La récente déclaration du ministre des Affaires étrangères iranien, Hossein Amin Abdollahian, selon laquelle «la sécurité du Liban relève de celle de l’Iran», met en relief une annexion de fait du pays. Cette déclaration fait suite à une série de démarches qui visent la recomposition des configurations politiques et institutionnelles qui mettent fin au pluralisme libanais, aux règles de civilité qui ont régi la vie politique et sociale, et à l’ingénierie consociative de la démocratie libanaise.
La politique de la mainmise ouverte sur les institutions (Banque centrale, douanes, Parquet national financier, Université libanaise, contrôle des syndicats, clientélisme et pillage des ressources de l’État…) sont complémentaires aux vides de la première magistrature, à l’annexion du Parlement et à la main basse sur les fonctions régaliennes de l’État (défense, affaires étrangères, finances publiques, justice…), et aux politiques de prédation qui projettent le changement des dynamiques démographiques, économiques, financières, urbaines et éducatives dans le pays.
Ce schéma d’ensemble est doublé d’une politique de terreur et de criminalité organisée qui couvre un spectre large de délinquance institutionnalisée, allant des assassinats politiques au terrorisme de masse (explosion du port de Beyrouth, attaques des zones urbaines chrétienne, sunnite et druze, répression de la révolte de 2019…), en passant par la destruction de l’économie productive au profit de la contrebande, du blanchiment d’argent, du commerce illicite et des politiques d’expropriation économique et foncière. En réalité, il s’agit d’un coup d’État qui avance de manière systématique en vue de contrôler le pays, intercepter les négociations régionales et s’imposer comme interlocuteur unique sur la scène internationale.
Le fascisme chiite sait pertinemment que le seul obstacle à sa mainmise sur le pays est celui des chrétiens pilotés par l’Église maronite. Loin d’être un fait inédit, les politiques putschistes du passé (nationaliste arabe, OLP et gauche marxiste des années 60-70, politiques de puissances régionales, Syrie, Iraq, Lybie, Iran, Turquie, Qatar…) avaient en ligne de mire l’opposition chrétienne qui les tenait constamment en échec. Il a fallu casser le socle anthropologique du Liban pluraliste, de l’État de droit, et changer les dynamiques sociétales pour venir à bout de cette résistance politique ferme et durable. Ce leitmotiv n’est pas exclusif aux fascismes chiites, mais il a défini de manière permanente les stratégies de subversion qui ont visé l’indépendance du pays, sa légitimité nationale, ses choix de société et sa doxa libérale et démocratique. Le communiqué de la conférence des évêques maronites et l’homélie du patriarche maronite à l’occasion de la fête patronale de saint Maron définissent les lignes de clivage, circonscrivent les enjeux et donnent forme aux chances d’un règlement négocié.
L’engrenage guerrier au Liban-Sud s’inscrit dans la mouvance directe du 7 octobre 2023, de la guerre de Gaza et de la politique de subversion iranienne sur le plan régional, et il serait inutile de s’installer dans le déni. L’opposition à la guerre au Liban-Sud est impérative car elle relève des intérêts stratégiques du régime islamique en Iran, de sa politique de subversion qui remet en cause l’ordre régional, les instances internationales d’arbitrage et le récit national libanais. L’affrontement entre les deux visions est inévitable et il n’est pas question de transiger sur des enjeux souverainistes, de légitimité nationale et de choix de société pourfendus de manière frontale par les fascismes chiites.
L’unique possibilité de réconciliation tient à la reconnaissance du récit national libanais et de son crédo démocratique et libéral, ainsi qu’à l’adhésion aux règles d’arbitrage de la communauté internationale. Tous les apartés de négociations, tentés à partir de l’usurpation de la titulature diplomatique qui scelle la mainmise sur l’État libanais, doivent être rejetés de manière résolue et sans états d’âme. Il s’agit non seulement d’une fin de non-recevoir diplomatique mais aussi d’un affrontement politique frontal sans vergogne. Les chances d’un règlement négocié tiennent au changement de la règle du jeu politique dans le pays, et il n’est pas du tout question de la recherche d’un accommodement sur la base du changement des rapports de force tenté par le Hezbollah et ses acolytes. Autrement, l’internationalisation du conflit et le recours au chapitre 7 de la Charte des Nations unies demeurent l’ultime recours, avant d’envisager la libéralisation des choix stratégiques et sécuritaires.
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