«Passions partagées» : Yvon Lambert, un collectionneur visionnaire au Mucem

Du 17 avril au 23 septembre 2024, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille accueille Passions partagées, une exposition exceptionnelle mettant en lumière la collection d’Yvon Lambert, figure emblématique du monde de l’art contemporain. Cet événement inédit révèle les correspondances insoupçonnées entre les œuvres rassemblées par ce marchand d’art visionnaire et les trésors conservés dans les réserves du musée.
Né en 1936 à Vence, au cœur de la Provence, Yvon Lambert a grandi dans un environnement imprégné d’art et de culture. Son père, chauffeur de taxi et grand bibliophile, vouait une passion à la culture provençale, tandis que sa ville natale attirait de nombreux artistes dans les années 1950, tels que Matisse et Chagall. Ce bouillonnement culturel a très tôt éveillé la curiosité du jeune Yvon, qui, bien qu’étranger à ce milieu, s’est lancé dès son plus jeune âge dans l’apprentissage du métier de marchand d’art.
À seulement 26 ans, Yvon Lambert ouvre sa première galerie sur la place de Vence, avec le soutien financier de sa mère. Sa première exposition, consacrée à des dessins de Picasso et Modigliani, annonce déjà l’audace et l’avant-gardisme qui caractériseront son parcours. Trois ans plus tard, il s’installe à Paris, où il attire rapidement des artistes novateurs tels que Niele Toroni, séduits par sa vision singulière et son approche non-conformiste.
Dans les années 1960, Yvon Lambert commence à bâtir sa collection en acquérant des œuvres d’artistes pratiquant l’art minimal, conceptuel et le Land Art. Plus tard, dans les années 1980, il se tourne vers une nouvelle peinture figurative et la photographie, avec un intérêt marqué pour les artistes américains engagés dans les révolutions culturelles, comme Nan Goldin et Andres Serrano.
Dialogue entre deux collections
L’exposition Passions partagées met en exergue les racines provençales d’Yvon Lambert et la façon dont les artistes de sa collection se sont nourris d’objets d’art populaire, de folklore et du quotidien. Au fil de la visite, le public découvre comment une centaine d’œuvres issues de la donation d’Yvon Lambert à l’État français en 2012, ainsi que de sa collection personnelle, entrent en résonance avec autant d’objets du Mucem. Peintures, sculptures et installations contemporaines côtoient ainsi des pièces plus anciennes, témoins de la vie quotidienne, de l’artisanat traditionnel ou encore de l’histoire des civilisations méditerranéennes.

Plusieurs thématiques universelles se dégagent de ce dialogue fécond entre la Collection Lambert et les collections du Mucem. La question du populaire et du quotidien apparaît comme un fil rouge, montrant comment les artistes, qu’ils soient issus des avant-gardes du XXe siècle ou de sociétés plus traditionnelles, puisent leur inspiration dans la vie de tous les jours. Le rapport entre l’homme et la nature est également au cœur de l’exposition, avec des œuvres qui interrogent notre place dans l’environnement, célèbrent la beauté des paysages méditerranéens ou encore questionnent l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes.
La poésie, la littérature et l’intime occupent aussi une place de choix, rappelant les liens étroits entre les arts visuels, l’écriture et l’existence. Des livres d’artistes aux œuvres inspirées de grands textes littéraires, en passant par la calligraphie, l’exposition montre la fertilité des échanges entre les mots et les images. Enfin, l’intime et l’existence sont explorés à travers des œuvres qui mettent en scène le corps, l’intériorité, les émotions et les questionnements existentiels.
Ce dialogue entre les collections du Mucem et celles d’Yvon Lambert témoigne, selon François Quintin, directeur de la Collection Lambert, de la rencontre entre «les passions de gens qui ont consacré leur vie à écouter leur étonnement».
Autodidacte et personnage instinctif, Yvon Lambert a su tisser des liens étroits avec les artistes qu’il a soutenus, privilégiant la passion à la dimension commerciale. Lorsqu’il ferme sa galerie parisienne en 2014, il exprime son désarroi face à un marché de l’art de plus en plus spéculatif, où les acheteurs s’intéressent davantage à la rentabilité future des œuvres qu’à leur valeur artistique intrinsèque.
Aujourd’hui âgé de 88 ans, Yvon Lambert continue d’enrichir sa collection avec la même ferveur, comme en témoignent les deux œuvres récemment acquises et présentées dans l’exposition. Son parcours exceptionnel, de mitron à collectionneur de renom, incarne l’histoire d’un amoureux de l’art qui a su, par son regard avant-gardiste et sa passion dévorante, façonner le paysage artistique contemporain.
Passions partagées offre une plongée fascinante dans l’univers d’Yvon Lambert, révélant les influences profondes qui ont nourri sa vision singulière de l’art. Une exposition incontournable pour tous ceux qui souhaitent découvrir ou redécouvrir l’œuvre d’un marchand d’art et collectionneur hors du commun, dont l’héritage continue d’inspirer et d’émerveiller.
Avec AFP
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