Les intérêts présidentiels de Biden dans les guerres au Liban et à Gaza
Lorsque le groupe des Cinq n’était encore qu’un trio, composé des États-Unis, de la France et de l’Arabie saoudite, ses membres ne trouvaient pas de consensus sur l’élection, avec des bras de fer entre la France et l’Arabie saoudite. Avec l’adhésion de l’Égypte et du Qatar, les désaccords ont persisté malgré un accord sur les caractéristiques du président. Les divergences se sont accrues lorsque les Cinq se sont tournés vers le président de la Chambre, Nabih Berry, pour négocier la date ou les propositions. Cette réalité a conduit un ancien ministre à critiquer le manque de méthodologie de travail du groupe. La question est désormais de savoir si cette dynamique changera lors de leur prochaine réunion prévue à Riyad.
Les divergences entre les membres des Cinq sont apparues avant, pendant et après leur visite à Aïn el-Tiné. Certains membres ont, en effet, critiqué le fait que l’ambassadeur d’Arabie saoudite et le chef du Législatif soient convenus d’un rendez-vous sans consultations ni réunions préalables pour élaborer un plan d’action. La réunion a donc été reportée et a eu lieu plus tard. En raison de ces désaccords, le groupe n’a pas pu honorer ses engagements envers le Premier ministre sortant et les dirigeants, comme l’ont indiqué des sources internes, affirmant attendre la réunion de Riyad pour élaborer une feuille de route après la trêve à Gaza, avant la visite de l’émissaire français Jean-Yves Le Drian au Liban.
Lors d’une réunion d’ambassadeurs avec Nabih Berry, ces derniers ont été interrogés sur l’existence d’un consensus autour d’un candidat présidentiel. La réponse fut négative. Un membre a expliqué qu’ils n’avaient pas de noms, mais plutôt des caractéristiques pour le président.
M. Berry a répondu en affirmant qu’ils avaient Sleiman Frangié pour candidat et qu’il faudrait parvenir à un consensus entre les autres membres, après quoi il convoquerait une séance électorale.
Cette déclaration de M. Berry n’a pas été bien accueillie par l’opposition, qui a réagi en lui demandant d’appliquer la Constitution, qui prévoit la tenue de séances et de sessions successives pour l’élection d’un président, sans mentionner le dialogue ou le consensus. «Tout président élu par consensus restera prisonnier dudit consensus», déclare l’opposition. La position du chef du Parlement auprès des ambassadeurs des Cinq reflète la position du Hezbollah selon laquelle l’élection du président n’est plus une priorité comme elle l’était avant le 7 octobre, en raison de la nécessité pour l’Iran de préserver cet atout dans ses négociations avec Washington.
Selon certaines sources, les parties prenantes, à l’exception de quelques-unes, ne veulent pas d’un président. Chacun de ces acteurs a ses propres justifications. En effet, l’élection d’un président, la formation d’un gouvernement, la régularisation de la vie politique, la revitalisation des institutions, la mise en œuvre des réformes et la résolution des crises financières et économiques pourraient mettre fin aux rôles de certains et anéantir les ambitions d’autres, tout en mettant fin à l’influence et aux actions d’autres forces sur la scène avec le retour de la stabilité au Liban.
Notons, par ailleurs, que les milieux occidentaux se préoccupent de l’absence chrétienne tant au niveau national qu’international, en raison de la vacance présidentielle, tandis que d’autres communautés participent aux contacts directement ou via des gouvernements régionaux, affirmant leur rôle et leur présence dans les pourparlers en l’absence du seul président chrétien de la région.
Dans ce contexte, les visiteurs du Vatican ne cachent pas leur mécontentement face à cette absence et le conflit persistant entre les forces chrétiennes a même empêché Bkerké de les réunir pour unifier leur position, ce qui a suscité l’inquiétude du Saint-Siège, comme en témoigne l’absence de visites du nonce apostolique à Bkerké et aux sièges des forces chrétiennes. En revanche, certaines forces politiques locales exercent une influence et un rôle actif dans les développements régionaux et défendent des agendas régionaux non libanais.
Selon certains cercles diplomatiques, le Liban semble être exclu du processus de règlement, comme en témoigne l’absence de visite de ministres des Affaires étrangères arabes depuis le 7 octobre, tandis que leurs homologues occidentaux multiplient les visites pour aider à résoudre la crise et la dissocier des crises régionales. Ils œuvrent, par ailleurs, à empêcher l’extension de la guerre au Liban-Sud.

Il n’en demeure pas moins que ces efforts ont échoué en raison du refus du Hezbollah de respecter le cessez-le-feu, d’appliquer la résolution 1701 et de garantir la sécurité des colonies malgré les offres de solution présentées, notamment par les Britanniques, les Français, les Américains et même les Qataris, avant un arrêt définitif des hostilités à Gaza.
Dans l’ensemble, ces propositions se sont heurtées à la position du Hezbollah, qui préfère que le dossier présidentiel reste entre les mains de l’Iran à ce stade, maintenant que la crise libanaise est de facto ouverte.
Cependant, des sources bien informées affirment que l’émissaire américain Amos Hochstein n’a pas visité le Liban après Israël. Cela pourrait s’expliquer par le fait que l’un de ses amis libanais lui ait signalé le refus du Hezbollah de discuter de la délimitation terrestre et d’appliquer la résolution 1701 avant un arrêt définitif des hostilités à Gaza.
Dans ce contexte, notons également que le Liban a demandé aux médiateurs, en particulier Hochstein, de convaincre les Israéliens d’appliquer l’accord de cessez-le-feu de 1948 qui garantit la sécurité des colons. Israël a exprimé son refus et informé la délégation des responsables français de ses conditions, notamment la nécessité d’un cessez-le-feu au sud et le retrait des combattants du Hezbollah et de ses armes du sud du Litani, sinon il optera pour l’option militaire qui sera dévastatrice.
Malgré ces données, d’aucuns continuent de croire en l’élection d’un président avant le printemps. En effet, après qu’un cessez-le-feu soit établi à Gaza, les Cinq se mobiliseront sur la base du «jour d’après», c’est-à-dire la nouvelle étape, que ce soit à travers Madrid 2 ou une conférence de paix pour une solution globale avant l’été, car le président Joe Biden a besoin d’une victoire pour sauver sa bataille présidentielle.
Partant, les Cinq insistent sur la nécessité pour le Liban d’avoir un président et un gouvernement légitimes pour encadrer les développements et le règlement. Ils cherchent, par ailleurs, à assurer un cessez-le-feu au sud en même temps qu’à Gaza, conformément à «l’accord-cadre».
C’est à ce moment-là que commencera l’effort pour le projet politique d’une solution globale dans la région; et au Liban, la résolution 1701 sera mise en œuvre avec la garantie des Cinq, qui chercheront la troisième option présidentielle, à savoir un président souverain, neutre, honnête et capable, pour entamer la mise en œuvre du plan qui consiste à n’avoir «aucune arme illégitime et de garder les armes entre les mains des autorités légitimes».
Selon des sources diplomatiques, le dossier régional est devenu un élément essentiel dans les élections américaines. En effet, le président Joe Biden ne peut remporter sa bataille que s’il enregistre une victoire. Pour l’instant, ses seules options sont les dossiers du Moyen-Orient en trouvant des solutions aux crises avant la fin de juin prochain, afin de les utiliser dans sa bataille pour obtenir d’Israël au moins la reconnaissance de la solution à deux États. À ce moment-là, le Liban pourrait bénéficier de l’élection d’un président. Biden le fera-t-il? Les motivations sont très fortes. Dans le cas contraire, sa bataille sera difficile face à son adversaire, Donald Trump.
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