Dette publique: l'Argentine annonce un accord salvateur avec le FMI

L'Argentine a annoncé vendredi un accord sur sa dette avec le FMI, une planche de salut, encore à affiner, pour la 3e économie d'Amérique latine, qui faisait face à des échéances "impayables" de remboursement sur trois ans, dont plus de 19 milliards de dollars dès 2022.




"Je veux vous annoncer que le gouvernement de l'Argentine est parvenu à un accord avec le Fonds monétaire international", a déclaré dans une brève allocution le président Alberto Fernandez (centre gauche).

"Nous avions une dette impayable qui nous laissait sans présent ni avenir, nous avons maintenant un accord raisonnable qui va nous permettre de croître et de respecter nos obligations grâce à notre croissance", a-t-il ajouté. L'Argentine a retrouvé en 2021 la croissance (+10,3% sur onze mois) après trois ans de récession.

Le gouvernement dialogue depuis son arrivée au pouvoir fin 2019 avec le FMI, intensément ces dernières semaines, pour renégocier une dette de 44 milliards de dollars contractée en 2018 par le précédent gouvernement de Mauricio Macri (centre droit).

Faute d'accord avec l'institution de Washington, l'Argentine aurait été confrontée à des remboursements, entre capital et intérêts, de plus de 19 milliards de dollars en 2022, autant en 2023, et environ 4 milliards en 2024

Dans cet accord sur des "facilités élargies de paiement", beaucoup reste à faire : équipes d'Argentine et du FMI devront "encore travailler sur les protocoles d'accord et cela prendra quelques semaines", a souligné le ministre de l'Économie Martin Guzman . En particulier le calendrier des échéances futures, qui s'étaleront sur 10 ans, et "sera défini par les mémorandums" à venir.

Le FMI a salué "un accord de principe", un "accord sur des politiques-clefs", en vue, selon sa directrice générale Kristalina Georgieva "d'un programme soutenu par le FMI, pour relever les défis actuels tels que l'inflation et assurer une croissance plus inclusive et durable pour le peuple argentin".

Mais le Fonds souligne aussi que les travaux vont se poursuivre "dans les semaines à venir", et que l'accord final devra être soumis à l'approbation de son Conseil d'administration.

Un point-clef, sur lequel les négociations achoppaient, est le déficit public, vice chronique de l'Argentine. L'accord, selon M. Guzman, prévoit une réduction progressive, de 3% du PIB en 2021 à 2,5% en 2022, puis 1,9% en 2023, 0,9% en 2024. Le communiqué du FMI ne fait pas mention d'objectifs chiffrés

Cette voie permet une politique budgétaire "qui n'empêche pas la reprise", une évolution des dépenses publiques "sans qu'il y ait ajustement" structurel, a souligné M. Guzman. "C'est le meilleur accord auquel on pouvait parvenir", a estimé le ministre de 39 ans, disciple du Nobel Joseph Stiglitz, et qui tout au long des négociations a réclamé "du temps" afin d'honorer les remboursements.


Sur l'inflation, autre mal endémique, les deux parties sont convenues "du cadre d'une politique monétaire, comme élément d'une approche à plusieurs volets", selon les termes du FMI.

"Les négociations ont été vraiment difficiles", a souligné celui qui a été en première ligne des pourparlers, évoquant "un travail politique et technique très fort" et un accord "intervenu à l'aube" vendredi.

M. Guzman a par ailleurs écarté un changement du strict régime de contrôle des changes en vigueur depuis 2019.

En Argentine, l'accord a encore du chemin : il doit être intégré à un "programme pluri-annuel de gouvernement", qui doit être approuvé au Parlement, où la coalition au pouvoir est minoritaire, bien que groupe le plus important.

Reste aussi la question de l'acceptation sociale en Argentine des ajustements qui feront partie de la réduction des dépenses publiques. En particulier la "stratégie de réduction progressive des subventions dans le secteur de l'énergie", jugée "essentielle" par le FMI.

Dans la rue, l'accord était salué, mais avec une touche de scepticisme. La réduction du déficit "ne sera pas atteinte, comme ça a toujours été le cas", déclarait à l'AFP Juan Mazzetti, comptable de 27 ans. Mais "il fallait le sortir (cet accord) parce que ça devenait compliqué avec de gros paiements à venir. Ca soulage beaucoup les finances du pays".

"L'Argentine a réalisé avec le FMI la même chose qu'en 2020 avec les créanciers privés: repousser le ballon un peu plus loin devant", analysait l'économiste Sebastian Maril. "On peut se réjouir aujourd'hui, mais nos problèmes seront d'atteindre les objectifs, et de voir comment on peut payer toutes ces dettes que nous repoussons".

L'annonce intervient le jour où l'Argentine devait honorer sa première échéance 2022 de remboursement de 700 millions de dollars. Paiement en cours vendredi, a confirmé le ministre.

Le peso, qui avait plongé ces derniers jours à des niveaux record sur fond d'incertitude, a repris un coup de fouet : il s'échangeait vendredi à 212 pour 1 dollar au marché parallèle, contre plus de 222 jeudi (110 au taux officiel).

AFP

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