Mer Rouge: pour les navires, les coûts des assurances flambent
©(Mohammed HUWAIS, AFP)
Les attaques continues des Houthis contre les navires marchands en mer Rouge ont entraîné en poursuivant leurs attaques contre des navires commerciaux. Conséquence: les coûts des assurances ont flambé

Les attaques des Houthis contre des navires commerciaux en mer Rouge ont fait flamber les coûts d’assurance maritime, avec des primes de risque de guerre, qui s’ajoutent à la remontée brutale des taux de fret et la désorganisation des chaînes d’approvisionnement.

Depuis novembre, les Houthis mènent sans relâche des attaques contre des navires commerciaux transitant par la mer Rouge, disant agir en solidarité avec les Palestiniens dans la bande de Gaza, où Israël mène une guerre contre le Hamas, depuis l’attaque du 7 octobre sur le sol israélien.

Selon le FMI, le transport maritime de conteneurs par la mer Rouge a chuté de près de 30% sur un an. Avant le conflit, entre 12 et 15% du trafic mondial transitait par cet axe, d’après des chiffres de l’Union européenne.

Les bateaux commerciaux nécessitent d’être protégés sur trois fronts: l’assurance corps de navire, pour les dommages causés au bateau, l’assurance de la cargaison, et enfin l’assurance protection et indemnisation (P&I), qui comprend une couverture illimitée des dommages causés à des tiers.

Or, dans ces conditions, les primes d’assurance pour risque de guerre du navire comme de la cargaison «ont beaucoup augmenté», reconnait Frédéric Denèfle, directeur général du groupement Garex, spécialiste de l’assurance des risques liés aux conflits. Et ce, de façon «proportionnelle aux menaces».
«Zone classée»

«La mer Rouge est une zone classée, ce qui signifie que les navires qui prévoient d’y entrer doivent en informer leurs assureurs», explique à l’AFP Neil Roberts, responsable de la marine et de l’aviation pour la Lloyd’s Market Association (LMA).

Les assureurs ont alors la possibilité de modifier les termes de leur contrat d’assurance. Cela inclut des primes supplémentaires pour risque de guerre, vendues en complément des garanties de base. Mais cette nouvelle couverture «n’est valable que pour sept jours, normalement, pour tenir compte du fait que les hostilités peuvent s’aggraver», précise à l’AFP Marcus Baker, responsable international de l’assurance transport des marchandises pour Marsh.

Claire Hamonic, directrice générale d’Ascoma International, estime que les taux d’assurance «ont été multipliés par 5 à 10, tant pour la garantie des navires que celle des marchandises qui transitent par la mer Rouge».


Selon plusieurs sources interrogées par l’AFP, le taux actuel de la prime de risque se situe entre 0,6 et 1% de la valeur du navire. Des chiffres considérables, car sur les routes de la mer Rouge, les bateaux commerciaux (de gros porte-conteneurs ou pétroliers) sont souvent évalués à plus de 100 millions d’euros.

La nationalité des bateaux entre aussi en ligne de compte. «Les Houthis ont spécifiquement indiqué qu’ils ciblaient les navires américains et britanniques», ou tout pavillon lié à Israël, souligne ainsi Munro Anderson, expert en sécurité maritime au sein de Vessel Protect.

«Un certain nombre de navires battent pavillon ou sont associés à des pays qui n’ont tout simplement pas le même profil de risque», poursuit-il, comme par exemple les navires chinois, très nombreux à transiter par cette zone, et moins susceptibles d’être visés par des attaques. Pour ces bateaux, la prime de risque de guerre est moins élevée.

S’il y a certes «une surprime importante des assureurs et réassureurs», Mme Hamonic souligne qu’il n’y a «pas de refus de garantie», «une bonne chose pour les assurés».
Coûts supplémentaires

Les navires qui choisissent d’éviter la mer Rouge en naviguant par un itinéraire alternatif autour du cap sud-africain de Bonne-Espérance font face à d’autres coûts du fait de l’allongement du voyage. Il faut en effet compter 10 à 15 jours supplémentaires par cet itinéraire, voire 20 en fonction de la vitesse du navire.

Les armateurs économisent certes les importants frais de péage sur la mer Rouge, mais «il y a un surcoût carburant» et de main-d’œuvre avec les frais d’équipage, note M. Denèfle.

Le coût d’un voyage entre l’Asie et l’Europe du Nord-Ouest a ainsi augmenté de 35% pour un grand navire porte-conteneurs, et jusqu’à 110% pour un pétrolier de type aframax (tankers d’une capacité comprise entre 80.000 et 120.000 tonnes), selon un rapport de LSEG Shipping Research.

En outre, d’autres risques existent. Le déroutement de nombreux navires par le cap de Bonne-Espérance pourrait en effet «très probablement aboutir à une recrudescence de la piraterie dans l’océan Indien», met en garde Claire Hamonic, qui avertit: «Le risque s’étend en dessous de la mer Rouge vers les côtes somaliennes.»

Emeline Burckel, avec AFP
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