
Le prix littéraire Choix Goncourt de l’Orient 2025 a été attribué à Jacaranda de Gaël Faye. Organisé par l’AUF, il a rassemblé 32 jurys étudiants de 11 pays du Moyen-Orient autour d’un vibrant hommage à la littérature francophone.
C’est dans une atmosphère aussi studieuse que passionnée que s’est tenue, à Beyrouth, la délibération finale de la 13ᵉ édition du Choix Goncourt de l’Orient, organisée par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) au Moyen-Orient. Réunis au Centre d’employabilité francophone (CEF), les jurés étudiants venus de toute la région ont désigné Jacaranda de Gaël Faye comme lauréat 2025 de ce prix littéraire unique. Avec 19 voix au premier tour, le roman publié aux éditions Grasset s’est imposé comme un récit majeur, traversé par les thèmes de la mémoire, du génocide et de la quête identitaire.
Depuis treize ans, ce prix rassemble une jeunesse francophone engagée, venue d’Arabie saoudite, de Chypre, de Djibouti, d’Égypte, des Émirats arabes unis, d’Irak, de Jordanie, du Liban, de Palestine, du Soudan et du Yémen. Cette année encore, les 32 jurys issus de 27 universités ont débattu autour des romans de la deuxième sélection du prestigieux prix Goncourt. Le Choix de l’Orient, par sa dimension régionale, se distingue des autres déclinaisons internationales du prix en réunissant des pays à la fois géographiquement proches et culturellement pluriels. C’est précisément cette diversité qui en fait la richesse. Au-delà des lectures, c’est un dialogue fécond qui s’installe entre étudiants, professeurs, institutions et auteurs.
Dans son mot d’accueil, Jean-Noël Baléo, directeur régional de l’AUF Moyen-Orient, a mis en avant l’importance du regard critique exercé par les jeunes jurés. Selon lui, ce prix ne se limite pas à récompenser une œuvre littéraire, il devient un levier d’enseignement et d’ouverture, en introduisant les préoccupations contemporaines dans les cursus universitaires et en tissant des liens durables entre les générations. À travers cette initiative, la langue française se vit comme un espace commun d’analyse, de sensibilité et de réflexion, en prise directe avec les réalités sociétales du monde arabe.
Le choix du roman de Gaël Faye s’inscrit dans cette perspective. Jacaranda évoque, à travers la voix d’un narrateur hanté par un passé familial douloureux, les blessures du génocide rwandais et les défis de la justice post-génocidaire. Faye y déploie une langue à la fois poétique et lucide, où la mémoire individuelle rejoint l’histoire collective, et où les silences du passé deviennent matière à résistance et à transmission. En rendant hommage à ce roman, les jurés du Choix Goncourt de l’Orient ont souligné la force d’un récit capable de faire résonner des enjeux universels à travers une histoire singulière, intime et politique.
Le format du jury, inspiré de celui de l’Académie Goncourt, invite les étudiants à confronter leurs sensibilités, à défendre leur choix avec conviction et à argumenter avec rigueur. De cette confrontation naît une parole critique incarnée, mûrie par des semaines de lecture et d’échange. Être juré, c’est apprendre à lire autrement, à lire activement, à lire ensemble. C’est aussi inscrire la littérature dans une dynamique de responsabilité, où chaque voix compte et où chaque lecture est une prise de position.
Comme le veut la tradition, le lauréat verra son ouvrage traduit en arabe grâce au soutien de l’Institut français du Liban. Cette traduction permettra au roman de circuler davantage dans la région, et d’atteindre des lecteurs non francophones sensibles à ses thématiques. Le Choix Goncourt de l’Orient ne s’arrête pas à la désignation d’un lauréat. Tout au long de l’année, des rencontres, débats et ateliers continueront à faire vivre le prix au sein des universités partenaires. Ce temps long est essentiel, il donne à la littérature le pouvoir de s’enraciner, de s’incarner dans les parcours éducatifs, et de rester vivante dans les esprits.
Créé en partenariat avec les Instituts français de la région et sous le parrainage de l’académie Goncourt, le Choix Goncourt de l’Orient s’inscrit dans un réseau mondial de plus de 40 pays où les étudiants votent eux aussi pour leur Goncourt. Ce dispositif international reflète l’universalité croissante de la francophonie littéraire et la volonté de l’académie de faire dialoguer les jeunes lecteurs du monde entier autour d’œuvres contemporaines. Il témoigne également d’un pari sur l’intelligence collective: faire confiance aux étudiants, leur donner les outils pour penser, pour juger, pour transmettre.
À l’heure où les pratiques de lecture évoluent, où les usages numériques transforment les rapports au texte, ce prix rappelle que rien ne remplace la rencontre physique entre des lecteurs et une œuvre. Rien ne vaut la densité d’un débat littéraire, l’intensité d’un désaccord argumenté, la joie d’une lecture partagée. En cela, le Choix Goncourt de l’Orient est un acte de foi en la littérature, en sa capacité à réunir, à émouvoir, à former les consciences. Et cette année encore, il a prouvé que cette foi demeure intacte.
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