Triomphe de l’œcuménisme du sang, Rome et Alexandrie ont commémoré, ensemble, cette année, les 21 martyrs de Libye, égorgés par l’organisation de l’État islamique sur une plage de Syrte, le 15 février 2015. La cérémonie commune était présidée par le cardinal Kurt Koch, préfet du dicastère pour la Promotion de l’unité des chrétiens. Elle s’est tenue en la chapelle du chœur de la basilique Saint-Pierre. Pour l’Église catholique, il s’agissait d’une première.
Pour mesurer l’importance de cet événement, il suffit de rappeler qu’il y a encore cinquante ans, le siège de saint Pierre et le siège de saint Marc ne s’étaient plus parlé pendant… seize siècles environ, exactement depuis le concile de Chalcédoine de 451.
Pour l’orientaliste et égyptologue belge, Christian Cannuyer, directeur de l’association Solidarité-Orient, active à Bruxelles, «il faut y voir un signe des temps, une initiative prophétique». «Pour la première fois, l’Église catholique inscrit au martyrologe romain des saints appartenant à une église qui n’est plus en communion historique avec Rome, a-t-il expliqué à Vatican News. Cela correspond à la notion de l’œcuménisme du sang forgée par le pape François. Au-delà du dialogue théologique institutionnel, parfois décevant par sa lenteur et son manque de témérité, il y a cette communion dans la souffrance et dans la persécution que partagent, notamment au Proche-Orient, face au fanatisme, les catholiques, les protestants et les orthodoxes.»
«Les coptes ont une sensibilité très vive à l’égard du phénomène du martyre, ajoute M. Cannuyer à Vatican News. L’ère copte commence non pas avec la naissance de Notre-Seigneur, mais en l’an 284 de notre ère, avec le règne de Dioclétien, l’empereur à avoir persécuté en dernier lieu les chrétiens. On l’appelle l’ère des martyrs. Les églises coptes sont truffées d’icônes représentant des martyrs anciens, souvent représentés à cheval, symbole du bien qui domine le mal. Aujourd’hui, depuis la montée en puissance de l’islamisme et les problèmes que connaît l’Égypte, il y a régulièrement des martyrs chrétiens. En Égypte, les coptes ont une attitude exemplaire vis-à-vis de ces saints persécutés en notre époque contemporaine.»
«D’ailleurs, poursuit l’orientaliste, les martyrs de février 2015 se sont vu ériger, avec le financement de l’État, une grande basilique, un martyrium. Loin d’être un lieu de désespérance, c’est un lieu de foi, de prière, de communion et d’espérance en l’avenir de l’église d’Égypte.»
Intuition prometteuse
L’égyptologue affirme que la création, l’été dernier, par le pape François, d’une commission pour les nouveaux martyrs-témoins de la foi, issus de toutes les confessions chrétiennes, est «une intuition prometteuse».
«Il faudra bien qu’un jour, poursuit M. Cannuyer, les églises séparées reconnaissent la sainteté de ces témoins de la foi ayant jalonné l’histoire de ces églises depuis leur séparation. Je suis toujours étonné, quand je vais en Éthiopie, par exemple, de voir la dévotion que beaucoup de chrétiens orthodoxes nourrissent à l’égard de la petite Thérèse de l’Enfant-Jésus. En Égypte, la si populaire Vierge des apparitions de Zeitoun en 1968, est en fait l’image de la Vierge de la rue du Bac qui est apparue à Catherine Labouré. Ces capillarités de sainteté touchent nos églises, malgré les séparations historiques et théologiques qui les opposent.»
Rappelons qu’entre Rome et Alexandrie, les relations ont été renouées en 1973, quand Chenouda III et Paul VI ont signé une déclaration christologique commune, reconnaissant qu’ils «confessent le même Seigneur Jésus-Christ», malgré les divisions de l’histoire. Leurs successeurs, Tawadros II et François, ont décidé de commémorer chaque année cet accord et d’en faire une journée de l’amitié et de la fraternité entre l’église copte et l’église de Rome. «Ce qu’ils font est un exemple qui a valeur d’universalité», assure Christian Cannuyer.
Lire aussi
Commentaires