La Bourse de commerce à Paris dévoile sa nouvelle exposition intitulée Le Monde comme il va, miroir saisissant de notre époque troublée. Plongée dans l’univers déstabilisant et poétique de la collection Pinault.
La collection de François Pinault, riche de plus de 10.000 œuvres, est actuellement exposée à la Bourse à Paris.
Dès l’entrée, le ton est donné avec une installation aussi spectaculaire que dérangeante du duo d’artistes chinois Sun Yuan et Peng Yu. Treize sculptures hyperréalistes de vieillards en fauteuil roulant automatisé y exécutent une chorégraphie macabre, évoquant ces figures de pouvoir qui auraient perdu le contrôle. Un constat glaçant qui résonne étrangement avec l’actualité.
Mais les œuvres rassemblées ici ne se contentent pas de dresser un sombre tableau de notre monde. Elles en révèlent aussi la poésie et la beauté cachées, à l’instar de l’immense tableau coloré de l’Allemand Sigmar Polke représentant une scène de cirque instable, mais miraculeusement en équilibre, ou de l’envoûtante installation de miroirs de la Sud-Coréenne Kimsooja qui transforme la rotonde centrale en une sorte de «monde à l’envers» où le visiteur est invité à prendre conscience de sa présence au monde.
Car c’est bien là tout l’enjeu de cette exposition: nous amener à poser un regard nouveau sur notre époque, à travers celui d’artistes qui se font tour à tour «lanceurs d’alerte, prophètes, visionnaires, philosophes, parfois cyniques et ironiques, souvent poètes et réenchanteurs», selon les mots du commissaire Jean-Marie Gallais.
Et ils sont nombreux à avoir répondu présents, depuis les figures incontournables de l’art contemporain jusqu’aux jeunes talents émergents. On retrouve ainsi l’espiègle Maurizio Cattelan et ses pigeons empaillés devenus mascottes du lieu, aux côtés d’une troublante sculpture d’Hitler agenouillé. Jeff Koons et son kitsch assumé avec le rutilant Balloon Dog (Magenta). Ou encore Cindy Sherman, qui continue d’explorer avec une acuité toujours renouvelée la question de l’identité féminine.
Mais on découvre aussi le regard singulier d’artistes moins connus du grand public, comme l'Irakien Mohammed Sami, l’Allemande Anne Imhof, le Français Pol Taburet ou le Pakistanais Salman Toor. Autant de visions qui enrichissent le parcours et témoignent de la dimension internationale de la collection Pinault.
Au fil des salles, les œuvres se chargent de multiples résonances, interrogeant tour à tour notre rapport au réel, au pouvoir, aux apparences. Il y a cette armoire à pharmacie clinique de Damien Hirst, The Fragile Truth, qui semble questionner la fragilité de nos certitudes. Ou encore la saisissante Tabula Rasa de Doris Salcedo, table pulvérisée puis méticuleusement reconstituée, métaphore de la violence indicible.
L’exposition se veut aussi un hommage aux grandes figures de l’avant-garde, comme en témoigne la reconstitution par Elaine Sturtevant de la fameuse installation de Marcel Duchamp présentée en 1938, avec ses 1.200 sacs de charbon défiant la pesanteur. Une plongée dans l’histoire de l’art qui fait écho au geste même de François Pinault investissant ce haut lieu du patrimoine parisien.
Car, au-delà de la force individuelle des œuvres présentées, c’est bien la cohérence et l’audace du projet porté par la Bourse de commerce qui impressionne. En quelques expositions à peine, le lieu s’est imposé comme une référence incontournable, bousculant les codes traditionnels de l’institution muséale pour proposer une expérience à la fois exigeante et accessible.
Avec Le Monde comme il va, la Bourse de commerce franchit indéniablement un nouveau cap. Loin de livrer un message univoque, l’exposition cultive une forme d'ambivalence stimulante, invitant chacun à se frayer son propre chemin, entre poésie et politique, onirisme et lucidité. Une expérience qui continue de résonner en nous bien après la visite.
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