Waddah Faris était «plus grand que la vie»

 
Waddah Faris, figure marquante de l'art libanais et régional, a laissé une empreinte indélébile dans le domaine de l'art et de la culture. Il nous a récemment quittés à l'âge de 84 ans. Reconnu pour son charisme et sa personnalité exceptionnelle, Faris a eu un impact notable non seulement sur la scène artistique locale et arabe, mais également sur la scène internationale. Galeriste, designer graphique et artiste polyvalent, ce fils de diplomate irakien avait un lien intense avec Beyrouth, sa ville d’élection.
Waddah Faris était un homme «plus grand que la vie». C'est avec ces mots puissants que Saleh Barakat, qui le considère comme son mentor, l'évoque. Des mots empreints d'une profonde admiration et d'un grand respect, soulignant l'influence majeure de Faris sur la carrière de Barakat et sur la création de sa galerie, Agial, inspirée par «l’école» de Faris.
«Waddah était certainement l’omniprésence dans la vie culturelle du Liban dans tous ces moments, les grands et les moins grands. Même plus, il en était l'acteur essentiel», déclare également une de ses proches amies avec émotion. «Sa présence était ressentie dans chaque aspect de ce milieu, grand ou modeste, et son rôle allait bien au-delà de la simple participation. Faris a été un acteur clé, non seulement en lançant de nombreuses initiatives culturelles, mais également en soutenant activement les projets d’autres personnes», ajoute-t-elle.
Sa passion pour l’art l’a mené à cofonder, avec César Nammour, la galerie d’art Contact, un espace qui transcendait sa fonction première d’exposition pour devenir un lieu de culte pour l’intelligentsia libanaise. Cette galerie a accueilli une myriade d’événements culturels, allant des soirées poétiques avec des figures emblématiques telles que le grand poète Youssef el-Khal, et plus tard son ex-épouse Helen el-Khal, aux concerts et conférences diverses.
Faris entretenait également des liens étroits avec les artistes, écrivains et poètes du Liban. Il ne se contentait pas de les fréquenter, mais apportait un soutien concret en illustrant leurs œuvres, mettant à profit ses compétences de graphiste. Son amour pour l’art et la culture était total et englobait tous les domaines, témoignant de son engagement profond envers les arts sous toutes leurs formes.
De 1980 à 1991, cap sur à Paris où la Galerie Faris devient très rapidement une référence pour l’art arabe au niveau international. Premier galeriste à présenter des artistes arabes dans des rendez-vous d’envergure comme la FIAC et Art Basel, il leur a ouvert la voie sur la scène mondiale.

Saleh Barakat se souvient de sa rencontre avec Faris en 1991, une amitié née d’une proximité avec son oncle et son père, et nourrie par leur engagement commun envers le nationalisme arabe. Au fil du temps, cette relation professionnelle a pris la forme d'une amitié plus profonde entre eux deux.
«Sa contribution à l’art libanais s’étend sur plusieurs décennies, remontant à 'l’âge d’or' du Liban, notamment à travers le festival de Baalbek, sa galerie et son travail en tant que graphiste», confie Saleh Barakat, captant l’ampleur de l’impact de Faris sur l’art et la culture libanais.
Waddah Faris, connu pour son amour pour la photographie, capturait des moments et des personnalités, mais préférait garder les négatifs sans jamais les imprimer. Saleh Barakat raconte: «Un jour où je lui rendais visite, un carton a attiré mon attention. En l’ouvrant, j’ai découvert des pellicules de photographies accumulées pendant des années, capturant des moments et des personnalités du Liban pendant son âge d’or. Faris n’avait jamais imprimé ces photos, conservant seulement les négatifs.» De cette découverte est née, en 2017, l’exposition 1960-1975 Beirut The City of Age World’s Desire Through the Chronicles of Waddah Faris, une célébration de l’histoire culturelle riche du Liban.
La personnalité de Faris, avec sa voix théâtrale, gutturale et imposante, a laissé un souvenir impérissable. Notre collaboratrice Myriam Ramadan, qui l’a connu depuis petite, se souvient de l’effet profond de sa voix sur elle, enfant. Voix qui l'impressionnait et l’intimidait au plus haut point. «Te souviens-tu de l'époque où, enfant, j'étais intimidée par ta voix puissante? Aujourd'hui, c'est avec plaisir que je prends la plume pour rédiger un article à ton sujet», a-t-elle plaisanté à l’occasion d’un entretien mené pour Officiel.
Bien que Faris ait fondé sa famille près de Barcelone, il a toujours gardé un lien étroit avec Beyrouth. Saleh Barakat, qui a vu Faris pour la dernière fois en 2020, maintient que sa patrie de cœur, jusqu’à sa mort, était Beyrouth.
La disparition de Waddah Faris à l’âge de 84 ans marque la fin d’une ère significative dans l’histoire de l’art libanais et arabe. Son héritage perdure à travers son art, sa galerie, et les nombreuses vies qu’il a touchées et inspirées. Comme le souligne Barakat, «sa polyvalence et son talent ont laissé une empreinte durable sur la scène locale, arabe et internationale».
 
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