©Charles Berberian et Dima Samaha.
Pour la première fois dans le cadre du mois de la Francophonie 2024, le Liban est partenaire de la fête organisée par l’Institut français à Lisbonne. C’est à travers sa littérature, sa gastronomie et son patrimoine culturel que le Liban rayonne, et ce, grâce à la mobilisation d’une délégation libanaise dirigée par Dima Samaha.
Au Portugal, la diaspora libanaise s’est mobilisée pour faire rayonner le Liban au-delà de ses frontières. Résidente à Lisbonne, Dima Samaha, auteure francophone (Le pays envolé, romans libanais de l’émigration) explique, qu’en l’absence d’une ambassade du Liban, il faut tout un processus pour faire participer le Liban aux festivités de la francophonie organisées par l’Institut français.
«J’ai contacté Pascal Sanchez, attaché de coopération éducative à l’I.F de Lisbonne, confie-t-elle. Connaissant bien le Liban et ayant été directeur de l’institut français de Deir el-Kamar, il m’a tout de suite indiqué les démarches à suivre pour monter une délégation libanaise.»
Grâce au soutien de l’association Caram à Lisbonne qui lève des fonds au profit du Liban et aux accréditations diplomatiques obtenues auprès des ambassades du Liban au Vatican et à Madrid, le Liban est devenu partenaire de la programmation de la francophonie à travers sa littérature, sa gastronomie et son patrimoine culturel.
«Il suffit d’avoir l’énergie et la confiance pour faire rayonner le Liban, ajoute Dima Samaha. J’ai appelé Charles Berberian, dessinateur et scénariste de BD, français d’origine arménienne, rencontré en octobre 2023 à Beyrouth. Il a tout de suite dit oui. Le Liban participe également au village gastronomique avec le restaurant libanais Sumaya, ainsi que Douaihy et Oriental, qui proposent plats, dégustations et pâtisseries. Sans oublier les tournois de backgammon et la tombola, côté divertissement.»
Le 13 mars, Dima Samaha et Charles Berberian se sont retrouvés à la librairie-galerie Tinta nos nervos pour une conversation autour de son dernier album Une éducation orientale (Casterman 2023) ainsi qu’une exposition coorganisée avec Maya Hage d’Efata Ateliers.
Né en 1959, Charles Berberian quitte en 1975 le Liban pour la France. Il suit les cours des Beaux-Arts à Paris. En 1983, il rencontre Philippe Dupuy et, ensemble, ils publient plus de 25 albums sous le nom Dupuy-Berberian. Ils remportent en 2008 le grand prix de la ville d’Angoulême.
Charles Berberian confie à Ici Beyrouth: «Chaque génération a ses blessures et ses solutions pour continuer à vivre. Beyrouth a une emprise sur nous. Certains parlent de malédiction, je pense que c’est un mélange de charme et de malédiction. J’y reviens une fois par an pour le Festival du livre.»
Sa présence parmi la diaspora libanaise à la fête de la francophonie à Lisbonne est une manière de renouer avec la ville portugaise où il s’était rendu en 2000 et a dessiné un carnet de voyage. «Lisbonne séduit les Libanais, dit-il, car ils y retrouvent une vie au bord de l’eau avec une culture cosmopolite qui rappellent Beyrouth. J’y ai rencontré un ami de longue date.»
Devant une assemblée d’expatriés libanais et français, en plus de Portugais, la conversation entre Samaha et Berberian se voulait une tentative d’explorer, à travers les dessins préparatoires, la genèse de L’Éducation orientale. L’arpentage de la ville de Beyrouth, en mots et en dessins, s’est mué en impulsion créative qui sonde les différentes couches de mémoires, d’histoires et d’histoires constitutives de l’identité hybride de l’album. «Il y a une absence de transmission de l’histoire, dit Berberian, parce que c’est douloureux. Mais le présent rouvre les cicatrices quand Beyrouth est frappée. Toute ma vision du monde passe par le dessin pour dompter l’angoisse de la guerre et de ce côté bancal que je connais de la vie de ma famille.»
Les premiers jets ont été projetés et exposés sur un mur de la librairie. Ils constituent à la fois les jalons et les témoins qui permettent de remonter les processus créatifs de l’artiste et de faire émerger l’impulsion première. Le dessin de Berberian rend dicible l’indicible. Chaque ébauche constitue un fragment de récit et de souvenir. Chaque dessin donne à voir les liens entre l’histoire moderne d’une région et les destins individuels qui lui sont intrinsèquement liés.
En constante expansion au Portugal, la diaspora libanaise affiche sa vitalité et sa légendaire adaptation dans les pays de l’émigration, se créant une nouvelle vie et se faisant une place au soleil. Installé avec ses parents au Portugal depuis 1989, Tarek Mabsout, devenu à force de travail et d’ingéniosité propriétaire d’une chaîne de restaurants à Lisbonne, a participé à la fête de la francophonie en mettant en avant son restaurant libanais Sumaya. Une table de dégustation de mezze libanais a été dressée dans l’espace Village gastronomique où se sont rués les visiteurs, découvrant de nouvelles saveurs culinaires. «Je suis Libano-Portugais, dit-il, j’ai fait mes études au lycée français de Lisbonne et donc la francophonie me parle beaucoup. Introduire la gastronomie libanaise dans cet événement est d’une grande importance pour moi sur les plans personnel et professionnel.»
La présence libanaise au village francophone s’est matérialisée dans un espace où de nombreux Libanais jouaient au backgammon, où une bonne ambiance prévalait. Une marche dans la forêt est prévue dimanche 24 mars avec les athlètes portugais qui participent aux jeux Olympiques de 2024.
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