2023, une année de fluctuations des performances, selon Bank Audi
Bank Audi a publié son rapport économique annuel sous le titre: «La remontée de la pente a-t-elle commencé, avec la possibilité d’un retournement économique?»

Le texte souligne que l’année 2023 affectée négativement, au cours du dernier trimestre par la guerre Hamas-Israël, se caractérise par l’absence de croissance, même si l’économie s’était améliorée avant le début du conflit.

Bank Audi considère que 2023 a été une année de «fluctuations des performances». Le premier trimestre a été marqué par une forte dépréciation de la monnaie nationale, puisque le taux de change de la livre par rapport au dollar a atteint un niveau sans précédent de 145.000 en mars, après avoir commencé l’année à 43.000. Cela s’est accompagné de répercussions négatives majeures sur les conditions économiques et sociales au Liban.

Le deuxième trimestre a enregistré une amélioration relative des conditions du secteur réel, compte tenu de la stabilité monétaire, le taux de change évoluant autour de 90.000 livres. Quant au troisième trimestre de l’année, il a été caractérisé par une relative reprise macro-économique grâce à la performance remarquablement positive du secteur du tourisme et à la lumière de la stabilité du taux de change.

Le quatrième trimestre de l’année a été marqué par la réouverture du front sud, au lendemain de l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, de sorte que la plupart des gains économiques réalisés par divers secteurs au cours de l’été se sont relativement dissipés à l’automne.

Il ressort du rapport que le secteur du tourisme, qui a été le moteur de la croissance au cours des neuf premiers mois de l’année, a subi un revers, depuis octobre, en raison des répercussions négatives de la guerre sur l’afflux de touristes et d’expatriés libanais au pays. Le nombre de visiteurs a diminué de 18% au dernier trimestre de 2023, par rapport à la même période de l’année précédente.

Les indicateurs du secteur réel ont été mitigés au cours de l’année 2023, reflétant la performance de l’économie en général. Parmi les indicateurs du secteur réel qui ont enregistré une croissance positive au cours de l’année 2023 sont évoqués: le nombre de touristes (+17,1%) au cours des onze premiers mois de l’année, le nombre de voyageurs transitant par l’aéroport de Beyrouth (+12,1%) sur toute l’année, les livraisons de ciment (+10,7%) au cours des six premiers mois de l’année et le volume des marchandises au port de Beyrouth (+6,5%) au cours des dix premiers mois de l’année.​​

Parmi les indicateurs qui ont enregistré une contraction au cours de l’année 2023, sont cités les chèques encaissés (-6,3%) au cours des onze premiers mois de l’année 2023, les permis de construire (-40,8%) sur toute l’année 2023, les exportations (24,0%) au cours des sept premiers mois de l’année, la production d’électricité (-13,9%) au cours des six premiers mois de l’année et les importations (-9,3%) au cours des sept premiers mois de l’année.

Concernant la situation monétaire, même si la livre libanaise est relativement stable depuis mars dernier, l’inflation est restée supérieure à 100%.  Le rapport indique que l’inflation a atteint 204% en décembre 2023 en glissement annuel, conduisant à une inflation cumulée d’environ 5.000% depuis le déclenchement de la crise en octobre 2019. Il relève que ce qui a été notable au cours des derniers mois, c’est l’émergence d’une inflation accumulée en dollars américains de 47% en 2023.

Pour ce qui est de la politique monétaire, la Banque du Liban (BDL) cherche à préserver le reste de ses réserves en devises, qui ont augmenté de 0,7 milliard de dollars depuis fin juillet.

Concernant le secteur financier, le gouvernement a approuvé le projet de budget pour l’année 2024 dans les délais constitutionnels et l’a transmis au Parlement pour approbation. Le budget a évalué les dépenses à environ 295,1 milliards de livres soit 3,3 milliards de dollars par rapport à des recettes s’élevant à 277,9 milliards de livres soit 3,1 milliards de dollars), avec un déficit financier estimé à environ 17,2 mille milliards de livres, soit 191 millions de dollars.


Quant au secteur bancaire, trois budgets distincts sont adoptés par les banques: un budget en livres, un budget en dollars locaux (lollars) et un budget en dollars frais. Le rapport met en lumière l’augmentation des dépôts en espèces, estimés à environ 3,5 milliards de dollars, contre 2 milliards de dollars il y a un an. Ainsi, le retour à la normale de l’activité bancaire et le renforcement des conditions opérationnelles nécessitent que les autorités adoptent un plan global de redressement qui permettra de réduire le déficit financier résultant des déséquilibres provoqués par l’État.

En ce qui concerne les marchés des capitaux libanais, la bourse a poursuivi sa tendance à la hausse. L’indice des prix a bondi de 41,2% en 2023, après une croissance de 37,2% en 2022, porté par la hausse des cours de l’action Solidere.

Le rapport note que la guerre entre Israël et le Hamas et les échanges de tirs à la frontière sud du Liban entre le Hezbollah et l’armée israélienne ont freiné la montée du secteur tertiaire (commerce et services) avec un ralentissement frappant, lorsqu’un certain nombre de pays ont déconseillé à leurs citoyens de se rendre au Liban, ce qui a entraîné une diminution du flux d’étrangers.​

Sur le plan extérieur, la balance des paiements a enregistré un excédent de 1,6 milliard de dollars au cours des onze premiers mois de l’année, contre un déficit de 3,2 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2022. Cet excédent enregistré dans la balance des paiements, malgré la diminution des avoirs extérieurs nets de la Banque du Liban de 0,9 milliard de dollars, est dû à une augmentation des avoirs extérieurs nets des banques de 2,6 milliards de dollars.

En ce qui concerne le commerce extérieur, les derniers chiffres disponibles (pour les sept premiers mois de l’année) montrent que les importations libanaises ont diminué de 9%, contre une baisse des exportations de 24% par rapport aux sept premiers mois de l’année 2022, ce qui a entraîné une contraction du déficit extérieur de 6% entre ces deux périodes.

La liquidité bancaire en devises à l’étranger a atteint 4,3 milliards de dollars, en plus des 0,8 milliard de dollars de liquidités en devises dans les trésors locaux.

Pour ce qui est des prévisions pour 2024, le rapport indique qu’elles s’articulent autour de trois scénarios:

Le scénario positif a une probabilité de réalisation de 25%, le scénario négatif d’environ 25% et le scénario intermédiaire de 50%.

Le scénario positif dépend de la fin de la guerre, de l’élection prochaine d’un président, de la formation d’un gouvernement efficace et efficient, du lancement des réformes, de la conclusion d’un accord final avec le Fonds monétaire international et de l’obtention d’une aide étrangère. Si toutes ces hypothèses se réalisent, Bank Audi estime que le taux de croissance réel dépassera 7%, que le taux d’inflation diminuera, que le taux de change se stabilisera, que les réserves de la Banque du Liban se renforceront et que la balance des paiements affichera un excédent de 5 milliards de dollars.

Quant au scénario négatif, il tourne autour d’un élargissement du conflit sur le territoire libanais, d’une prolongation du vide à la présidence de la République (et donc du maintien d’un gouvernement qui n’est pas doté des pleins pouvoirs), de l’absence de réformes économiques et de l’absence d’accord avec le FMI, ce qui mènera à un taux de croissance négatif du PIB d’environ -20%, une augmentation du taux d’inflation à 400%, une diminution des réserves de la Banque du Liban et un déficit de la balance des paiements s’élevant à pas moins de 5 milliards de dollars.

Il n’en demeure pas moins que le scénario intermédiaire suppose que le conflit dans le sud restera limité et qu’il n’y aura pas de percées politiques internes conduisant à des réformes économiques. Dans ce scénario intermédiaire, le taux de croissance pourrait flirter avec zéro et le taux d’inflation pourrait s’approcher de la barre des 100%, avec une légère diminution des réserves de la Banque du Liban et une balance des paiements presque équilibrée.
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