Gaël Faye: de l'enfance meurtrie au roman graphique

 
Petit pays, le roman best-seller de Gaël Faye sur une enfance marquée par le génocide rwandais, prend vie dans une bande dessinée émouvante, explorant les silences et l’universalité du vécu.
Sorti en 2016, Petit pays de Gaël Faye a marqué les esprits par son récit poignant d’une enfance au Burundi, sur fond de guerre civile et de génocide rwandais. Après avoir été adapté au cinéma et au théâtre, ce roman largement autobiographique prend désormais vie dans les cases d’une bande dessinée, fruit d’une collaboration entre Gaël Faye lui-même, Marzena Sowa au scénario et Sylvain Savoia au dessin.
L’histoire suit le jeune Gabriel, alter ego de l’auteur, qui grandit à Bujumbura en 1992 alors que le pays des Grands Lacs s’apprête à basculer dans la violence. Né d’un père français et d’une mère rwandaise, Gabriel est entouré par un bruit de fond de haine dont les adultes refusent de parler. «Les parents pensent souvent qu’en ne disant rien, on protège les enfants, mais c’est faux», souligne Gaël Faye, qui comme son personnage, a grandi dans une «famille du silence» avant de devoir fuir le Burundi à 13 ans, un an après le génocide des Tutsis au Rwanda.
Pour l’auteur, il est essentiel que cette histoire soit racontée par la fiction et pas seulement par un discours politique, afin d’y entrer «par une porte plus sensible». Lui-même a compris le génocide grâce à une pièce de théâtre, Rwanda 94, qui lui a fait comprendre l’histoire de sa propre famille. Il est désormais convaincu que le récit autour des ethnies hutu et tutsi relève de «thèses racistes du XIXe siècle».

Crédit photo: Joel Saget/AFP
Adapter un récit aussi personnel en bande dessinée n’a pas été une mince affaire. La scénariste Marzena Sowa y a consacré un an et demi, relisant de nombreuses fois le roman pour en extraire l’essence. Née en Pologne en 1979, elle aussi a grandi dans une période troublée, celle de la montée de Solidarnosc et de la contestation antisoviétique. «Tout ça, je l’ai ressenti en lisant Petit pays, même si c’est une autre culture, un autre pays. Il y a cette universalité», confie-t-elle.
Le dessinateur Sylvain Savoia a, quant à lui, dû s’atteler à la question épineuse de la représentation de l’insoutenable. S’il s’est concentré sur le quotidien parfois insouciant de Gabriel, il a tout de même consacré quelques cases glaçantes aux massacres, pour «faire ressentir la terreur qui surgit dans le quotidien» et ne pas donner prise aux négationnistes.
Car trente ans après, la mémoire du génocide reste à vif, notamment en France où le rôle du pays fait l’objet d’un examen de conscience difficile. Pour Gaël Faye, cette histoire est loin d’être terminée. «Tout le monde marche sur des œufs», constate-t-il, relevant que de nombreux acteurs du génocide sont encore en vie. Raison de plus pour continuer à en parler, par tous les moyens, de la fiction au témoignage.
Avec AFP
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