©Des officiers de justice sécurisent l'accès à la zone de haute sécurité du tribunal de district de Halle avant le début du procès contre Leonora Messing, une jeune femme accusée d'appartenance à Daesh. (AFP)
Comment expliquer la radicalisation d'une adolescente dans un bourg rural de l'ex-Allemagne de l'Est, où la première mosquée se trouve à plus de 50 km ? La justice allemande se penche depuis mardi sur le parcours d'une jihadiste partie en Syrie à l'âge de 15 ans.
L'accusée étant mineure au moment des faits, le procès se tient sans public et aucune information sur le contenu des audiences ne sera fournie, a précisé la porte-parole de la Haute Cour régionale de Naumburg.
Elle est en outre jugée pour appartenance à une organisation terroriste et pour avoir aidé, en juin 2015, son époux jihadiste à "acheter" une femme yazidie, une minorité kurdophone d'Irak réduite à l'esclavage par l'EI.
La jeune femme, qui comparaît libre, "a épousé un Allemand qui travaillait pour l'organisation (jihadiste) et a travaillé elle-même pour l'EI", a assuré le procureur Holger Schneider-Glockzin, devant la presse. "Elle disposait à certains moments d'un fusil d'assaut et d'une arme à feu pour montrer son appartenance à l'EI".
Son histoire, fortement médiatisée, avait suscité la stupéfaction en Allemagne.
Leonora Messing avait fugué de chez son père en mars 2015 pour rejoindre les zones syriennes sous contrôle de l'EI. Peu après son installation à Raqa, "capitale" autoproclamée de l'organisation jihadiste, elle était devenue la troisième épouse d'un Allemand originaire de sa région.
Le père de l'adolescente, un boulanger du village de Breitenbach, avait découvert la conversion de sa fille à l'islam radical en ouvrant son ordinateur et son journal intime après sa disparition. Il était alors tombé sur des photos de l'adolescente en niqab.
Six jours après sa disparition, son père avait reçu un message l'informant que sa fille "s'était décidée pour Allah et l'islam" et qu'elle était "arrivée dans le califat".
"C'était une bonne élève", expliquait son père, Maik Messing, à la radio MDR en 2019. "Elle se rendait dans une maison de retraite pour faire la lecture aux personnes âgées. Elle a participé au carnaval en tant que majorette. Dans notre entourage, beaucoup l'ont vue ce jour-là pour la dernière fois".
L'adolescente menait en fait une double vie et fréquentait, à l'insu de ses parents, une mosquée de Francfort dans le collimateur du renseignement intérieur.
Leonora Messing figure parmi les plus de 1.150 islamistes qui ont quitté l'Allemagne à partir de 2011 pour rejoindre la Syrie et l'Irak, selon le gouvernement allemand.
Mais son cas a suscité une attention particulière, en raison de son jeune âge.
Son père a rendu public les milliers de messages qu'il a continué d'échanger avec sa fille, révélant notamment la quête désespérée de fuite de la jeune fille.
La justice allemande reproche à Leonora Messing d'avoir travaillé durant trois mois dans un hôpital de l'EI à Raqqa, puis d'avoir "espionné" des épouses de combattants pour les services de renseignement de l'organisation.
Elle a également participé à un trafic d'être humain, selon le parquet, après que son époux eut "acheté" une Yazidie de 33 ans avant de la revendre.
Devenue mère de deux petites filles, la jeune femme avait fini par être détenue dans un camp sous contrôle kurde dans le nord de la Syrie.
Son mari, Martin Lemke, avait été capturé en 2019 par les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, selon le témoignage de Leonora Messing et d'une autre de ses femmes à l'AFP.
En décembre 2020, elle avait été rapatriée en Allemagne lors d'une des quatre opérations organisées à ce jour par Berlin, qui ont permis de ramener 54 personnes, dont une majorité d'enfants (42).
Arrêtée à son arrivée à Francfort, elle avait par la suite été remise en liberté.
L'Allemagne a plusieurs fois été condamnée par les tribunaux à rapatrier des femmes et des enfants de jihadistes.
Soixante-et-onze Allemands se trouvent toujours à l'heure actuelle dans ces camps nord-syriens, auxquels s'ajoutent 30 personnes ayant un lien avec l'Allemagne, selon Berlin.
AFP
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