimitée des Libanais à croire en leur pays et en un avenir meilleur. C’est presque une nécessité pour avancer dans un pays constamment instable et créer une certaine tolérance.
Voici les résultats relevés par Marguerite, à travers son étude: «On ne peut pas vivre sans croire; même si on se dit non croyant, on croit forcément en quelque chose, une activité ou un idéal, pas forcément religieux».
Docteure en philosophie de la religion à l’université de Strasbourg et coordinatrice du département des sciences de la religion à l’USJ, elle souligne, dans son intervention lors de la table ronde, que « l’approche du croire en tant que besoin introduit une perspective novatrice qui engendre des valeurs significatives telles que la légitimité du croire chez autrui et la tolérance».
Selon elle, «l’élaboration de cet ouvrage s’inscrit dans une démarche essentielle de sensibilisation. Le besoin de croire, omniprésent dans nos vies, constitue un fil conducteur universel qui peut tisser des liens entre les diverses perspectives philosophiques, scientifiques et sociales». Dans cette perspective, «la diversité des expériences humaines est abordée dans un cadre holistique, encourageant un dialogue ouvert et constructif qui contribue à l’épanouissement individuel et collectif», explique-t-elle.
Jean-François Petit, professeur de philosophie à l’Institut catholique de Paris, a salué, dans son intervention, le courage qu’a eu Marguerite d’aborder la problématique du croire, dans la mesure où cette réflexion remet en question beaucoup de personnes dans leurs croyances, notamment dans un pays multiconfessionnel comme le Liban. En outre, cette approche non exclusivement religieuse du croire touche également l’athéisme.
M. Petit a également mis en avant l’approche interdisciplinaire qui fait le mérite de ce travail. Marguerite a, en effet, croisé diverses méthodologies empruntées à plusieurs disciplines: les neurosciences, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, les sciences politiques, la philosophie, ainsi que les théologies de l’islam, du bouddhisme et du judaïsme.
Une discussion dynamique avec le public, venu de divers horizons, a enrichi l’échange, mêlant expériences et réflexions, à la fois libanaises et universelles.
Les livres sont disponibles sur toutes les plateformes en ligne et à la Librairie Antoine.
De la recherche ou de la thèse à l’ouvrage, deux auteures libanaises, Sana Richa Choucair et Marguerite el-Asmar Bou Aoun se retrouvent ensemble à Paris, le 22 novembre 2023, dans les locaux des éditions L’Harmattan, pour la signature de leurs ouvrages respectifs. Deux recherches différentes, l’une en analyse du discours et l’autre en philosophie de la religion, mais qui font toutes deux écho au vécu des Libanais et à leurs manières d’agir ou de réagir face à la situation du pays. Les deux auteures sont intervenues ensemble par solidarité. Résidant au Liban, elles ont voulu joindre leurs réseaux parisiens et créer une occasion commune pour débattre de problématiques touchant la société contemporaine.
La signature des ouvrages a été précédée d’une table ronde, modérée par Antoine Fleyfel, philosophe et directeur de l’Institut chrétiens d’Orient.
«Le courrier des lecteurs libanais francophones»
L’analyse du discours médiatique passionne Sana Richa Choucair. Elle a mené de ce fait une étude de l’argumentation, portant sur 773 courriers parus en 2014 dans la presse libanaise francophone. Docteure en lettres, orthophoniste et enseignante à l’université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), Sana examine l’usage de la langue française comme outil d’expression des opinions dans l’espace public.
Dans son intervention lors de la rencontre débat, la chercheuse relève la date du 22 novembre, jour de la Fête nationale du Liban: «Je considère cette coïncidence non fortuite comme symbolique pour cette publication, que je vois comme un cri de vie, un cri de résistance face à la culture de la mort qui hante mon pays, une riposte ferme et engagée.»
Par ailleurs, elle souligne l’importance de la démarche de publication d’une thèse qui contribue à «combler le fossé existant entre la recherche scientifique et son véritable destinataire, le grand public ou la société». «Rendre le discours scientifique accessible par le biais d’une écriture claire et précise est un exercice très formateur pour un chercheur», explique-t-elle.
Pour sa part, Alban Bogeat, président du cercle Richelieu Senghor de Paris, a rappelé la place du Liban au sein de la francophonie, lors de son intervention autour de l’ouvrage. Il a ensuite mis l’accent sur la rigueur de la méthode, en termes d’échantillonnage des textes et d’analyse de leur structure argumentative. M. Bogeat a en outre apprécié la qualité de la «matière première», en référence aux textes du courrier des lecteurs libanais francophones. Selon lui, l’utilisation de la langue française reflète l’appartenance à une «élite» qui tente, par le recours à une langue étrangère, d’informer les personnes qui ne connaissent pas la réalité du pays.
Il rebondit enfin sur «une certaine frustration» qui transparaît dans le livre, d’autant que les problèmes soulevés par les lecteurs en 2014 sont toujours d’actualité. M. Bogeat se pose alors une question: «Les lecteurs libanais francophones écrivent, mais cela fait-il bouger les choses? Pas vraiment…»
«Le besoin de croire»
S’il y avait une clé qui permette de changer les choses, ce serait la capacité illimitée des Libanais à croire en leur pays et en un avenir meilleur. C’est presque une nécessité pour avancer dans un pays constamment instable et créer une certaine tolérance.
Voici les résultats relevés par Marguerite, à travers son étude: «On ne peut pas vivre sans croire; même si on se dit non croyant, on croit forcément en quelque chose, une activité ou un idéal, pas forcément religieux».
Docteure en philosophie de la religion à l’université de Strasbourg et coordinatrice du département des sciences de la religion à l’USJ, elle souligne, dans son intervention lors de la table ronde, que « l’approche du croire en tant que besoin introduit une perspective novatrice qui engendre des valeurs significatives telles que la légitimité du croire chez autrui et la tolérance».
Selon elle, «l’élaboration de cet ouvrage s’inscrit dans une démarche essentielle de sensibilisation. Le besoin de croire, omniprésent dans nos vies, constitue un fil conducteur universel qui peut tisser des liens entre les diverses perspectives philosophiques, scientifiques et sociales». Dans cette perspective, «la diversité des expériences humaines est abordée dans un cadre holistique, encourageant un dialogue ouvert et constructif qui contribue à l’épanouissement individuel et collectif», explique-t-elle.
Jean-François Petit, professeur de philosophie à l’Institut catholique de Paris, a salué, dans son intervention, le courage qu’a eu Marguerite d’aborder la problématique du croire, dans la mesure où cette réflexion remet en question beaucoup de personnes dans leurs croyances, notamment dans un pays multiconfessionnel comme le Liban. En outre, cette approche non exclusivement religieuse du croire touche également l’athéisme.
M. Petit a également mis en avant l’approche interdisciplinaire qui fait le mérite de ce travail. Marguerite a, en effet, croisé diverses méthodologies empruntées à plusieurs disciplines: les neurosciences, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, les sciences politiques, la philosophie, ainsi que les théologies de l’islam, du bouddhisme et du judaïsme.
Une discussion dynamique avec le public, venu de divers horizons, a enrichi l’échange, mêlant expériences et réflexions, à la fois libanaises et universelles.
Les livres sont disponibles sur toutes les plateformes en ligne et à la Librairie Antoine.
Lire aussi
Commentaires