Un manifestant a été tué dimanche lors de nouveaux défilés à Khartoum et dans plusieurs villes du Soudan pour dénoncer le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane et réclamer justice et démocratie.
Et ce, malgré la répression qui, depuis le putsch, a fait 79 morts dans les rangs des manifestants, selon un syndicat de médecins pro-démocratie. Le dernier d'entre eux est un homme de 27 ans touché à la poitrine dimanche à Khartoum, rapporte ce syndicat affirmant ne pas pouvoir préciser dans l'immédiat la nature de la blessure.
Il peut s'agir d'une balle, comme cela a souvent été le cas par le passé ou d'une grenade lacrymogène l'ayant frappé de plein fouet, comme cela a été le cas pour plusieurs blessés aux abords du palais présidentiel, aussitôt transportés par des camarades, comme l'a constaté un journaliste de l'AFP sur place.
Les grenades lacrymogènes ont aussi plu dans les banlieues de Khartoum ainsi qu'à Gedaref, dans l'est du pays, les manifestations ayant gagné, comme à chaque fois, de nombreuses villes.
"Oeil pour oeil", a ainsi crié dimanche la foule à Khartoum avant de quitter les abords du palais présidentiel en fin d'après-midi, et "les militaires à la caserne", ont lancé les manifestants à Kessala et Wad Madani (est), au Darfour (ouest), à Kosti (sud) ou encore à Dongola et Atbara (nord).
Comme à la veille de toute mobilisation contre le pouvoir militaire, les autorités ont de nouveau raflé 45 militants ces trois derniers jours selon les comités de résistance locaux.
Alors que Washington a prévenu que poursuivre la répression pourrait "avoir des conséquences", les autorités ont annoncé avoir "confisqué les armes" de soldats filmés tirant à la kalashnikov sur des manifestants, mais disent avoir encore besoin de témoignages des manifestants.
Quand la police avait annoncé mi-janvier qu'un de ses généraux avait été poignardé par des manifestants, un homme présenté comme l'auteur des coups mortels avait été arrêté en quelques heures.
Face aux critiques, les autorités disent enquêter aussi sur un autre dossier: les "ambassades qui ne respectent pas les usages diplomatiques", rapporte l'agence de presse officielle.
Une nouvelle fois malgré tout, l'ONU a rappelé que "restreindre la liberté d'expression et de rassemblement mènera à plus de tensions".
"Nous appelons les autorités à laisser les manifestations se dérouler sans violence", plaide encore sa mission à Khartoum.
Toujours privé d'aide internationale en rétorsion au putsch, le pays, l'un des plus pauvres au monde, est de plus en plus divisé.
Comme juste avant le coup d'Etat, des cortèges concurrents défilent désormais à Khartoum.
Mercredi, les pro-armée avaient conspué par milliers l'ONU et son initiative de dialogue devant son QG. L'émissaire des Nations unies au Soudan, Volker Perthes, a dénoncé des "amis du NCP", le Parti du Congrès national du dictateur déchu Omar el-Béchir.
S'ils sont rivaux, les deux camps s'accordent sur un point: le rejet du dialogue.
Les pro-armée veulent entériner le statu quo post-putsch alors que les pro-démocratie refusent désormais tout partenariat avec les généraux.
En 2019, après trente années de dictature militaro-islamiste du général Omar el-Béchir, les civils avaient choisi de partager le pouvoir avec l'armée, quasiment toujours aux commandes au Soudan depuis son indépendance il y a 66 ans.
Mais aujourd'hui, crie la rue, "pas de partenariat, pas de négociation" possibles avec les généraux qui n'en finissent plus de purger les institutions créées en 2019 pour débarrasser le pays des réseaux du NCP.
"Nous ne partirons pas des rues avant la chute du régime des putschistes, l'avènement d'un Etat démocratique et le procès des criminels qui s'en sont pris au peuple", promettent les Forces de la liberté et du changement (FLC), principal bloc pro-civils du pays.
En dépit des appels à se débarrasser du pouvoir militaire, son numéro deux, le chef des très redoutées forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), le général Mohammed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", a multiplié les apparitions publiques à l'intérieur du pays comme à l'étranger ces derniers jours.
Il est allé en Ethiopie voisine et ne cesse de rencontrer chefs tribaux et représentants des conseils locaux, dignitaires puissants sous Béchir mis à l'écart par la génération de la "révolution" de 2019.
AFP
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