Attaquer directement Israël n'est plus tabou pour l'Iran
©(ATTA KENARE/AFP)
En attaquant pour la première fois le territoire israélien, l'Iran a annoncé avoir appliqué sa nouvelle stratégie: répliquer directement depuis son territoire à Israël lorsque les intérêts iraniens seront pris pour cible, en Iran ou à l'étranger.

Ce changement de posture face à son ennemi juré a été dévoilé par les dirigeants politiques et militaires iraniens qui se sont exprimés après la vague de drones, missiles balistiques et de croisière lancés samedi soir vers Israël.

À Téhéran, le président Ebrahim Raïssi a dit avoir infligé une «leçon instructive à l'ennemi sioniste».

Pour lui, «la punition de l'agresseur» s'est réalisée sur «la base du droit légitime de se défendre», après la mort de sept militaires iraniens dans une frappe israélienne contre le consulat iranien à Damas le 1ᵉʳ avril.

Mais l'envergure de la riposte a surpris la communauté internationale, car la République islamique s'était gardée d'attaquer frontalement Israël depuis son instauration en 1979.

Au cours des 45 dernières années, les deux ennemis ont pris l'habitude de lancer des opérations clandestines, qu'ils ne revendiquent pas, ou de s'en remettre à des actions menées par des organisations non étatiques, comme le Hezbollah soutenu par Téhéran.
«La nouvelle stratégie»

«Aujourd’hui, l’équation stratégique a changé. Cibler les forces et les moyens iraniens entraînera une réponse directe», a averti Mohammad Jamshidi, un conseiller de M. Raïssi, dans un message posté sur X dimanche.

Hossein Salami, le commandant des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, a été plus explicite: «La nouvelle équation est la suivante: désormais, en cas d'attaque israélienne contre des intérêts des personnalités ou des citoyens iraniens n’importe où, il y aura une riposte» lancée depuis l'Iran.

Saluant à la une le succès «historique» de l'attaque, le quotidien gouvernemental Iran a souligné lundi qu'elle illustrait la «nouvelle stratégie du pouvoir dans la région».

Elle représente «un test dont l'Iran avait besoin pour savoir comment agir dans les batailles futures», a renchéri le quotidien ultraconservateur Javan.


Le journal réformateur Ham Mihan souligne que «la réponse directe» de l'Iran à Israël a «mis fin au statu quo et brisé les règles du conflit qui oppose les deux parties» depuis des décennies.

«Il n'y a plus de guerre de l'ombre entre les deux camps», qui «peuvent oser attaquer directement l'autre partie», écrit-il.

Cela n'avait pas été le cas après les précédentes attaques attribuées à Israël contre des intérêts iraniens en Syrie, ou ailleurs, ces dernières années.
«L'ère de la patience est terminée»

En 2020, l'Iran avait aussi choisi une réaction relativement limitée, selon les spécialistes, à la mort du général Qassem Soleimani, un important chef des Gardiens de la Révolution, dans une frappe américaine près de Bagdad en janvier 2020.

Quatre jours plus tard, il avait lancé des missiles contre deux bases américaines en Irak, en avertissant toutefois au préalable les États-Unis, selon des sources américaines. Aucun soldat n'avait été tué.

Dans son message, dimanche, Mohammad Jamshidi a souligné: «L'ère de la patience stratégique face aux vices du régime sioniste est terminée».

Le concept de la «patience stratégique» a été défendu par l'ex-président modéré, Hassan Rohani, après la décision des États-Unis de quitter l'accord sur le nucléaire en 2018 sous la présidence de Donald Trump. Il justifiait le fait que Téhéran ne prendrait pas immédiatement de contre-mesures et attendrait la bonne opportunité en pariant sur le long terme.

Après la frappe contre le consulat d'Iran à Damas, des partisans de la République islamique ont critiqué cette stratégie, estimant qu'elle était trop passive et encourageait Israël à mener davantage d'attaques contre les intérêts iraniens.

«L'opération victorieuse» contre Israël a «renforcé la dissuasion stratégique de l'Iran face aux ennemis», a affirmé lundi le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian.

Ahmad PARHIZI et Jérôme RIVET, avec AFP
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