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Ce n’est pas vrai que tous les secteurs au Liban sont mal gérés. Il y en a qui ne sont pas gérés du tout. Il en va ainsi du dossier des réfugiés syriens.
Le dossier syrien fait partie de ces lieux communs, jalonnés de déclarations tonitruantes, de discours aux tribunes internationales, de «plans de rapatriement» sur le papier. Puis des dispositions prises par tel ou tel autre service de sécurité, municipalité, ministre… mais qui s’effilochent en cours de route.
Et tout cela dans une ambiance de conflit sociétal entre deux populations, souvent justifié par des actes répréhensibles de quelques Syriens et parfois exagéré. Un conflit qui peut s’envenimer, surtout s’il va prendre des colorations confessionnelles, ce qui est souvent le cas au Liban.
Le justificatif de ce retour vers un sujet éculé est cette étude récente (de l’économiste Charbel Nahhas) qui prévoit que les Libanais, dans un scénario pessimiste, pourraient constituer seulement 52% de la population résidente en 2038. L’étude prend en compte les taux différenciés de natalité et les mouvements de population, libanais vers l’étranger et syrien vers le Liban, tout en y ajoutant les Palestiniens, Irakiens et autres Asiatiques et Africains.
À l’énoncé de ce chiffre, même s’il manque de précision, on entendait le vent de panique souffler sur nos montagnes par une nuit de grande tempête. Alors, pour adoucir le scénario de ce film d’horreur de série B, on va proposer quelques pistes, mais après avoir rappelé d’abord là où on a foiré:
On a laissé déferler les réfugiés pendant des années sans contrôle et même sans savoir le comment, du combien, du pourquoi et d’où. Autrement dit, un laisser-aller doublé d’une ignorance statistique totale. Le plus drôle c’est qu’on a recruté des centaines de contractuels (jusqu’à 800) dans ce but. Mais leur recensement des réfugiés et de leurs spécificités s’est arrêté au chiffre 80.000, se déclarant trop fatigués pour continuer.
Ils entretenaient cependant une belle ambiance au ministère des Affaires sociales, avant qu’un nouveau ministre rabat-joie congédie tout le monde, les larmes aux yeux, en les remerciant pour leurs réalisations. Depuis, on compte entièrement sur les enquêtes, quoiqu’imparfaites, des organismes internationaux, auxquels on quémande leurs listes, pour qu’on n’ait pas l’air plus ignares qu’on ne l’est d’habitude.
Cela dit, voyons ce qu’on peut faire, mais de façon pragmatique pour une fois, pour alléger ce poids démographique, à défaut de l’éliminer complètement:
1. Au lieu de tenter de rapatrier sans distinction, donner la priorité aux très nombreux détenus, qu’on n’arrive plus à nourrir ou à soigner, à part qu’ils représentent un danger pour la société. Puis aux travailleurs dans des domaines «non-homologués». Concernant ce dernier point, on sait que les travailleurs syriens ont toujours été présents au Liban, notamment dans l’agriculture, la construction et les services de propreté. Or, c’est effectivement dans ces domaines qu’un accord a été conclu il y a des années avec les organismes de l’ONU. On peut y ajouter d’autres occupations similaires, par dérogation, selon les besoins de notre économie.
2. Pour tout autre secteur, il suffit d’infliger une amende aux employeurs qui seraient tentés, par les bas salaires, de les recruter. Une carte de séjour et de travail généralisée serait une façon de contrôler le flux.
3. Une troisième façon est d’interdire l’accès bancaire aux indésirables. Privés ainsi de la carte onusienne qui leur permet de retirer plus ou moins 150 dollars par mois, beaucoup n’auront plus intérêt à rester au Liban.
Évidemment, sur ce point, comme sur d’autres, on risque de se trouver en conflit avec les organismes donateurs. Théoriquement, on peut leur opposer la «souveraineté nationale» sur notre territoire, quitte à congédier leurs représentants, comme l’a menacé un jour Gebran Bassil. Mais, il faut l’avouer, on a besoin de leurs dons pour nos propres malheurs. Pas un ministère ou département qui ne compte sur cette aide étrangère pour vivoter. En haussant le ton, on aura juste l’air d’une horde de mendiants dénigrant une autre horde de mendiants.
4. À ce sujet, on a commis l’erreur – encore une – de garder les plus misérables parmi les déplacés et de faire fuir les hommes d’affaires, qui sont donc partis installer leur business en Irak, en Turquie ou ailleurs. Si on peut corriger cette erreur, ça représenterait un apport à notre PIB.
5. Il faut trouver une solution rapide et radicale à la consommation gratuite d’eau, d’électricité et autres services, par les réfugiés. On ne comprend pas comment on a pu laisser traîner cette hémorragie financière aussi longtemps.
À l’attention de ceux qui doutent de l’efficacité de ces premières mesures (non exhaustives bien sûr), prétendant prôner des «solutions radicales», qui ne vont jamais pouvoir s’appliquer, il serait bon d’apporter deux argumentations pour relativiser l’affaire:
- Selon le dernier décompte, le nombre de réfugiés palestiniens dans des camps au Liban diminue et se rapproche des 200.000. S’y ajoute un certain nombre de Palestiniens qui se sont installés dans des appartements, s’embourgeoisant dans le tissu urbain.
Et on parle là de population qui n’a pas de pays où retourner, à la différence des Syriens. Si leur nombre diminue, c’est parce que beaucoup ont émigré à la recherche de meilleures possibilités, ne voyant pas leur avenir dans un pays qui ne va jamais leur accorder tous les droits. C’est pour dire qu’une présence perpétuelle de tous les Syriens au Liban n’est pas une fatalité.
- La deuxième relativisation intéressante est le cas des Émirats arabes unis, où 90% des résidents sont des étrangers – et le pays ne s’en porte pas si mal. Au contraire, ces étrangers, bien encadrés et canalisés, ont littéralement créé la prospérité du pays. Reprendre quelques-unes de leurs recettes serait une bonne chose.
Et puis il faut arrêter d’accuser les Syriens de tous nos maux. Aucun des rapports internationaux sur notre crise financière ne cite les Syriens comme cause de notre débâcle. Au pire, on y voit un élément aggravant.
Cependant, on a le malheur d’être dans un pays où la responsabilité est confiée à des irresponsables, dont la seule tâche est d’entretenir des troupeaux de boucs émissaires.
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