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- Les relations tourmentées entre le Hamas et les Saoudiens
Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, qui n’a aucune affinité avec les dirigeants du Hamas, dont plusieurs sont emprisonnés en Arabie saoudite, a toujours maintenu des passerelles de dialogue avec ce mouvement armé palestinien dont il connaît l’emprise sur la population de Gaza.
Le royaume d’Arabie saoudite qui, traditionnellement, considère le mouvement des Frères musulmans comme une organisation terroriste, n’a guère d’indulgence pour le Hamas. Le prince héritier considère le mouvement armé palestinien comme faisant partie intégrante des Frères musulmans couvés par le Qatar, ce frère ennemi. De plus, les relations étroites entre le Hamas et l’Iran, notamment via l’aile militaire de Yahya al-Sinwar, chef du Hamas à Gaza, proche des Gardiens iraniens de la révolution, ne sont pas de nature à favoriser le moindre rapprochement.
«Les accords d’Abraham», une opportunité
En 2019, les relations entre l’Arabie saoudite et le Hamas ont atteint leur pire stade. L’arrestation du leader du mouvement et ancien représentant dans le royaume, Mohammad al-Khoudari, et de son fils, dans le cadre d’une campagne visant des dizaines de Palestiniens, dont certains possèdent la nationalité jordanienne, illustre cette hostilité grandissante.
Des peines de prison ont été prononcées à leur encontre. C’est ainsi qu’en août 2021, la Cour pénale saoudienne a condamné Al-Khoudari à 15 ans de prison pour «soutien à la résistance». D’autres jugements émis contre 69 Jordaniens et Palestiniens allaient de l’acquittement à 22 ans de prison.
À l’automne 2020, les accords d’Abraham, qui avaient pour objectif de remodeler totalement, sous l’ombrelle américaine, la carte du Moyen-Orient, sont conclus. Le principe de ces accords historiques de paix signés avec Israël par le Maroc, les Émirats arabes unis, le Soudan et Bahreïn, et qui devaient s’élargir à l’Arabie saoudite, était de favoriser la montée en puissance des relations commerciales entre les pays de la région avec l’espoir d’un développement économique fort et d’une stabilisation politique.
Si le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre n’avait pas eu lieu, Israël aurait été en paix avec ses voisins, l’Iran relativement marginalisé et le Moyen Orient en voie d’apaisement.
Est-ce un hasard? Dans le cadre du climat optimiste marqué par la signature des accords d’Abraham, la Cour d’appel saoudienne a réduit à trois ans, un an plus tard, en décembre 2021, la peine d’emprisonnement d’Al-Khoudari. En octobre 2022, le Hamas a annoncé que l’Arabie saoudite avait libéré Al-Khoudari et son fils. Ce dernier devait plus tard se rendre en Turquie.
MBS à la manœuvre
Nouvelle étape du remodelage du Moyen-Orient au printemps 2023, le rapprochement de l’Arabie saoudite avec l’Iran, orchestré par Pékin, en a surpris plus d’un. Il voit la diplomatie saoudienne opérer un tournant spectaculaire. Le prince héritier prend langue avec les alliés de Pékin au Liban comme en Palestine.
Le puissant ambassadeur saoudien à Beyrouth rencontre des représentants du Hezbollah, proche de Téhéran. Le message est clair: le royaume ne soutiendra aucun candidat pour la présidentielle libanaise en cours, les contributions financières traditionnellement dispensées lors des élections libanaises ne le seront plus. MBS souhaite devenir le parrain de la région tout entière et non un simple recours pour une communauté sunnite libanaise dont l’ex-chef, Saad Hariri, l’aura totalement déçu.
Autre surprise en avril 2023: les hauts responsables saoudiens organisent une rencontre avec les dirigeants du Hamas. Aucune rencontre de ce type n’avait eu lieu depuis 2007. Le rétablissement de passerelles entre le Hamas soutenu par l’Iran et le royaume saoudien isolait le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, dans sa négation du problème palestinien. Dans le cadre de ces pourparlers, les responsables du Hamas espéraient obtenir la libération de dizaines de prisonniers palestiniens détenus en Arabie saoudite.
«Nous recherchons des relations avec toutes les forces de la région et du monde et nous n’avons d’inimitié envers personne, à l’exception de l’ennemi sioniste», a écrit sur son compte X, Moussa Abou Marzouk, le responsable du Hamas, réfugié à Doha et qui participera à la réunion.
Depuis le massacre du 7 octobre, le même Abou Marzouk devait déclarer qu’aucun des membres non militaires du groupe terroriste n’avait eu connaissance des détails ni du timing de l’attaque sanglante contre Israël.
Normalisation saoudo-israélienne
Dès la fin du mois de septembre 2023, le président américain Joe Biden et MBS sont convenus de «reprendre» les négociations menées sous les auspices des États-Unis pour normaliser les relations entre Israël et l’Arabie saoudite, avant le déclenchement de la guerre de Gaza, a déclaré la Maison-Blanche après un entretien téléphonique des deux dirigeants, mardi.
Selon un communiqué de la Maison-Blanche, Biden et ben Salmane «ont affirmé l’importance d’œuvrer pour une paix durable entre Israéliens et Palestiniens dès que la crise se sera apaisée, en s’appuyant sur le travail fait entre l’Arabie saoudite et les États-Unis ces derniers mois».
Les responsables de l’administration Biden ont reconnu que l’effort de normalisation n’était plus la priorité du moment pour les États-Unis et Israël, absorbés par la riposte à l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier. La Maison-Blanche a malgré tout tenu à dire qu’elle était toujours mobilisée sur la question, suggérant que le désir de saboter ces négociations était peut-être l’une des raisons du massacre perpétré par le Hamas.
Un champ de mines
Dans la foulée, MBS a réuni, en novembre dernier, un grand sommet arabe. Le dirigeant saoudien tente d’esquisser les contours d’«un après Gaza» dégagé de la tutelle occidentale, tout en cherchant des compromis sur la question palestinienne avec le gouvernement israélien.
Entre les pressions des Émiratis et les oukases des Algériens, MBS tente de naviguer pour rester l’homme clé de la recomposition politique de la région.
Reste qu’avec l’escalade de la guerre à Gaza, des militants palestiniens ont lancé un hashtag, «Détenus du Hamas en Arabie saoudite», pour exiger leur libération. Pour l’instant, le royaume saoudien, sans leur donner satisfaction, aide massivement sur le plan humanitaire les Palestiniens de Gaza dont on sait qu’ils font encore, pour beaucoup, confiance au Hamas.
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