Deux priorités pour l’Occident: la présidentielle et une dissociation des dossiers Liban-Gaza

À l’opposé de l’axe de la Moumanaa qui, par la voie du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a lié le destin du Liban à celui de l’évolution de la guerre à Gaza – ce que le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a étrangement cautionné – les émissaires arabes et étrangers qui se succèdent à Beyrouth s’efforcent de dissocier le dossier libanais de celui de Gaza et, surtout, de ne pas lier l’échéance présidentielle aux développements dans la région, en attendant un règlement global.
Cependant, celui-ci ne semble pas appelé à voir le jour de sitôt, même si les efforts internationaux et régionaux pour y aboutir se sont intensifiés et comptent déjà quelques résultats positifs. De nombreux obstacles persistent, dont notamment l’opposition farouche de Tel Aviv à une solution fondée sur le principe des deux États, réaffirmée d’ailleurs dimanche par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.
Côté libanais, les regards sont aujourd’hui braqués sur une initiative franco-américaine pour un déblocage de la présidentielle. Selon des informations confiées par un responsable européen à un homme politique libanais, «cette initiative a émergé dans le cadre de la coordination et de la coopération au sein du Quintette (États-Unis, France, Arabie saoudite, Qatar et l’Égypte) pour résoudre la crise libanaise et obtenir l’élection d’un président, afin que les institutions libanaises se remettent à fonctionner normalement». Mais pour que cela puisse se réaliser, il est indispensable de dissocier la situation explosive au Liban-sud, où les échanges d’artillerie entre le Hezbollah et l’armée israélienne se poursuivent sans relâche depuis le 8 octobre, de la guerre à Gaza.
Selon les mêmes informations, Paris tente de tirer profit du consensus politique qui a permis de prolonger, pour une année supplémentaire, le mandat du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, pour pousser à l’élection d’un président.
À cet effet, l’émissaire américain, Amos Hochstein, avait tenu à Paris une série de réunions avec les responsables français en charge du dossier libanais, avant sa mission à Beyrouth, le 11 janvier. Les discussions avaient porté sur les contours d’une initiative commune pour l’élaboration d’une feuille de route s’articulant autour de l'échéance présidentielle, la formation d’un nouveau gouvernement et le lancement d’un chantier de réformes, lesquelles se font attendre depuis plus de deux ans. Cette initiative est supposée être examinée par les Cinq, lors de leur prochaine réunion à Paris ou à Riyad.
C’est dans cette même perspective qu’il faut d’ailleurs situer les réunions que l'ambassadeur saoudien au Liban, Walid al-Boukhari, a tenues avec les représentants diplomatiques des Cinq à Beyrouth. Leur objectif est de s’entendre sur un processus de règlement au Liban. Ces discussions faisaient écho à d’autres, engagées à Doha, dans le même but.
Autant de concertations qui soutiennent la mission de Hochstein et qui précèdent celle de l’émissaire français, Jean-Yves le Drian, attendu à Beyrouth, normalement après la réunion des Cinq, dont la date n’a pas été encore fixée.

Les discussions de l’émissaire américain dans la capitale libanaise avaient été entourées du plus grand secret. Amos Hochstein s’était entretenu avec le président du Parlement, Nabih Berry, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, le commandant de l'armée, le général Joseph Aoun, et le directeur général de la Sûreté générale par intérim, le général Elias Baissari.
Malgré la discrétion de Hochstein, certains points de l’initiative dont il était porteur ont été divulgués. D’après les informations obtenues à ce sujet, il s’agit pour l’heure de «mettre fin à l’escalade au Liban-Sud simultanément avec la réduction des opérations israéliennes à Gaza en prévision d’un cessez-le-feu». Un retour au calme à la frontière sud devrait aussi être associé de mesures pour appliquer la résolution 1701 du Conseil de sécurité, même progressivement, et établir une zone tampon de 7 km en profondeur. Une zone totalement démilitarisée et dont la sécurité serait assurée par l’armée libanaise et la Finul.
Simultanément, des négociations devraient être lancées autour des points litigieux à la frontière libano-israélienne, à partir du point dit B1 à Naqoura, où des forces internationales pourraient être déployées en attendant que le conflit autour de l’appartenance des fermes de Chebaa soit réglé.
Amos Hochstein, a-t-on appris, préfère pour le moment se concentrer sur l’application de la 1701 plutôt que sur celle de la résolution 242 sous laquelle tombe le litige autour de l’appartenance des hameaux de Chebaa, occupés par Israël qui considère qu’ils se situent dans le Golan syrien. En revanche, Nabih Berry et Najib Mikati insistent sur la nécessité de ne pas repousser la question de Chebaa. Ils souhaitent que tout le dossier de la frontière avec Israël soit réglé, de peur qu’avec l’État hébreu, le provisoire ne dure.
Le tandem Amal-Hezbollah et l’Iran ne semblent pas avoir rejeté la proposition américaine, mais chercheraient à en améliorer les conditions. C’est ce qui a filtré du dernier discours de Hassan Nasrallah qui a, encore une fois, attribué à son parti le mérite de la libération des secteurs qu’Israël occupait au Liban-Sud. Cette position est, suivant sa logique, de nature à renforcer sa position, sur le double plan local et international, en tant que facteur de stabilité, notamment dans la partie méridionale du pays, grâce à la délimitation de la frontière avec Israël.
Toujours selon la logique hezbollahie, la Finul et l’armée assumeraient la responsabilité de l’application de la 1701 dans un climat de stabilité attribué au «rôle de la résistance» qui cherche à consacrer celui-ci à travers la mise en place d’une «brigade des frontières» qui, bien entendu, ne fait pas l’unanimité au Liban.
Pour le tandem, ce rôle devrait également être consolidé au niveau politique. Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler qu’après la visite de Hochstein et la prolongation du mandat du général Joseph Aoun, l’opposition avait proposé à Nabih Berry de faire en sorte que le consensus, grâce auquel un vide à la tête de l’armée a pu être évité, s’étende à la présidence de la République. La réponse du président de la Chambre a été la suivante: «Sleiman Frangié est le seul candidat capable de gérer le dossier de l’après Gaza, et il ne poignarde pas la résistance dans le dos». Une position qui semble s’adresser davantage à l’étranger qu’à l’opposition libanaise, analyse-t-on dans certains milieux. Même dans les cercles proches du chef des Marada, on pense que les chances de ce dernier d’accéder à la présidence de la République, au cas où un début de solution serait trouvé à Gaza, sont en hausse, ce qui explique sa décision de dynamiser ses contacts au Liban et à l’étranger. Toutefois, de sources proches des Cinq, on relève qu’un candidat dit de défi ne peut pas accéder à la présidence de la République et que le choix porterait plus probablement sur un candidat consensuel.
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