©Crédit photo: Jean-Christophe Verhaegen/AFP
Dans une démarche résolument avant-gardiste, l’Opéra national de Lorraine réinvente l’expérience lyrique avec la mise en scène de l’oratorio La Création de Joseph Haydn, brouillant les frontières entre tradition et innovation. Cette représentation hors du commun ne se contente pas d’investir l’imposante salle de l’opéra basée à Nancy, accessible aux spectateurs munis de billets, mais s’étend également au métavers, permettant à un public global de participer à cet événement depuis leur ordinateur ou via un casque de réalité virtuelle.
Dès l’entrée virtuelle dans l’édifice, le spectateur est accueilli par des affiches de médiation conçues pour enrichir sa compréhension du spectacle qui s’apprête à commencer. Puis, il prend place dans un espace parallèle, celui du métavers, où la représentation, jouée et filmée en direct, est entièrement retransmise. Cette dimension virtuelle favorise une interaction inédite entre les spectateurs qui peuvent, entre autres, se «demander en ami», se déplacer dans la salle virtuelle ou même «sauter du balcon».
L’aspect le plus disruptif de cette production réside sans doute dans l’intégration de «metahumans» et d’un robot sur scène. Les «metahumans», représentant des visages de scientifiques renommés, reproduisent en temps réel les expressions faciales des chanteurs grâce à un logiciel de reconnaissance faciale. Ainsi, les spectateurs assistent à un spectacle où de faux visages, générés par intelligence artificielle, semblent dotés de la voix des artistes, telle celle de la soprano Julie Roset, créant une fusion surprenante entre humanité et technologie.
Le metteur en scène Kevin Barz pousse la réflexion encore plus loin en peuplant la scène d’éléments modélisés en 3D, tels qu’un cheval, une vache, ou même le «metahuman» d’Albert Einstein. Inspiré par la genèse biblique du monde, Barz établit un parallèle audacieux entre la création du monde et l’évolution scientifique, soulignant les progrès et enjeux du XXIe siècle. Cette association entre les récits de création et la science offre une perspective enrichissante et contemporaine sur l’œuvre de Haydn.
Une innovation majeure est l’introduction d’Ameca, un robot humanoïde qui, pour la première fois, monte sur la scène d’un opéra. Doté d’une capacité à cligner des yeux et à bouger ses bras de manière naturelle, Ameca symbolise la fusion entre l’humain et le numérique, thème central de cette production. Sa présence est le fruit d’un partenariat avec l’OFFIS - Institute for Information Technology de l’Université de Oldenburg, en Allemagne, témoignant de l’engagement de l’opéra dans l’exploration scientifique et technologique.
Le choix de La Création de Haydn, un oratorio créé en 1799 habituellement non destiné à la scène, reflète la volonté de Kevin Barz de s’attaquer au scepticisme croissant envers les sciences. À travers une mise en scène innovante, utilisant des murs vidéo LED pour une immersion totale, l’opéra se fait pédagogique et interpelle sur les grands enjeux contemporains.
Les deux premiers actes du spectacle narrent la création du monde, depuis le chaos jusqu’à l’apparition des humains, avant que Adam et Eve ne célèbrent leur bonheur, introduisant une réflexion sur la responsabilité et la connaissance. Cette adaptation vise à sensibiliser un public diversifié, notamment les jeunes, à l’opéra, en exploitant les possibilités offertes par le métavers et les plateformes de diffusion en direct telles que Twitch.
Les prochaines représentations, prévues à l’Opéra national de Lorraine, seront accessibles tant physiquement que virtuellement, permettant une expérience unique de l’opéra, tant pour les spectateurs sur place que pour ceux explorant ce jumeau digital dans le métavers jusqu’à la fin de la saison 2023-2024. Cette initiative audacieuse marque un tournant dans la manière dont nous expérimentons l’art lyrique, en le rendant plus inclusif, interactif, et en phase avec les défis et les possibilités de notre époque.
Avec AFP
Lire aussi
Commentaires