Israël-Hezbollah: un tour de force sur le cratère d’un volcan

Les médias israéliens, repris par d’autres, européens, sont revenus récemment sur l’ultimatum fixé par Tel-Aviv pour un règlement diplomatique de l’embrasement sur le front sud. Celui-ci expirerait le 14 mars, date à laquelle Israël serait prêt, dit-on, à imposer sa propre solution qui consiste notamment à repousser le Hezbollah loin de sa frontière nord.
Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, avait déjà mentionné cette échéance, il y a deux semaines.
Associées aux récentes menaces israéliennes contre le Liban, notamment celles du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, qui avait précisé, le 3 février 2024, qu’une trêve à Gaza ne s’étendra pas forcément à la frontière au Liban, les informations sur l’ultimatum israélien font craindre un élargissement du conflit entre le Hezbollah et le Liban.
Par la voix de Gallant, Tel-Aviv demeure déterminé à poursuivre ses opérations militaires contre le Hezbollah «jusqu’au rétablissement de la sécurité pour les résidents des kibboutz du nord» israélien.
Dans le même temps, il répète à l’envi qu’il ne veut pas d’une guerre avec le Liban et qu’il reste favorable à une solution diplomatique qui assurera la sécurité des habitants du nord d’Israël. Yoav Gallant a ainsi réaffirmé, mardi, devant l’émissaire américain, Amos Hochstein, l’engagement de l’État hébreu en faveur des «efforts politiques» pour une solution à la frontière sud, sans toutefois écarter l’option militaire pour sécuriser sa frontière nord.
Quelle option finira par l’emporter, surtout qu’Israël alterne le chaud et le froid à l’encontre du Liban? Le risque d’une potentielle opération israélienne d’envergure contre le Hezbollah est-il réel? Ou, au contraire, Israël fait-il monter les enchères pour accélérer une solution diplomatique? Autant de questions qui se posent.
Dans les milieux diplomatiques à Beyrouth, on se veut plus ou moins rassurant. Selon une source diplomatique occidentale contactée par Ici Beyrouth, l’échéance de la mi-mars ferait partie de «la guerre psychologique» israélienne qui va de pair avec un volet militaire qui reste envisageable. Ce genre de «déclarations agressives» faites par Israël «n’est pas nouveau», rappelle-t-on de même source.
Le problème est que les contours d’une solution diplomatique ne sont toujours pas clairs. Il semble d’ailleurs qu’il y ait actuellement deux initiatives distinctes, l’une française et l’autre, américaine, qui vont dans le sens d’un règlement politique, mais qui suivent deux trajectoires différentes. Celle de la France avait été présentée aux autorités libanaises en février dernier et prévoit, entre autres, un retrait des combattants du Hezbollah à une distance de 10 kilomètres de la frontière sud, ainsi que le déploiement de 15.000 soldats de l’armée libanaise dans les régions frontalières.
Il s’agit d’un plan en trois étapes, la première étant une accalmie de 10 jours, suivie d’un retrait des combattants du Hezbollah, puis de négociations au sujet de la frontière libano-israélienne.

Les propositions de règlement américaines restent cependant entourées du plus grand secret. Elles avaient été soumises par Amos Hochstein au président de la Chambre, Nabih Berry, qui est censé les soumettre à son tour au Hezbollah.
La feuille de route française a pour but de «montrer aux belligérants qu’une solution politique est possible», affirme-t-on de même source, en relevant que l’initiative américaine ne comprend, en revanche, «aucun papier concret». Elle demeure «très secrète, aucune information n’ayant fuité», au sujet de sa teneur, d’après la même source. Ce qui laisse, pour le moment, les perspectives de résolution politique dans le flou.
Comme l’échéance de la mi-mars coïncide avec le début du Ramadan, dont on dit qu’il marquerait aussi le début d’une accalmie à Gaza, elle indiquerait ainsi «une imbrication entre la trêve discutée à Gaza et le front au Liban-Sud». Or, les pourparlers engagés au Caire autour de cette trêve n’ont toujours pas débouché, même si on parle d’avancées. Celles-ci restent cependant hypothétiques.
Une logique du 50/50
Tous ces points d’ombre font dire à la source précitée, que «nous sommes toujours dans la logique du 50/50, dans le sens où le risque d’embrasement généralisé est égal aux chances d’une issue diplomatique, d’autant que les derniers développements montrent une volonté israélienne de dépasser toutes les restrictions géographiques, visant ses cibles partout sur le territoire libanais».
Sollicité par Ici Beyrouth, un politologue libanais, qui a voulu garder l’anonymat, a également situé l’ultimatum israélien dans le cadre du «jeu des négociations». «Cela permet à Israël d’avoir plus de crédibilité tout en accentuant la pression» sur le Hezbollah, afin d’atteindre ses objectifs, poursuit-il. Cela s’inscrit, selon lui, dans le cadre de la stratégie d’«escalade calculée», adoptée par Tel-Aviv dès le début des affrontements avec le Hezb, «même si l’armée israélienne a quelquefois enfreint les règles d’engagement» du conflit frontalier entre les deux parties.
Toujours selon la logique de cet analyste, qui laisse quand même entendre que toutes les options restent ouvertes, Israël n’a pas intérêt à s’engager dans une guerre de grande envergure avec le Liban, car celle-ci «ne lui apportera que davantage de problèmes». «Il sera pris à son propre piège», commente-t-il.
L’État hébreu voudrait une solution radicale à sa frontière nord, «pour ne pas retourner à la situation d’avant le 7 octobre», explique-t-on de même source. Il tenterait donc, par tous les moyens, «d’exercer une pression sur le Hezbollah pour obtenir le retrait de ce dernier au sud du Litani», garantissant ainsi le retour des colons israéliens aux zones frontalières désertées dans le nord israélien.
Pour Tel-Aviv, les deux fronts, celui de Gaza et du Liban, sont clairement séparés. Il n’en reste pas moins que la situation est tellement critique et volatile qu’elle demeure exposée à n’importe quel retournement.
Toujours de même source, on évoque ainsi la Cisjordanie «où la situation chauffe, notamment à l’approche du mois du Ramadan, pendant lequel les Palestiniens se dirigeront pour la prière à la mosquée d’Al-Aqsa». Dans ce contexte, le risque d’une «réaction agressive de la part de la droite radicale israélienne» pourrait, à n’importe quel moment, réveiller le volcan, avec les conséquences qu’on peut deviner.
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