Avec des primes importantes promises aux sportifs, l’Arabie saoudite vient d’organiser un événement de ski freestyle qui suscite la polémique. Tant sur le plan écologique qu’humain.
Même Hergé, père de Tintin, ne l’avait pas vu venir. Visionnaire, Hergé l'était assurément à plus d'un titre. Son aventure lunaire a su préfigurer la mission Apollo 11, près de quinze ans avant que Neil Armstrong n’y pose le pied. Dans son album Tintin au pays de l’or noir, il anticipe les crises pétrolières et les menaces de guerre au Moyen-Orient, le tout sur fond de chaleur accablante. Mais, de là à imaginer des cimes enneigées en Arabie, il y a un pas que le génial Hergé n’a pas osé franchir.
Pourtant, la ville de Riyad en Arabie Saoudite vient d’accueillir sa toute première compétition de ski, du 26 au 29 février, avec la participation d'artistes internationaux, sous le nom de SnowBlast KSA Cup.
Les températures avoisinent les 25-26°C ces jours-ci à Riyad? Qu’à cela ne tienne. Pour enneiger la piste de 150 mètres de long, 30 mètres de haut et 20 mètres de large, quelque 500 tonnes de neige ont été nécessaires. L’événement s’est déroulé en plein centre de la capitale saoudienne, à la King Arena, un stade de 30.000 places au toit rétractable.
À titre de rappel, l’Arabie Saoudite s’est lancée dans la construction de sa toute première station de ski, dans les montagnes de Trojena, dans le cadre du projet de développement Neom, évalué à 500 milliards de dollars, et qui accueillera les Jeux Asiatiques d'hiver en 2029, malgré des conditions climatiques très éloignées des standards.
Pour le média BNN Breaking, basé à Hong Kong, cet événement «marque une étape importante pour Riyad, démontrant [...] son ambition de devenir une destination sportive mondiale». Si BNN y voit des signes positifs, ce n’est pas le cas de tout le monde.
Pluie de critiques
En effet, à peine lancée, déjà décriée. Cette manifestation sportive en pleine ville et sous plus de 25 degrés, à l'heure du dérèglement climatique, a fait jaser, suscitant «l'indignation» dans le monde du ski notamment français. «C’est un désastre écologique, a regretté un manager auprès de L’Équipe. Déjà que le milieu doit logiquement se remettre en question et s’adapter au quotidien par rapport au réchauffement climatique. […] Comme d’habitude, c’est le business qui gagne.»
Autre point de discorde: la compétition organisée à Riyad est uniquement ouverte aux hommes. New Schoolers, l’un des médias de référence en ski freestyle, estime ainsi que les sportifs participant à l’événement se font «complices ou soutiens d’un régime qui prévoit toujours la peine de mort pour l’homosexualité, pour la consommation de drogue, etc.»
L’argent ne craint pas la chaleur
Faisant fi des critiques qui fusaient de toutes parts, les organisateurs ont attiré pour leur show des stars telles que la légende américaine Tanner Hall, le Suédois Henrik Harlaut, 14 médailles aux X Games, 3ᵉ des JO 2022 et vice-champion du monde 2019, ou encore Colby Stevenson, vice-champion olympique 2022. Plusieurs Français, dont Antoine Adelisse, Alexis Ghisleni, Enzo Valax ou encore Kaditane Gomis, ont fait le déplacement à Riyad.
Alors que la compétition n'est pas reconnue par la FIS, les organisateurs prennent en charge les déplacements, versent 2.000 dollars à chaque sportif et une prime de 100.000 dollars au vainqueur, 50.000 au deuxième et 20.000 au troisième. Soit près du double de ce qui est remis au vainqueur des X Games, la compétition phare des sports extrêmes.
De quoi mettre du beurre dans les épinards à l'heure où les athlètes des disciplines freestyle sont trop peu accompagnés par leurs fédérations.
Alors, polémique ou pas, les organisateurs ont réussi leur pari et ont déjà le regard tourné vers d’autres évènements.
Les années passent et l’Arabie saoudite s’ancre, malgré tout, de plus en plus dans le paysage du sport mondial. Les chiens aboient, la caravane passe?
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