Le souffle des revendications s’est emparé une fois de plus du secteur public libanais qui est de nouveau en grève totale à partir d’aujourd’hui, mardi 30 janvier, et ce jusqu’au 9 février. Les fonctionnaires dénoncent un gouvernement qui ne respecte ni ses promesses ni ses engagements.
L’administration publique libanaise est en grève à partir d’aujourd’hui, mardi 30 janvier, et ce jusqu’au 9 février. Ce mouvement a été suivi, au premier jour, sur l’ensemble du territoire libanais. Les fonctionnaires dénoncent un gouvernement "qui ne respecte ni ses promesses ni ses engagements", alors que le budget pour l’exercice 2024 voté par le Parlement, vendredi dernier, ne prévoit pas d’augmentations salariales pour les fonctionnaires, mais des "bonus" qui seront ponctionnés des réserves du Trésor.
Ces "bonus de productivité" présentés comme une alternative aux salaires, sont rejetés catégoriquement par les fonctionnaires, surtout que pour eux, "les conditions posées sont arbitraires, illégales et inconstitutionnelles, et violent tous les principes et accords internationaux qui protègent les droits de l’Homme et les droits des travailleurs".
Dans un communiqué, la Ligue des fonctionnaires s’en est prise au gouvernement qui, selon elles, "continue d’ignorer les droits de toutes les personnes à faible revenu du secteur public et dont la situation n’a de cesse de se détériorer". Elle a estimé que le gouvernement veut "achever l’administration publique et ses employés", et a dénoncé les tentatives visant à priver les fonctionnaires de leurs droits élémentaires.
Ces derniers exigent la restitution de "leurs droits", affirmant qu’"il ne leur est plus possible d’accepter tout ce qui est inférieur à la valeur réelle des salaires". "Il n’est plus possible d’être rémunéré selon un taux de change de 1.500 livres et de payer les services de l’État et ses redevances exorbitantes au taux de 89.500 livres". La Ligue réclame un salaire minimum mensuel d’au moins 600 dollars, indiquant que les fonctionnaires n’ont pas bénéficié des augmentations auxquelles ont eu droit les autres employés.
Dans son communiqué, la Ligue a aussi dénoncé "la campagne de recrutement illégale dans de nombreux ministères et agences étatiques, et le gaspillage de sommes au profit de ces bénéficiaires et d’autres prête-noms, au lieu de restaurer les droits des fonctionnaires, toutes catégories confondues, et de leur permettre d’exercer leurs fonctions".
Douze millions de dollars par jour
Ghassan Hasbani, député des Forces libanaises et membre de la Commission parlementaire des Finances et du Budget, note dans un entretien accordé à Ici Beyrouth que les fonctionnaires paient cher le prix de l’effondrement économique et financier. "Leurs salaires ont été ajustés en 2019, juste avant la crise d’octobre 2019, et ils ont vite perdu la valeur de leurs nouveaux revenus. Ils attendent un nouvel ajustement alors que le gouvernement n’a pas été en mesure de générer suffisamment de bénéfices pour le couvrir", reconnaît-il.
Néanmoins, pour lui, il est impératif que le gouvernement mène en priorité des réformes dans le secteur public pour pouvoir générer plus de recettes afin de pouvoir payer les salaires et d’améliorer l'efficacité des fonctionnaires. Avant d’ajouter que le grand problème est "le nombre élevé de retraités ainsi que celui des effectifs dans le secteur de l'éducation publique, lequel doit subir une réforme significative pour réduire l'excédent" de fonctionnaires. "Les autres départements ont également besoin de réformes", assure-t-il. Pour lui, "cela devrait commencer par l’amélioration de la gestion des biens publics générateurs de revenus, loin de toute ingérence politique". "Dans ce cas, de nombreux employés du secteur public seraient traités de la même manière que ceux du secteur privé", commente-t-il.
Il considère que cette grève ne sert qu'à accélérer les solutions temporaires, à travers la ponction dans les réserves, "ce qui coûtera à l'économie libanaise des pertes supplémentaires, avec des retards dans les transactions, ainsi que des perturbations économiques majeures si les salariés du secteur des télécommunications participent à un moment donné à la grève".
Quid du coût de cette grève? M. Hasbani assure qu’il est difficile d’estimer le coût direct d’une grève totale, "mais chaque jour de grève générale pourrait coûter à l’économie une croissance indispensable d’environ 12 millions de dollars par jour".
Mais voilà deux ans que le secteur public est pratiquement à l’arrêt. ce qui signifie un manque à gagner d’environ 8 mille millions de dollars. Une somme qui aurait sans doute permis de financer des augmentations et, surtout, des réformes!
Corruption endémique du public
Il faut dire aussi que dans les administrations publiques, la corruption règne en maîtresse absolue. Des centaines de fonctionnaires sont rémunérés sans fournir du travail ou encaissent des salaires astronomiques dignes de grands chefs d’entreprises. En outre, la détérioration des conditions de vie et la chute du pouvoir d’achat ont favorisé la petite corruption. D’ailleurs le Liban a été classé aujourd’hui, 30 janvier 149e (sur 180) sur l’échelle de la corruption établie par l’ONG Transparency International.
Est-il normal que beaucoup de chefs d’entreprises ou d’industriels ne soient pas inquiets des nouvelles taxes incluses dans le budget pour l’exercice 2024 parce qu’ils savent que soudoyer un fonctionnaire leur permettra d’effacer l’impôt dû et leur coûtera moins cher que les taxes faramineuses à l’État?
Le plus étrange est que plus la corruption augmente, plus le contrôle se fait rare et moins de sanctions sont appliquées.
Les gouvernements libanais successifs ont bien reconnu la nécessité de mettre en place des politiques de lutte contre la corruption en ratifiant la Convention des Nations unies contre la corruption et en acceptant les priorités fixées par le Cadre de réforme, de redressement et de reconstruction (3RF). Mais jusqu’à aujourd’hui, aucune réforme n’a été entreprise.
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