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- Retrait israélien de Gaza sud: espoir de paix ou manoeuvre?
©(RONALDO SCHEMIDT / AFP)
Prélude à un cessez-le-feu durable ou délai avant un retour en force en direction de Rafah? La décision israélienne de retirer ses forces de Khan Younès dimanche a de quoi interroger, notamment à l'aune des récentes pressions américaines.
L'armée israélienne a annoncé dimanche le retrait de la quasi-totalité de ses troupes au sud de Gaza. Derrière ce développement majeur se cache une conjoncture de plusieurs facteurs politiques, qui ont vraisemblablement forcé la main du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Jusqu'à présent, celui-ci se faisait le héraut d'une politique jusqu'au-boutiste, qui aurait dû se matérialiser par une offensive totale sur Rafah. Ce dernier avait notamment déclaré le 27 mars qu'Israël "n'avait pas d'autre choix" que de se rendre à Rafah, car "l'existence même du pays est en jeu", une offensive contre cette ville du sud de Gaza, étant, selon lui, indispensable pour "éliminer le Hamas" contre qui il est en guerre depuis le 7 octobre 2023.
Le principal élément qui semble avoir joué un rôle dans ce retrait réside dans le revirement de l'administration américaine vis-à-vis de M. Netanyahou. Face à l'étendue des dégâts causés par l'armée israélienne dans l'enclave, notamment le lourd bilan humain qu'a aggravé la mort de travailleurs humanitaires de l'ONG World Central Kitchen (WCK), basée aux États-Unis, le président américain, Joe Biden, ne cache plus son exaspération face à la fuite en avant du Premier ministre israélien.
L'armée israélienne a cependant nié cette hypothèse, arguant que la décision de retrait résulte de l'épuisement de toutes les opérations de renseignement et de combat dans la région.
Selon CNN, Joe Biden a notamment menacé Benjamin Netanyahou de lourdes conséquences si celui-ci n'infléchissait pas sa politique à Gaza, lors de leur dernier entretien téléphonique, jeudi 4 avril. Parmi les avertissements formulés par le premier, celui concernant une suspension de l'aide militaire américaine à Israël en constitue la forme la plus tangible.
Cette potentielle décision serait, soit dit en passant, conforme à la décision du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a exigé vendredi l’arrêt de toute vente d’armes à Israël. Pour rappel, l'État hébreu a bénéficié de 124 milliards de dollars d'aide militaire de la part de Washington depuis sa création.
Au cours des années précédant la guerre, le montant annuel s'élevait en moyenne à 3,8 milliards. Celui-ci a depuis significativement augmenté, comme en atteste la récente décision américaine de livrer avions de combats et munitions à Tel-Aviv, le 29 mars.
La décision israélienne de retrait pourrait notamment constituer un prélude à un cessez-le-feu, au moins temporaire, dans l'enclave palestinienne. Car ce retrait intervient au moment où l'Égypte s'apprête à accueillir une nouvelle série de pourparlers en vue de parvenir à une trêve et à un accord sur la libération des otages encore détenus par le Hamas en échange de la libération de prisonniers palestiniens.
Le directeur de la CIA, Bill Burns, et son homologue israélien, le chef du Mossad, David Barnea, ainsi que des responsables égyptiens et qataris, doivent notamment encadrer ces négociations qui doivent s'ouvrir dimanche au Caire.
Samedi, le Hamas a indiqué qu'il "ne renoncerait pas" à ses exigences pour un cessez-le-feu avec Israël, tout en annonçant l'envoi d'une délégation aux discussions prévues dans la capitale égyptienne. Auparavant, M. Biden avait appelé à un cessez-le-feu immédiat dans l'enclave, conformément à la résolution 2728 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 25 mars.
Un autre élément qui a pu forcer la main de l'actuel Premier ministre israélien est lié à l'évolution de la situation politique intérieure en Israël où le mouvement d'opposition à la politique de Benjamin Netanyahou s'amplifie. Au cours des derniers jours, l'unité nationale affichée au début du conflit a volé en éclats.
D'un côté, les manifestations anti-Netanyahou augmentent, tant au niveau du nombre que de l'intensité. De l'autre, de plus en plus de responsables politiques rivaux de celui-ci appellent à des élections anticipées, à l'image de Benny Gantz, principal rival politique du Premier ministre et membre du cabinet de guerre israélien.
Des parents et des sympathisants des otages israéliens détenus à Gaza depuis les attaques du 7 octobre par des militants du Hamas tiennent des photos de l'otage Elad Katzir, âgé de 47 ans, et agitent des drapeaux israéliens lors d'une manifestation devant le ministère de la Défense dans la ville côtière israélienne de Tel Aviv, le 6 avril 2024, dans le cadre du conflit en cours dans la bande de Gaza entre Israël et le mouvement militant palestinien du Hamas. (JACK GUEZ / AFP)
Autre fait alarmant pour Netanyahou, la visite ce weekend de l'autre figure de l'opposition centriste Yaïr Lapid à Washington. En lui accordant un tel crédit, l'administration américaine montre aussi qu'elle prépare l'après-Netanyahou, au moment où le Premier ministre israélien joue sa survie politique.
Vue sous cet angle, la décision du gouvernement israélien peut donc aussi être interprétée comme une nouvelle démarche qui permettrait de maintenir ce dernier au pouvoir.
Le retrait de la quasi-totalité des forces israéliennes ne signifie pour autant pas la fin de la guerre dans la bande de Gaza. Tout d'abord, l'armée israélienne a précisé que cette manœuvre ne concerne que le sud de celle-ci.
D'autre part, Tel-Aviv a annoncé maintenir une brigade sur place, soit une unité constituée en moyenne entre 2.000 et 5.000 hommes. Si une telle force ne permet pour autant pas de mener des actions offensives d'ampleur, elle demeure suffisante pour manifester la présence de l'État hébreu dans l'enclave.
Un homme fouille les décombres au milieu de la dévastation causée par des mois de bombardements israéliens à Khan Yunis, le 7 avril 2024, après qu'Israël ait retiré ses forces terrestres du sud de la bande de Gaza. (MOHAMMED ABED / AFP)
Cette présence, couplée à celle d'autres unités plus au nord et à la persistance de bombardements, signifie donc que l'État hébreu n'a pas renoncé à sa volonté de continuer ses opérations à Gaza. En témoigne les mots d'un responsable militaire israélien, qui a précisé que l'armée "continuera à opérer sur place en fonction des besoins opérationnels".
L'armée israélienne a annoncé dimanche le retrait de la quasi-totalité de ses troupes au sud de Gaza. Derrière ce développement majeur se cache une conjoncture de plusieurs facteurs politiques, qui ont vraisemblablement forcé la main du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Jusqu'à présent, celui-ci se faisait le héraut d'une politique jusqu'au-boutiste, qui aurait dû se matérialiser par une offensive totale sur Rafah. Ce dernier avait notamment déclaré le 27 mars qu'Israël "n'avait pas d'autre choix" que de se rendre à Rafah, car "l'existence même du pays est en jeu", une offensive contre cette ville du sud de Gaza, étant, selon lui, indispensable pour "éliminer le Hamas" contre qui il est en guerre depuis le 7 octobre 2023.
Revirement américain
Le principal élément qui semble avoir joué un rôle dans ce retrait réside dans le revirement de l'administration américaine vis-à-vis de M. Netanyahou. Face à l'étendue des dégâts causés par l'armée israélienne dans l'enclave, notamment le lourd bilan humain qu'a aggravé la mort de travailleurs humanitaires de l'ONG World Central Kitchen (WCK), basée aux États-Unis, le président américain, Joe Biden, ne cache plus son exaspération face à la fuite en avant du Premier ministre israélien.
L'armée israélienne a cependant nié cette hypothèse, arguant que la décision de retrait résulte de l'épuisement de toutes les opérations de renseignement et de combat dans la région.
Selon CNN, Joe Biden a notamment menacé Benjamin Netanyahou de lourdes conséquences si celui-ci n'infléchissait pas sa politique à Gaza, lors de leur dernier entretien téléphonique, jeudi 4 avril. Parmi les avertissements formulés par le premier, celui concernant une suspension de l'aide militaire américaine à Israël en constitue la forme la plus tangible.
Cette potentielle décision serait, soit dit en passant, conforme à la décision du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a exigé vendredi l’arrêt de toute vente d’armes à Israël. Pour rappel, l'État hébreu a bénéficié de 124 milliards de dollars d'aide militaire de la part de Washington depuis sa création.
Au cours des années précédant la guerre, le montant annuel s'élevait en moyenne à 3,8 milliards. Celui-ci a depuis significativement augmenté, comme en atteste la récente décision américaine de livrer avions de combats et munitions à Tel-Aviv, le 29 mars.
Vers un cessez-le-feu temporaire?
La décision israélienne de retrait pourrait notamment constituer un prélude à un cessez-le-feu, au moins temporaire, dans l'enclave palestinienne. Car ce retrait intervient au moment où l'Égypte s'apprête à accueillir une nouvelle série de pourparlers en vue de parvenir à une trêve et à un accord sur la libération des otages encore détenus par le Hamas en échange de la libération de prisonniers palestiniens.
Le directeur de la CIA, Bill Burns, et son homologue israélien, le chef du Mossad, David Barnea, ainsi que des responsables égyptiens et qataris, doivent notamment encadrer ces négociations qui doivent s'ouvrir dimanche au Caire.
Samedi, le Hamas a indiqué qu'il "ne renoncerait pas" à ses exigences pour un cessez-le-feu avec Israël, tout en annonçant l'envoi d'une délégation aux discussions prévues dans la capitale égyptienne. Auparavant, M. Biden avait appelé à un cessez-le-feu immédiat dans l'enclave, conformément à la résolution 2728 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 25 mars.
Netanyahou acculé
Un autre élément qui a pu forcer la main de l'actuel Premier ministre israélien est lié à l'évolution de la situation politique intérieure en Israël où le mouvement d'opposition à la politique de Benjamin Netanyahou s'amplifie. Au cours des derniers jours, l'unité nationale affichée au début du conflit a volé en éclats.
D'un côté, les manifestations anti-Netanyahou augmentent, tant au niveau du nombre que de l'intensité. De l'autre, de plus en plus de responsables politiques rivaux de celui-ci appellent à des élections anticipées, à l'image de Benny Gantz, principal rival politique du Premier ministre et membre du cabinet de guerre israélien.
Des parents et des sympathisants des otages israéliens détenus à Gaza depuis les attaques du 7 octobre par des militants du Hamas tiennent des photos de l'otage Elad Katzir, âgé de 47 ans, et agitent des drapeaux israéliens lors d'une manifestation devant le ministère de la Défense dans la ville côtière israélienne de Tel Aviv, le 6 avril 2024, dans le cadre du conflit en cours dans la bande de Gaza entre Israël et le mouvement militant palestinien du Hamas. (JACK GUEZ / AFP)
Autre fait alarmant pour Netanyahou, la visite ce weekend de l'autre figure de l'opposition centriste Yaïr Lapid à Washington. En lui accordant un tel crédit, l'administration américaine montre aussi qu'elle prépare l'après-Netanyahou, au moment où le Premier ministre israélien joue sa survie politique.
Vue sous cet angle, la décision du gouvernement israélien peut donc aussi être interprétée comme une nouvelle démarche qui permettrait de maintenir ce dernier au pouvoir.
Pourquoi il faut temporiser
Le retrait de la quasi-totalité des forces israéliennes ne signifie pour autant pas la fin de la guerre dans la bande de Gaza. Tout d'abord, l'armée israélienne a précisé que cette manœuvre ne concerne que le sud de celle-ci.
D'autre part, Tel-Aviv a annoncé maintenir une brigade sur place, soit une unité constituée en moyenne entre 2.000 et 5.000 hommes. Si une telle force ne permet pour autant pas de mener des actions offensives d'ampleur, elle demeure suffisante pour manifester la présence de l'État hébreu dans l'enclave.
Un homme fouille les décombres au milieu de la dévastation causée par des mois de bombardements israéliens à Khan Yunis, le 7 avril 2024, après qu'Israël ait retiré ses forces terrestres du sud de la bande de Gaza. (MOHAMMED ABED / AFP)
Cette présence, couplée à celle d'autres unités plus au nord et à la persistance de bombardements, signifie donc que l'État hébreu n'a pas renoncé à sa volonté de continuer ses opérations à Gaza. En témoigne les mots d'un responsable militaire israélien, qui a précisé que l'armée "continuera à opérer sur place en fonction des besoins opérationnels".
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