Tant que l’évolution des salaires est inférieure au taux d’inflation, les mesures de réajustement salarial restent une aberration, un non-sens économique. C’est le tonneau des Danaïdes.
Sur quel indicateur pertinent le Comité de l’indice des prix s’est-il appuyé pour relever le salaire minimum à 18 millions de livres, tout en laissant, par ailleurs, le montant de l’augmentation sur les autres tranches de salaire «au bon vouloir» du patronat, dans le cadre de la liberté contractuelle entre l’employeur et l’employé?
Parallèlement, le ministre sortant du Travail, Moustapha Bayram, crie victoire et considère le relèvement du salaire minimum comme un accomplissement pour le gouvernement. Il semble décidément vivre dans un déni sans pareil.
Dans un pays comme le Liban, laissé à lui-même, plongé dans une triple impasse, politique, économique et financière, quel que soit le nombre de zéros ajoutés à droite d’un chiffre, pour déterminer le montant d’une augmentation de salaire, celui-ci reste maigre et incapable d’assurer un minimum de stabilité sociale à court et moyen termes.
Boucle salaires-prix
Le pays est dirigé par un gouvernement d’expédition des affaires courantes, depuis près de deux ans, alors que ses frontières sont poreuses et qu’une guerre sans fin a lieu au sud de son territoire. Dans un tel contexte aléatoire, une augmentation des salaires intempestives peut uniquement déboucher sur une inflation par les coûts ou une boucle salaires-prix. Autrement dit, l’augmentation des salaires entraînera une augmentation des coûts de production et par conséquent une hausse des prix des produits à la consommation. Et, dans cette spirale infernale, le patronat peut-il se permettre une baisse de ses profits? Dans le processus d’un réajustement à la hausse des salaires, les deux parties, l’employé et l’employeur, doivent ressortir gagnants.
Ne pas mélanger choux et carottes
C’est mélanger les choux et les carottes que de comparer la masse salariale du secteur privé d’avant et après 2019. Parce qu’entre-temps, le Liban a connu une dévaluation de 98% de sa monnaie nationale et son PIB est passé de près de 55 millions de dollars à moins de 20 millions de dollars en rythme annuel.
Quant à l’inflation, si l’on se tient aux chiffres de la Banque mondiale, celle-ci a été de 231% en 2023, et de 350% sur le premier semestre de 2023 pour le taux d’inflation nominal des prix des produits alimentaires.
Disproportion
Quoique l’on dise, dans un Liban sans réformes structurelles, toute hausse des salaires dans le secteur privé ou public est une hausse des salaires non conséquente. Elle est un défi au bon sens parce qu’elle ne changera rien à «la survie des ménages à bas et moyen revenus».
Mais, dans tous les cas de figure, le ministre sortant du Travail devait régler, au moins d’une manière fictive, le déséquilibre flagrant entre le montant des indemnités de transport et celui du salaire minimum.
Avant la décision de mardi du Comité de l’indice des prix, le salaire minimum était de 9 millions de livres alors que les indemnités de transport pour un employé qui travaille 24 jours par mois (on en déduit les week-ends et jours fériés) s’élevaient à 10.800.000 livres.
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