La justice administrative s’est prononcée mardi sur le contentieux qui lie l’Association des banques du Liban (ABL) à l’État. Le Conseil d'État a invalidé la suppression des réserves des banques auprès de la Banque du Liban (BDL) qui était envisagée par le gouvernement. Un coup de théâtre, qui remet en question la validité de la résolution bancaire proposée par le gouvernement.
Le Conseil d’État a émis mardi un arrêt par lequel il a annulé la décision numéro 3/2022 du 20/5/2022 du Conseil des ministres portant sur la stratégie de redressement du secteur financier, exclusivement dans son volet sur «la suppression d’une grande partie des engagements en devises étrangères de la Banque centrale envers les banques, et ce, pour diminuer le déficit des capitaux de la BDL et clôturer sa position nette en devises étrangères ouvertes auprès d’elle».
Dans son arrêt, le Conseil d'État a considéré cet article comme une violation aux dispositions de la Constitution libanaise et de la loi. Ainsi, la décision de la juridiction administrative a confirmé le caractère «sacré» des dépôts et donne espoir aux déposants de récupérer leur argent.
Association des banques
En bref, l’Association des banques du Liban (ABL) n’est pas contre tout plan de redressement financier qui serait élaboré par le gouvernement, mais elle estime que celui-ci n’a pas le droit de demander à la Banque du Liban (BDL) de supprimer les réserves des banques auprès d’elle, car cela entraînerait inévitablement une suppression des dépôts bancaires des clients.
Maintenant que le jugement du Conseil d'État a été rendu, l’ABL est désormais en mesure d'élaborer un plan «sérieux» et «réalisable» pour un remboursement graduel des déposants. Tout plan de restructuration bancaire doit prévoir une récupération des réserves des banques auprès de la BDL. Le volet des dépôts éligibles et non éligibles relèverait des détails au vu de la question de principe.
Négociations
De sources fiables, on a confié mardi soir à Ici Beyrouth que le premier vice-gouverneur de la BDL, Wassim Mansouri, et le bureau du Premier ministre sortant Najib Mikati, ont pris chacun contact dans la journée avec l’ABL, lui exprimant leur volonté d’entamer des pourparlers sur une résolution bancaire. Dans ce contexte, ils auraient affirmé que le plan de restructuration bancaire proposé par le gouvernement n’est pas «sacré» et qu’il est «négociable».
Selon les mêmes sources, l’État n’a pas évidemment les moyens de rembourser dans l’immédiat l'argent qu'il doit aux banques, mais il peut le faire à terme. Dans cet ordre d’idées, on rappelle, de mêmes sources, que la BDL détient des réserves en devises de près de 9,5 milliards de dollars, des réserves en or de l’ordre de 18 milliards de dollars, un actionnariat de 99% de la compagnie aérienne nationale (MEA), un actionnariat majoritaire au Casino du Liban, ainsi que des terrains à Paris et à New York via Intra Invest.
Une résolution qui tombe à l’eau
Le plan de résolution bancaire du gouvernement, qui circule, depuis vendredi dernier dans les médias et qui est censé être discuté lors du Conseil des ministres prévu le 22 du mois en cours, tombe à l’eau.
Dans ses grandes lignes, la résolution bancaire avait prévu la création d’une «Autorité spéciale pour la restructuration des banques», qui serait dotée d’un pouvoir étendu non susceptible de recours judiciaire ou légal, ordinaire ou extraordinaire (article 33).
Les membres de cette Autorité spéciale seraient désignés par décret pris en Conseil des ministres sur recommandation de la BDL. Ce qui aurait ouvert grand la porte au clientélisme politique. Il convient également de souligner que l’article 18 de la résolution bancaire du gouvernement accordait à l’Autorité spéciale pour la restructuration des banques le pouvoir d’exercer ses fonctions «sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’approbation des actionnaires de la banque en restructuration, de ses créanciers, de son conseil d’administration, de sa direction générale ou de tout autre partenaire avec lequel elle traite».
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