Une étude observationnelle portant sur plus de 99 millions de personnes vaccinées révèle que la plupart des effets indésirables demeurent en accord avec les risques théoriques. Elle met toutefois en évidence certains risques plus élevés selon le type de vaccin.
Depuis mars 2020, date à laquelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré l’épidémie de Covid-19 comme une pandémie, plus de 13,5 milliards de doses de vaccins ont été administrées à travers le monde. Selon les chiffres officiels provenant des gouvernements et des ministères de la Santé, près de 70,6% de la population mondiale en a reçu au moins une dose jusqu’en mars 2024.
Le déploiement de cette campagne de vaccination à grande échelle aurait permis de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire mondiale, en mai 2023. Toutefois, cette situation inédite, conjuguée à l’utilisation de nouvelles approches biotechnologiques dans la conception et la fabrication des vaccins, à l’instar de la technologie de l’ARN messager (ARNm), met en lumière la nécessité de la surveillance du risque d’effets indésirables résultant de l’utilisation de ces vaccins. C’est ce qu’on appelle la pharmacovigilance.
Effets indésirables potentiels
En prévision de ce déploiement mondial sans précédent des vaccins contre le Covid-19, l’initiative Safety Platform for Emergency vACcines (SPEAC) a élaboré, en 2020, une liste d’effets indésirables potentiels spéciaux. Afin d’évaluer ces risques, une approche consiste à comparer les taux des effets indésirables observés cliniquement à ceux prévus théoriquement. Une telle analyse a notamment conduit à la suspension du vaccin AstraZeneca en 2021.
Une nouvelle étude observationnelle a ainsi été menée, rassemblant des données de dix sites dans huit pays d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud et d’Océanie. Les événements indésirables signalés jusqu’à 42 jours après la vaccination avec les vaccins à ARNm (ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna) ainsi que le vaccin à vecteur d’adénovirus (Oxford/AstraZeneca) ont été inclus dans cette analyse. Cette étude a été financée par les centres de contrôle et prévention des maladies des États-Unis d’Amérique (ou Centers for Disease Control and Prevention – CDC, en anglais).
Conditions réelles
Cette étude évalue l’association entre la vaccination contre le Covid-19 et treize effets indésirables comprenant des conditions neurologiques, hématologiques et cardiovasculaires, en se référant à la liste du projet SPEAC.
Des affections neurologiques, telles que le syndrome de Guillain-Barré ou SGB (une maladie inflammatoire auto-immune qui touche les nerfs périphériques), la paralysie faciale et les convulsions, ont été sélectionnées.
Quant aux conditions hématologiques, elles comprenaient principalement divers types de thromboses spécifiques, identifiées comme des indicateurs potentiels du syndrome de thrombose thrombocytopénique (TTC), impliquant la formation de caillots sanguins associée à un faible taux de plaquettes. Un effet secondaire suscitant une attention soutenue depuis 2021.
Certaines affections cardiovasculaires, telles que la myocardite (inflammation du muscle cardiaque) et la péricardite (inflammation du sac souple à deux feuillets entourant le cœur), ont également été examinées de manière distincte.
Dizaines de millions
Cette étude, publiée dans Vaccine, un journal scientifique édité par Elsevier, portait sur plus de 99 millions de personnes vaccinées contre le SARS-CoV-2. La plupart d’entre elles se situaient dans les groupes d’âge de 20 à 39 ans et de 40 à 59 ans.
Les résultats ont montré que le risque jusqu’à 42 jours après la vaccination est généralement similaire au risque de base théorique pour la plupart des résultats. Cependant, quelques signaux potentiels de sécurité ont été identifiés, notamment pour le SGB et la thrombose veineuse cérébrale (TVC). Ainsi, on a observé une incidence plus élevée du SGB après la vaccination avec des vaccins à base de vecteurs, alors que l’utilisation de vaccins à ARNm n’a généralement pas été associée à une augmentation du risque dans la plupart des études. Bien que rare, cette association a été reconnue par l’OMS, l’Agence européenne des médicaments (AEM) et l’Administration des produits thérapeutiques en Australie, conduisant à l’inscription du SGB en tant qu’effet secondaire rare après exposition au vaccin d’Oxford/AstraZeneca.
Thromboses veineuses
Selon cette même étude, publiée par Faksova et al., le risque accru de thrombose veineuse cérébrale, identifié suite à la vaccination par le vaccin d’Oxford/AstraZeneca, est également confirmé dans d’autres études. Cet effet indésirable a été, en effet, noté dans une étude de cohorte nationale menée au Danemark et en Norvège, montrant des taux élevés d’événements thromboemboliques veineux, y compris la TVC, avec une augmentation évaluée à 2,5 événements pour 100.000 vaccinations avec le vaccin d’Oxford/AstraZeneca. Ce signal de sécurité, rare mais préoccupant, a conduit au retrait dudit vaccin des programmes de vaccination contre le Covid-19 ou à la mise en place de restrictions basées sur l’âge dans plusieurs pays.
Affections cardiaques
Les auteurs de cette publication ont également observé des risques significativement plus élevés de myocardite après la première, deuxième et troisième dose de vaccins à ARNm, en l’occurrence ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna. Il en est de même pour la péricardite après la première et quatrième dose du vaccin élaboré par Moderna et la troisième dose du vaccin d’Oxford/AstraZeneca, et ceci pendant la période à risque de 0 à 42 jours.
L’article souligne que les taux élevés de péricardite, après la vaccination avec ce dernier, reposent sur un nombre limité d’observations dans l’analyse. Il confirme toutefois les résultats des cas rares de myocardite et de péricardite après les premières et deuxièmes doses des vaccins à ARNm. Étant donné les preuves, l’OMS a publié des directives mises à jour concernant la vaccination contre le Covid-19 avec des vaccins à ARNm, et l’AEM a fourni des mises à jour des informations sur le produit pour ces vaccins.
Un échantillon de cette ampleur améliore la capacité à identifier des événements indésirables extrêmement rares. Selon les auteurs, ces résultats basés sur des données provenant de l’Europe, de l’Amérique du Nord et du Sud, ainsi que de l’Océanie, permettraient une généralisation des conclusions à un éventail plus large de populations. Une conclusion qui serait toutefois sujette à débat, étant donné les variations génétiques et ethniques entre les différentes populations, notamment celles qui n’ont pas été incluses dans l’étude. L’équipe souligne également que certains éléments, tels que les comorbidités et les antécédents médicaux, n’ont pas été pris en considération, ce qui pourrait constituer une limitation de cette étude.
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