Dans le cadre du Women International Film Festival, le film Retour en Alexandrie du réalisateur et scénariste suisse-égyptien Tamer Ruggli a été projeté à l’ABC Dbayeh le 15 avril 2024. L’enthousiasme battait son plein lors de la première du film.
Deux salles étaient entièrement bondées pour la projection de Retour en Alexandrie, avec un grand nombre de spectateurs serrés sur les escaliers, prêts à tout pour capter la magie de l’instant. Une ambiance qui ramène Beyrouth, malgré la crise régionale, à l’alchimie du cinéma. Pendant deux heures, une sorte de bulle enveloppait les assoiffés de culture et de chaleur humaine et les gardait à l’abri du monde extérieur, sous les ailes du rêve.
Après vingt ans d’absence, Sue, interprétée par une touchante Nadine Labaki, retourne en Égypte, son pays natal, pour revoir sa mère, l’intrépide Fanny Ardant, Feyrouz, une aristocrate excentrique, avec qui elle a rompu tout lien. Ce voyage surprenant, qui la mène du Caire à Alexandrie, teinté de souvenirs lointains, de nostalgie et de sentiments contradictoires à l’égard de son passé, lui permettra de devenir libre et affranchie.
Revenant sur les souvenirs qu’il a de sa mère, le réalisateur raconte: «J’ai grandi en écoutant ses histoires, leurs histoires, les archivant et les racontant à mon tour, comme s’il s’agissait d’épisodes de ma propre vie.» Il cite Antoine de Saint-Exupéry: «Je suis de mon enfance comme je suis de mon pays.» À la question: «Que vous reste-t-il de tout cela?», il répond: «Mes souvenirs.»
Le film est un portrait de famille imprégné de souvenirs d’enfance avec une teinte indélébile de l’Égypte colorée et parfumée d’antan. C’est aussi une histoire de deuil, ou comment l’on se retrouve inévitablement orphelin un jour, face à son existence. Le grand critique cinématographique et enseignant Émile Chahine affirme qu’il apprécie ce genre de films humains. «On sent que l’enfance est loin derrière et l’on se doit de se réconcilier avec soi», intervient Rose-Marie Chahine, écrivaine, docteure en philosophie et psychothérapie et présidente de la fondation Émile Chahine. Le face-à-face de Sue avec son passé lui permettra de reprendre contact avec ce cordon ombilical pour enfin arriver à le couper, mais aussi de replonger dans ses origines égyptiennes, sur le charme de l’Égypte d’antan, où même Feyrouz chante Harramt Ahebbak de Warda. Éternellement surprenante, Fanny Ardant. Pétillante de vie. Son humanité crève le grand écran. Face à cette grande actrice se tient avec une grande présence Nadine Labaki, en effet miroir, dans une ressemblance surprenante, le regard parlant, l’émotion au bord des larmes ou du rire; «la joie dans la douleur.» Deux générations, deux femmes, mère et fille, chacune ayant eu une vie, et portant, chacune de son côté, leurs secrets. Elles taisent la lourdeur des non-dits ou déversent leur passé riche de leurs passions vécues ou avortées. Pour Nadine Labaki qui surprend les spectateurs avec son maniement des langues et des dialectes, passant aisément dans ce film du français à l’arabe égyptien, «c’est l’aventure qui compte. L’équipe de travail, le film, les personnes que je côtoie durant le tournage… tout cela me permet de me défaire un peu de ma responsabilité de réalisatrice.» Revenant sur son travail avec Fanny Ardant, elle atteste tout franchement: «C’était un rêve pour moi de l’apercevoir. J’ai eu la chance non seulement de travailler avec elle, mais aussi de la côtoyer et de lui parler. Nous avons partagé nos expériences de vie, de femmes et j’ai découvert en elle, au-delà de l’actrice, la femme extraordinaire et le merveilleux être humain qu’elle est.»
La projection du film autour de l’Égypte a eu lieu après la célébration d’une grande actrice du pays. En effet, le festival avait débuté en grande pompe la nuit précédente, le 14 avril 2024, au Casino du Liban avec un hommage à Yousra, légende égyptienne qui a fait rêver des générations entières braquées sur leur petit écran.
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