Le président Emmanuel Macron a lancé, lors de son premier point de presse pour l’année 2024, une petite phrase concernant le Liban, qui est pratiquement passée inaperçue. Il a appelé à un strict respect de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité «mais des deux côtés».
Depuis l’adoption de la 1701, qui a mis fin au conflit armé de juillet 2006 entre Israël et le Hezbollah, c’est la première fois qu’un chef d’État ou un haut responsable occidental lance l’idée d’une application de cette résolution «des deux côtés». Et pour cause: il ressort d’une lecture minutieuse du texte onusien que toutes les dispositions et mesures prévues dans la résolution portent sur le Liban, plus spécifiquement sur l’état des lieux et la situation sécuritaire dans les régions méridionales, entre le Litani et la frontière israélienne. La petite phrase du président Macron rejoint en quelque sorte l’argumentation du Hezbollah – reprise, sans surprise, par le cabinet Mikati – qui renverse la donne (diversion oblige...) en réclamant l’application, d’abord, de la 1701 par Israël…
À titre de rappel pour ceux qui l’ignorent (et ceux qui feignent de l’ignorer), il serait utile de mettre en relief ce que prévoit la résolution onusienne en question, ce qui permettrait de mieux évaluer la portée et les possibles conséquences de la nouvelle position du président français.
La 1701 souligne ainsi qu’«il importe que le gouvernement libanais étende son autorité à l’ensemble du territoire libanais, conformément aux dispositions des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006), et aux dispositions pertinentes des Accords de Taëf, afin d’y exercer intégralement sa souveraineté, de sorte qu’aucune arme ne s’y trouve sans le consentement du gouvernement libanais et qu’aucune autorité ne s’y exerce autre que celle du gouvernement libanais».
La résolution prévoit également «l’établissement, entre la Ligne bleue et le Litani, d’une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la FINUL» et «l’application intégrale des dispositions pertinentes des Accords de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban, afin que, conformément à la décision du gouvernement libanais du 27 juillet 2006, seul l’État libanais soit autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban».
Depuis son adoption en 2006, le Hezbollah a lentement, progressivement et de manière insidieuse violé tous les termes de cette résolution en rétablissant de facto sa présence milicienne dans la zone Finul (sans compter le reste du pays), dissimulant armes, munitions et équipements militaires divers. Cela est apparu au grand jour lorsqu’il a rouvert le 8 octobre le front du Sud, quelques heures seulement après l’attaque du Hamas contre Israël. Très rapidement, la zone Finul a été le théâtre de l’émergence au grand jour des miliciens du Hezbollah, et de leur allié fondamentaliste palestinien, tout au long de la frontière et dans les villages voisins, preuve que l’infrastructure paramilitaire illégale était bel et bien en place, en violation des dispositions de la 1701, que le parti pro-iranien cherche d’ailleurs depuis longtemps à torpiller.
Lorsque le président français remet sur le tapis l’application des termes de la résolution du Conseil de Sécurité, cela devrait impliquer, en priorité, que le Hezbollah doit mettre fin aux violations à grande échelle (anciennes et nouvelles) qui ont embrasé depuis le 8 octobre l’ensemble du Liban-Sud. Côté israélien, les cas du village de Ghajar et du point sécuritaire à Naqoura restent à régler, la situation des fermes de Chebaa relevant plutôt d’un contentieux avec la Syrie.
En soulignant la nécessité d’une application de la 1701 «des deux côtés», le président Macron veut-il insinuer simplement le règlement de ces quelques points litigieux avec Israël, ou évoque-t-il plutôt une application des deux côtés de la frontière libano-israélienne? Fait-il allusion au projet rapporté récemment par certains médias locaux, faisant état d’une proposition de déploiement de forces américaines du côté israélien de la frontière, parallèlement à la mise en place de points de contrôle tenus par des unités françaises et l’armée libanaise, en présence, le cas échéant, «d’observateurs» du Hezbollah? Cela impliquerait impérativement un amendement de la 1701 du fait que les dispositions de la résolution onusienne ne concernent que le territoire libanais et nullement le côté israélien de la frontière.
Qui dit amendement dit une nouvelle et dure bataille diplomatique et un marchandage politique local qui constitueraient une large diversion détournant l’attention, pendant longtemps, du fait accompli paramilitaire illégal imposé à nouveau par le Hezbollah au Liban-Sud. Avec comme finalité, l’objectif recherché par la formation pro-iranienne: banaliser son déploiement milicien massif en zone Finul. Dans l’attente que se décante le bras de fer régional provoqué par l’attaque du 7 octobre…
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