Al-Souq al-Oumoumi est un spectacle écrit et mis en scène par Hisham Jaber, qui retrace le quartier des maisons closes de des années 60, dans une ambiance colorée et pétillante. La pièce a débuté le 13 janvier et se tient chaque jeudi à Metro al-Madina.
Entre réalité et fiction, les histoires du quartier des maisons closes du centre-ville de Beyrouth sont racontées du point de vue des patronnes les plus célèbres de l’époque préguerre. «Une rue simple et ordinaire, avec des bâtiments et des maisons… des maisons de passe.» Les habitants de Beyrouth étaient convaincus que cette rue, nommée Al-Mutanabbi, était destinée à protéger les familles locales de l’indécence.
Hisham Jaber, metteur en scène avec douze ans d’expérience dans ce type de représentation, explique: «Relire les archives était important pour nous. Nous avons tenté de reconstituer des histoires en raison du peu de documents disponibles, et nous avons établi un parallèle entre l’histoire de ce souk et celle de la ville.» L’équipe a mené plusieurs entretiens avec d’anciennes travailleuses et des clients, mais leur principale source a été le rapport rédigé dans les années 60 par le Dr Samir Khalaf, anthropologue, qui avait interviewé cent filles pour une étude destinée aux étudiants de l’AUB. «Il est à noter qu’un souk similaire existait à Tripoli et a été fermé dans les années 60», ajoute Hisham Jaber.
Quant à la prédominance du réel sur la fiction, il répond: «Il était important pour nous de représenter la période telle qu’elle était, à travers les habits, les textiles, les couleurs… La création des costumes par Yasmina Fayed a joué un rôle crucial. La musique a également été un élément clé pour ranimer ce souk, tel qu’il avait été conçu, avec des airs méditerranéens teintés de jazz et de blues.» L’histoire, bien que vraie, est enrobée de fiction, car l’équipe ne voulait pas réaliser un documentaire. Sur scène, six musiciens, huit actrices et quatre acteurs, soigneusement sélectionnés, donnent vie aux personnages. «Nous croyons aussi à la libération que le théâtre peut apporter, que ce soit à travers le corps ou les mots», souligne Hisham Jaber.
Le processus de création a duré quatre ans, avec de nombreuses réécritures avant que la pièce ne voie le jour. Hisham Jaber a composé des mélodies pour les textes, puis a travaillé la musique avec Makram Aboul Hosn. Khouloud Yassine a chorégraphié le projet, tandis qu’Élie Rizkallah et Nadim Saoma ont créé respectivement les splendides tableaux visuels et les animations. «Finalement, après 40 répétitions, nous avons réussi à reproduire à travers des séquences riches en mouvement et son, ainsi qu’une esthétique visuelle, l’ambiance de ce souk à cette période-là, et nous sommes heureux de contribuer à un certain dynamisme artistique à Beyrouth», conclut Hisham Jaber.
Joseph Azoury, comédien et musicien, parle de son engagement dans cette création: «Si on m’avait posé la question il y a six ou sept ans, j’aurais certainement dit que je préférais le théâtre. Mais j’ai, depuis, appris le langage musical et la manière de m’exprimer à travers ce médium, tout comme au théâtre on s’exprime à travers les mots et le corps.» Il a découvert dans la musique l’émerveillement et la curiosité de l’enfant qui a envie d’apprendre encore plus. «Actuellement, je dirais que je suis entre les deux, le théâtre et la musique. Ce qui est intéressant pour moi dans cette pièce, c’est que l’on est à la fois acteur, chanteur et danseur, et que les acteurs et musiciens se côtoient sur scène harmonieusement.» Joseph Azoury espère également que son travail sur la musique durant ces six dernières années trouvera un aboutissement, comme un concert.
Son rôle dans Al-Souq al-Oumoumi ne se limite pas à un seul personnage, mais s'étend à cinq. «Nous sommes tous polyvalents dans cette performance. Nous partons du vécu des filles, pour arriver à la rue, puis à l’histoire de la ville, Beyrouth.» Son personnage préféré est celui du serveur à Kahwet el-Ezez, qui relate l’histoire quotidienne de ces filles, sur une toile de musique transportant le public des années 20 aux années 60. «Un moment inégalable!», conclut-il.
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