Qui a organisé l’évasion de Dany al-Rachid?

L'État libanais a subi un nouveau revers jeudi avec le scandale de l'évasion d’un détenu, Dany el-Rachid, de la prison du service de sécurité de l’État.
Accusé de tentative de meurtre à Zahlé, ce dernier a cependant été localisé et arrêté en début de soirée, à la frontière avec la Syrie.
Il est important de souligner d’emblée que l’affaire n’a rien de banal et qu’elle relève d’un véritable scandale: nul besoin d’investigation approfondie pour comprendre que si Dany el-Rachid a pu s’enfuir, c’est grâce à un plan bien monté qui embarrasse l’État au plus haut point.
Détenu pour tentative de meurtre, El-Rachid n’était pas un prisonnier comme les autres. Largement connu pour bénéficier d'une protection politique et sécuritaire, il recevait un traitement de faveur dans sa prison, comme s'il séjournait dans un luxueux cinq étoiles.
Proche de Jreissati et de Saliba
S’il a pu être arrêté en fin de journée, à la frontière avec la Syrie, par une unité de ce même service de sécurité de l’État, le scandale n’est pas pour autant étouffé, en raison de ses implications. L’affaire qui a secoué les deux appareils sécuritaire et judiciaire a relancé le débat sur l'efficacité du service de sécurité de l’État et soulève dans le même temps des questions quant aux parties qui ont aidé ce prisonnier pas comme les autres, à s’évader. C’est que Dany el-Rachid est le directeur du cabinet de l'ancien ministre Sélim Jreissati, conseiller de l'ancien président Michel Aoun, et le conseiller personnel du chef du service de sécurité, le général Tony Saliba, également proche de Michel Aoun.
Il n’est pas étonnant que son évasion entraîne un branle-bas de combat judiciaire. Le procureur général près la Cour de cassation, Jamal Hajjar, a tenu une réunion d'urgence avec le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Fadi Akiki, lors de laquelle il a été convenu d'ouvrir immédiatement une enquête, confiée à M. Akiki sous la supervision du juge Hajjar.
Selon une source judiciaire, les investigations menées ont débouché sur l'arrestation de trois membres de la sécurité de l'État, tandis que d'autres étaient soumis à des interrogatoires sans qu’aucune décision ne soit prise à leur égard pour le moment.

De même source, on a indiqué que le juge Akiki a également convoqué le général Tony Saliba pour l’interroger en sa qualité de chef du service de Sécurité de l'État et de responsable des actions de ses officiers et agents.
Le général Saliba a d’abord été surpris par sa convocation et aurait demandé des explications, avant de finir par accepter de se rendre au bureau du commissaire, au tribunal militaire, pour faire sa déposition, a-t-on appris de même source.
Une affaire rocambolesque
Dans les faits, le premier juge d’instruction de la Békaa, Amani Salamé, avait rendu public son acte d’accusation dans l’affaire d’une tentative de meurtre d’un ingénieur, Abdallah Hanna, proche de la cheffe du Bloc populaire à Zahlé, Myriam Skaff, et avait accusé Dany el-Rachid d’en être l’instigateur. Elle avait requis une peine de prison à son encontre.
Cependant, la chambre de mise en accusation a cassé la décision de la juge Salamé et s’est contentée d’accuser el-Rachid d’avoir «causé du mal» à Abdallah Hanna. Plusieurs tentatives ont été par la suite menées pour obtenir sa libération, mais aucune n’a abouti.
L’évasion s’est produite quelques jours après que le procureur Jamal Hajjar a reçu un rapport dévoilant qu’Al-Rachid «bénéficiait d'un traitement de faveur de la part de la Sécurité de l'État, en sa qualité de conseiller du chef du service, et qu’il entretenait des relations étroites avec des personnalités politiques, sortant régulièrement de prison pour se rendre chez lui et passer du temps avec sa famille et ses amis».
À la suite de ces révélations, le procureur général a adressé au général Saliba un mémorandum dans lequel il réclame le transfert de l’ensemble des prisonniers détenus par la Sécurité de l'État vers les établissements pénitentiaires relevant des Forces de sécurité intérieure. L’ordre du procureur est cependant resté lettre morte.
Selon la même source, le juge Hajjar «s’est enquis par la suite des raisons du retard dans le transfert des prisonniers et a demandé une liste des noms de tous les détenus sous la garde de la sécurité de l’État». «Celle-ci lui a été remise, mais le nom de Dany el-Rachid n’y figurait pas, ce qui l'a amené à croire que ce dernier avait été transféré vers une prison centrale. Quelle n’a été sa surprise d’apprendre par la suite qu’il s’était évadé», selon la source.
Il est intéressant de relever que l'évasion a eu lieu peu de temps après la programmation d’un transfert de Rachid vers une prison gérée par les FSI. Elle a suivi un échange téléphonique entre le général Saliba et le directeur général des FSI, Imad Osman, lors duquel a été décidée la date du transfert de ce détenu.
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