Le débat traditionnel entre les différentes écoles économiques ne date pas d’hier, mais remonte à des époques lointaines. En effet, il touche divers sujets tels que le rôle de l’État et sa mission sociale, ainsi que son degré d’intervention dans l’économie nationale en termes d’orientation, de gestion et de supervision. D’aucuns estiment que l’expérience soviétique a démontré l’échec de l’État comme régulateur économique, tandis que d’autres considèrent qu’exclure complètement l’État de son rôle serait une grave erreur à plusieurs niveaux.
Les différentes expériences historiques montrent que la gestion directe par l’État de tous les aspects de l’économie et de la société n’a pas mené au succès escompté. Cependant, il s’est également avéré que les théories du «laissez-faire, laissez-passer» et de la «main invisible» en économie n’ont pas été totalement probantes. Laisser l’économie s’autoréguler n’est pas une solution simple, mais plutôt une formule que certaines entités capitalistes pourraient exploiter pour servir leur propre intérêt au détriment de la société, sans supervision ni responsabilité aucune.
Dans ce contexte, de nombreux pays européens ont adopté une approche intermédiaire, fondée sur l’idée qu’il existe une fonction sociale de l’État, à laquelle on ne peut renoncer. Cette fonction concerne spécifiquement des secteurs comme la fourniture de services publics essentiels, les soins médicaux, la sécurité sociale, les systèmes de retraite et la protection sociale. Ces domaines relèvent de la responsabilité de l’État et les abandonner reviendrait à négliger les citoyens qui ont le droit de bénéficier de telles garanties, lesquelles ne sont pas prises en charge par les entreprises privées car jugées «non rentables».
Par conséquent, la gestion de l’État ne peut se limiter à une approche purement commerciale basée uniquement sur les pertes et les profits, sans accorder l’attention nécessaire aux couches sociales défavorisées et marginalisées dont l’État reste l’unique recours pour obtenir des services de base tels que les soins médicaux, les médicaments et la retraite.
Au Liban, le même débat persiste, notamment en raison de l’affaiblissement sans précédent des institutions de l’État. Il est particulièrement accentué par l’échec de l’élection d’un nouveau président de la République, plus d’un an après la vacance à la tête de l’État. Cette situation a un impact majeur sur les performances de l’État, de ses institutions et sur leurs actions sociales.
La crise majeure que traverse le Liban, qualifiée par la Banque mondiale comme l’une des pires crises de ce type dans le monde, devrait être un catalyseur pour inciter à des réformes politiques et économiques. Au lieu de renforcer le rôle de l’État et de laisser les segments de la population les plus vulnérables livrées à leur sort, ces réformes devraient être orientées vers la solidarité sociale.
Quel sera le sort des agriculteurs, des enseignants, des retraités civils et militaires, des forces de sécurité? Que dire des artistes qui réclament constamment des garanties sociales pour leur profession? Que deviendront les employés, les enseignants et les fonctionnaires de l’administration publique qui consacrent leur vie au service de l’État? Certes, l’administration publique a besoin de réformes et de modernisation, mais cela ne signifie pas son exclusion, son affaiblissement ou sa paralysie, pour autant.
D’autre part, un autre aspect essentiel concerne la démocratie et sa solidité dans les États qui ne renoncent pas à leur mission sociale. Le fait que des gouvernements «éclairés», pour ainsi dire, jouent ce rôle contribue au bien-être social des sociétés en gérant équitablement les richesses nationales et en améliorant ainsi le niveau de vie. Cela implique la généralisation de l’éducation et la sensibilisation accrue des jeunes, rendant ainsi la mise en œuvre du concept démocratique plus réalisable et plus fluide.
Il ne s’agit pas là de reproduire des expériences historiques qui ont échoué, même si les raisons de ces échecs peuvent différer d’une approche à l’autre. Il ne s’agit pas non plus de rejeter l’idée même de l’État, car cela conduirait inévitablement à le remplacer par d’autres entités, ce qui ne serait dans l’intérêt de personne. La voie à suivre serait plutôt de permettre à l’État de remplir son rôle tout en autorisant le secteur privé à jouer le sien, en l’encadrant par des limites et des règles bien définies.
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