Dans le paysage artistique parisien, le peintre Étienne Dinet brille de mille feux, un siècle après sa dernière exposition majeure. Cet artiste français (1861-1929), dont l'œuvre prolifique se retrouve tant dans des collections muséales internationales qu'aux mains de collectionneurs privés, a traversé une longue période d'oubli. L’exposition Étienne Dinet, passions algériennes aura lieu à l’IMA du 30 janvier au 9 juin 2024.
Mario Choueiry, commissaire de l’exposition Étienne Dinet, passions algériennes à l’Institut du monde arabe, soulève la question de son effacement partiel de la mémoire collective: «Il y a un peu des deux».
Étienne Dinet, issu d’une famille de haute bourgeoisie et rebaptisé Nasreddine («victoire de la religion» en arabe), lors de sa conversion à l’islam en 1913, découvre l’Algérie en 1884. Cet éveil à une nouvelle culture se matérialise par son installation permanente dans ce pays en 1904. Sa passion pour le désert, ses couleurs et ses habitants se reflète dans ses peintures, d’un réalisme saisissant, qui semblent figer un monde en mutation. Ysabel Saiah Baudis, éditrice, révèle dans ses propos à l’AFP qu’Étienne Dinet cherchait à «figer un monde qu’il craignait de voir disparaître». Sa représentation minutieuse de la réalité, notamment dans les parures et tenues des femmes qu’il peignait, est un témoignage de sa quête de vérité artistique.
Cependant, l’orientalisme, en tant que mouvement artistique, a été progressivement relégué au second plan, jugé désuet, notamment dans les années 1950. Associé au colonialisme, il a été combattu idéologiquement, comme l’analyse Benjamin Stora, historien. Les artistes orientalistes, tels qu’Étienne Dinet, ont été critiqués pour leur prétendue déformation du regard sur l’Orient, notamment à travers la représentation du nu féminin.
Pourtant, Dinet se distingue par sa démarche immersive et sincère dans la culture arabe. Ysabel Saiah Baudis défend son approche: «C’est quelqu’un qui s’est immergé avec sincérité dans la culture arabe, en a épousé les codes, a appris la langue.» À l’inverse d’autres orientalistes comme Jean-Auguste-Dominique Ingres, qui n’a jamais visité l’Orient malgré ses œuvres abondantes sur le sujet, Étienne Dinet a vécu et respiré la culture qu’il représentait. En outre, le peintre n’a pas seulement capturé la vie quotidienne des Algériens colonisés; il a également porté leurs voix auprès des autorités françaises, critiquant la colonisation et luttant pour le respect des soldats musulmans morts pour la France. Ces efforts ont culminé avec la commande par le ministère des Armées d’une biographie en français du prophète Mahomet. Comme l’explique bien Mario Choueiry, «il est une figure de la réconciliation des mémoires», incarnant un pont entre deux mondes souvent mal compris et faussement représentés.
Avec AFP
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